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JERONIMO à l’Ancienne Belgique pour une soirée ABBOTA

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Exemple parfait de la complémentarité des deux Communautés à mille lieues de toute considération politique et linguistique, l’association entre l’Ancienne Belgique et le Botanique est une réussite. Depuis trois ans, cet échange culturel se concrétise lors d’un week-end où chaque salle programme des artistes pour l’autre. C’est ainsi que se retrouvaient ce vendredi 27 février au menu de l’AB, Jeronimo, Vismets, Selah Sue et Papa Dada… C’est donc à Papa Dada, récent vainqueur du Concours Circuit, que revenait l’honneur d’ouvrir les festivités à 19h tapantes devant un parterre de spectateurs constitué majoritairement de connaissances et d’amis tout acquis à leur cause. Pour ma part, j’allais enfin les voir dans des conditions convenables, vu que la Rotonde débordait lors de la finale du précité concours, ce qui m’avait empêché de les apprécier. Force est de constater que le chanteur claviériste (qui joue debout), le batteur et le bassiste ont une complémentarité qui saute aux yeux. Evidemment, dans cette configuration dont les guitares sont exclues, on ne peut que penser à Keane, surtout qu’ils font la part belle aux mélodies pop douces, taillées à merveille pour la voix du chanteur dont le timbre se situe quelque part entre Mark Morris des Bluetones et Joe Jackson (dans ce dernier cas, le piano fait beaucoup…).

Personnellement, je les trouve un peu trop gentils (même si le bassiste fait le dur avec son instrument, un peu comme s’il jouait dans Metallica) avec des compositions qui manquent de puissance. C’est clair qu’ils vont passer massivement à la radio lorsque leur album sortira (c’est sans doute la clé de leur victoire en décembre) mais dans le même temps, on ne fera pas avancer le schmilblick. Il y a malgré tout quelques bons moments (le refrain de “All I Wanna Do Is Dance” par exemple) mais la farce reprend vite le dessus (cfr leur chanson avec le refrain en néerlandais – “Heb jij mijn kat gezien” – sur un riff à la Inspecteur Gadget avec le batteur qui miaule à l’arrière-plan…). Mouais… Soit, une prestation qui a ravi les fans mais qui ne m’a pas impressionné…

Autant dire tout de suite que Selah Sue, qui débutait alors son concert dans la Box, ne m’a pas non plus convaincu. Ici aussi, l’artiste a une voix soul magnifique (entre Amy Winehouse, Duffy et Dusty Springfield) et un jeu de guitare aussi simple qu’efficace (elle fait claquer les cordes d’une manière impeccable). Elle chante très bien, mais une fille toute seule sur une grande scène simplement armée d’une guitare limite franchement les possibilités de diversion. Ce qui veut dire qu’après quelques premiers morceaux intéressants, on tourne rapidement en rond. Elle propose également une adaptation du morceau des Zutons (“Valerie”), popularisé par Amy Winehouse, ce qui a quelque peu réveillé le public. Mais c’était pour revenir dans le même carcan juste après. On a donc préféré assurer notre place au Club pour le groupe suivant. Pourtant, cette dame était invitée par Triggerfinger il y a peu dans cette même salle pour les accompagner sur un titre et elle avait été impressionnante. Peut-être devrait-elle se faire accompagner de musiciens et se concentrer essentiellement sur sa voix…

250 places disponibles dans le Club, c’est trop peu, évidemment (d’ailleurs, pourquoi ne pas avoir fait jouer Selah Sue dans cet endroit plus intimiste?). Mais au moins, cela aura permis à Vismets de jouer devant une salle pleine à craquer. Eux, ils se bonifient à chaque prestation. Je les avais découverts en première partie de Montevideo en octobre 2007 où ils jouaient un rock brouillon aux relents de Ghinzu. Quelques mois plus tard, à l’Atelier 210, on a commencé à sentir leur potentiel et aux Nuits du Soir en septembre dernier, on a clairement remarqué une évolution. Pour la petite histoire, c’était également une grande première ce soir pour eux, puisqu’ils ont récemment accueilli un quatrième membre, en la personne de Ramy Vismet, un bassiste claviériste qui a la faculté de pouvoir libérer les autres musiciens et leur permettre de désormais s’en donner à cœur joie.

