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Alcatraz Metal Festival – La Machine à Voyager dans le Temps

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En ce huitième jour du huitième mois de l’an de grâce 2009, je franchis la porte du temps. Bernie, mon fidèle compagnon est une nouvelle fois à mes côtés. Le bellâtre est armé de son énorme zoom. Quant à votre serviteur, beaucoup moins prétentieux, c’est muni d’un simple stylo à bille qu’il se lance dans l’aventure. Et oui, c’est samedi et il fait beau. Nous nous rendons à Deinze car aujourd’hui, on y fête le Heavy Metal traditionnel. Le Brielpoort accueille, en ce beau jour d’été, la deuxième édition du Alcatraz Metal Festival. Au menu, sept légendes qui ont fait headbanger les “eighties” et cinq jeunes loups aux crocs acérés. Les hostilités débutent à 13 heures tapantes lorsque le légendaire Killer investit la place. C’est le seul groupe belge à jouer sur la grande scène et c’est un juste retour des choses pour ce power trio (devenu quatuor) qui fut le premier à ouvrir la voie au métal “made in Belgium”. 28 ans après la sortie de “Ready For Hell”, nos compatriotes pètent toujours la forme. Quel bonheur de constater que Spooky, le bassiste/chanteur original du groupe qui n’avait pas pris part à la reformation en 2003, a aujourd’hui réintégré sa place aux côtés de Shorty. L’accueil réservé aux vétérans belges est plus que poli et c’est entouré des sourires réjouis d’un public ravi de retrouver ses héros que le groupe égraine les hits. “Bodies and Bones”, ” Kleptomania”, “Shockwaves”, “No future”, que de souvenirs ravivés en ce début d’après-midi. L’ajout d’un synthé pourrait paraître surprenant au sein de ce combo que l’on appelait jadis le “Motörhead” belge, pourtant il donne une nouvelle vie aux classiques du groupe. Shorty semble avoir profité des années d’absences de Killer pour travailler son jeu de guitare qui est devenu digne de celui d’un guitar hero. Les quelques titres plus récents joués en ce début d’après-midi n’ont évidemment pas le même impact sur ce public de connaisseurs qui est venu pour écouter son lot de classiques. Un vœu qui sera d’ailleurs exaucé avec l’époustouflant final constitué de “Wall Of Sound” et “Ready For Hell”.


Une petite visite à la “Club Stage” où Sanity’s Rage délivre un set un peu mollasson. Le trash métal des Bruxellois évoquant parfois Death Angel semble pourtant assez bien foutu, mais le manque de bouteille évident du combo nuit grandement à sa prestation.

14h37, une sirène annonce l’arrivée d’Onslaught, les survivants du trash métal Britannique. Après une intro pompeuse à souhait, les Anglais prennent la scène de force avec un “Killing Peace” qui dépote sévère. Les 5 Anglais se donnent comme si leur vie en dépendait. Quelle bonne leçon de présence scénique pour nos jeunes amis de Sanity’s Rage qui sont probablement trop occupés à démonter leur matériel pour prendre bonne note du cours qui leur est donné. Dommage. Sy Keeler est impressionnant. Sa voix fait souvent penser à celle de Bobby “Blitz” Ellsworth d’Overkill. Le groupe, visiblement très attendu par le public de l’Alcatraz, ne déçoit pas ses fans. C’est avec “Metal Forces”, extrait du classique de 1986 “The Force”, que la violence s’empare pour la première fois du pit obligeant des parents métalleux assez inconscients à évacuer d’urgence leurs deux petites filles de cet endroit devenu dangereux pour ceux qui ne dépassent pas le mètre vingt. Onslaught délivre une prestation furieuse qui met tout le monde d’accord. Chaque membre du groupe se donne à fond du début à la fin du set avec une sincérité qui explique probablement pourquoi le groupe est toujours présent 24 ans après la sortie de son premier album.


C’est à The Difference qu’a été confiée la lourde tâche de nous faire patienter jusqu’à la prestation d’Agent Steel et il faut avouer que le combo flamand s’en sort plutôt bien. Le groupe originaire du Meetjesland pratique un doom métal assez technique lorgnant du côté de Solitude Aeturnus ou même d’Anathema. Le vocaliste, soutenu par un lead guitariste plutôt impressionnant, alterne avec aisance les voix lyriques et extrêmes. Vivement l’album annoncé pour 2009.

Acclamé par le public, Agent Steel prend possession de la grande scène. Le trash métal des Californiens, moins rentre-dedans que celui des Anglais d’Onslaught, a un peu de mal à faire bouger la foule au début du set. La musique, progressive par moments, se prête plus à une écoute attentive qu’au stage diving. Bernie Versailles (aussi guitariste chez Fates Warning, Engine et Redemption) semble tout petit à côté de ses quatre acolytes. Cependant, son talent de guitariste est inversement proportionnel à sa taille. Ses interventions lead impressionnantes illuminent littéralement ce set qui fait la part belle aux classiques du groupe comme “Unstoppable Force”, “The Rager” (où le public semble enfin se lâcher) ou “Bleed For The Gods”. Soulignons aussi la prestation bluffante de Bruce Hall, qui remplaça John Cyriis au micro en 1998. Le frontman, en plus d’avoir un timbre de voix identique à celui de son prédécesseur, est un showman accompli au sens de l’humour décapant qui harangue les “pussies” restés dans le fond de la salle et encourage les premiers rangs à s’éclater à fond. La fin de la prestation d’Agent Steel est entachée par quelques problèmes techniques qui nous privent de la guitare de Bernie Versailles sur “Agents Of Steel”. Le soliste reviendra quand même nous offrir un “Mad Locust Rising” des familles en final, histoire de rattraper le coup.