Résultat, une explosivité décuplée, une puissance ahurissante qui a scotché sur place les spectateurs du Club. Leur électro rock légèrement psyché a encore évolué et donne extrêmement bien sur scène. Le chanteur passe d’un micro à l’autre et vit son concert à fond, bien soutenu par des musiciens qui ont de toute évidence envie de vider leurs tripes et qui communiquent leur énergie positive à nos oreilles. Leur cover speedée de Pink Floyd (“Arnold Layne”) est au point, “We Are Professionals” est un hit mais on remarque qu’il a moins de potentiel que la plupart des titres présentés ce soir, c’est vous dire… Au rayon influences, on ne peut s’empêcher de penser à du Ghinzu pour la complexité de certains morceaux et pour la manière de chanter de Dany Vismet, mais ils continuent de façonner leur personnalité. Tout ça pour dire que les Vismets, c’est du solide et leur dernier titre a tout déchiré, ponctué par une pseudo cover du “Blue Suede Shoes” de Carl Perkins. A revoir impérativement lorsqu’ils sont dans le coin.

Après cette claque, on s’est demandé comment Jeronimo allait mener à bien sa mission de clôturer la soirée. Personnellement, j’avais confiance vu que Jérôme Mardaga s’est constitué un backing band de grande qualité (son fidèle batteur Thomas Jungblut, le guitariste Gaëtan Streel alias Mr Poulpy et le bassiste Calogero Marotta) et que les dernières prestations du groupe (à Dour et aux Nuits du Soir en ce qui me concerne) avaient été bien remuantes. Aujourd’hui aussi, ce fut le cas, au moins pour débuter le set: “Heidy” et “Un Eté Inoubliable” (complètement réarrangé et qui fait la part belle aux guitares). Seul petit bémol, un son brouillon auquel on n’est pas habitué à l’AB.

La plupart du matériel présenté ce soir est extrait de son excellent troisième album, “Mélodies Démolies”, sorti en automne dernier, interprété avec plus ou moins de bonheur (les très bons “Rendez-vous Dans Ma Loge” et “La Lumière Au Bout Du Tunnel Est Un Train”, mais aussi les plus faibles “Bel Ange” ou “Maman Si Tu Savais”). Admirons également son bilinguisme sur “Le Nord Le Sud Et Le Grand Mur” et ses célèbres covers en français de Rage Against The Machine (“Bullet In The Head” devient “Prends Ca Dans Ta Gueule”) et de David Bowie (“J’ai Peur Des Américains” couplé avec quelques mesures du “Putain Putain” de TC Matic). Bref, pas vraiment de surprise, mais comme les arrangements sont revus (grâce surtout aux guitares froides de Gaëtan Streel), le tout garde de l’intérêt. Une autre organisation de la set-list aurait peut-être aidé à maintenir l’attention de l’auditeur lambda. Un auditeur qui se sera déhanché sur les tubes du bonhomme que sont “L’Argent C’est Bien”, le noisy “Mon Eternel Petit Groupe” et le toujours aussi impressionnant “Les Mains Qui Tremblent”. Retenons aussi sa manière toute personnelle et pleine d’humour de présenter ses musiciens.

Deux titres en bonus lors du rappel: “Ma Femme Me Trompe” (“une chanson pas du tout autobiographique” ajoutera-t-il) et, plus bizarrement “Irons-Nous Voir Ostende?” qui terminera son set plus calmement qu’escompté, mais avec beaucoup d’émotion dans la voix. L’ABBOTA@AB 2009 se terminait bien mieux qu’il n’avait commencé…

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