Après avoir pris l’air et une légère collation, nous faisons un détour par la “club stage” pour voir les Namurois de Virus IV nous proposer une version métal du “Such A Shame” de Talk Talk. Le groupe est bien en place, mais se la joue un peu trop “Rock Star” en réclamant – assez hautainement – à la foule clairsemée un peu plus de participation et d’interaction. Les interventions (dans un néerlandais plus que correct) de Magali Luyten ne suffisent pas à intéresser le public (ni moi d’ailleurs) à ce métal bien foutu, mais plutôt convenu. Une petite dose d’humilité aurait probablement inversé le processus.

2007 a marqué le retour de Helstar à la formation qui avait enregistré l’album “Remnants Of War” en 1986. C’est vous dire si sa prestation est attendue par le public de connaisseurs qui s’agglutine devant la scène. Ceux-ci seront probablement un peu déçus par la setlist qui oublie curieusement les grands classiques du groupe. En effet, un seul extrait de “Remants of War” (“Suicidal Nightmare”) et un seul de “Burning Star” (“Run with the pack”) c’est vraiment trop peu quand on sait que ces deux albums sont considérés comme “cultes” par beaucoup de fans de la première heure. Cependant, les titres les plus récents du groupe passent très bien en live. La voix de James Rivera semble avoir gagné en puissance (bien qu’il ait un peu perdu de ce timbre unique qui faisait l’originalité des deux premiers albums). Quel plaisir cependant de réentendre du vrai métal, joué sans prétention et pas avare de soli de guitares. Malgré des problèmes de micro récurrents, Rivera conserve son sens de l’humour et tient son public jusqu’au dernier titre. Le Texan remercie plusieurs fois le public belge d’avoir invité Helstar à jouer aujourd’hui. Comme si c’était nous qui leur faisions une faveur et pas l’inverse. Quelle leçon d’humilité. A méditer pour certains.


Retour à la Club Stage où Spoil Engine délivre un set violent et remuant. Son métal moderne est inspiré par les géants américains du genre comme Slipknot ou Lamb Of God. Un groupe de jeunes donc, qui fait une musique pour les jeunes et qui n’est, de ce fait, pas vraiment en phase avec le public du Alcatraz Metal Festival dont l’âge moyen frise quand même la quarantaine. A revoir dans d’autres circonstances peut-être.

Les vrombissements d’une moto dans les haut-parleurs annoncent le retour dans les sphères du métal de Ross The Boss, le guitariste original de Manowar. Tous ceux qui ont vu Manowar en concert dans les années 80 savent que ce mec était une bête de scène. Le label du groupe avait annoncé, par presse interposée, que Ross The Boss revenait pour jouer la musique comme Manowar n’est plus capable d’en faire. Les attentes sont donc élevées pour les fans présents. Plus dure est donc la chute quand, après quelques titres, on se rend compte que la musique du Boss tient maintenant plus de celle de Hammerfall que de celle des géniteurs du True Metal. Comme la plupart des musiciens (et du public) présents aujourd’hui, Ross The Boss (le musicien) a laissé tomber la gonflette au profit d’un “petit ventre rebondi”. Son jeu de guitare est toujours aussi excellent, mais cela ne suffit pas à faire de Ross The Boss (le groupe) un combo incontournable. Le métal du grand Ross semble trop simpliste et son chanteur a une voix plutôt ridicule à côté de celle d’Eric Adams. Les quelques titres de Manowar joués ici sont gâchés par son horrible voix fluette. Si l’on devait aujourd’hui remettre un trophée pour la plus mauvaise prestation du festival, nous aurions à coup sûr trouvé notre gagnant. A oublier !


C’est donc déçu que Bernie et moi remontons l’escalier qui nous emmène vers la “club stage” où, sans nous en douter, allons-nous prendre notre grosse claque de la journée. Place donc au “Stomping Death Metal” des Hollandais de The Lucifer Principle. Rien ne nous avait réellement préparés à cela. La journée est déjà bien avancée et la fatigue commence à nous gagner, pourtant, je reste scotché, la bouche ouverte devant les cinq déjantés qui se démènent comme des malades sur scène. Au loin, je vois Bernie shooter comme si sa vie en dépendait. Je connais la bête, je vois dans son œil qu’il apprécie la prestation. The Lucifer Principle pratique le Death Metal, à ceci près qu’il a une énorme originalité : pas de bassiste, mais à sa place une contrebasse et le Batave qui pilote cet énorme engin est un véritable fou furieux. Tel un “Stray Cat” sous amphétamines, il arpente la scène de long en large en traînant derrière lui son imposant instrument (NDR : de là vient probablement l’appellation “Stomping” qui en anglais signifie “Marchant d’un pas lourd”). Le vocaliste est, lui aussi, une véritable bête de scène qui s’y entend quand il s’agit de faire participer le public. Nul besoin pour lui de réclamer “plus d’interaction” car le public le suit comme un seul homme. Hurlant comme un damné et se déplaçant comme une furie d’un bout à l’autre de la scène, le bonhomme trouve quand même le temps de gérer la sécurité de ses fans en veillant à ce qu’il y ait toujours assez de musclés dans la fosse pour réceptionner les stage-divers. La musique, violente, groovy et mélodique à la fois suffirait à elle seule à nous faire apprécier cette prestation que l’incroyable présence scénique de tous les musiciens du combo a rendu inoubliable. Tant pis pour tous ceux qui ont préféré aller se rafraîchir dehors en attendant la prestation de Testament. A revoir. Vite !

Il est un peu dur, après le moment exceptionnel que nous venons de vivre, de s’intéresser au trash linéaire de Testament. Bien que le légendaire combo californien soit l’un des plus attendus du festival (il suffit de voir l’immense foule se ruer devant la scène dès les premières notes de l’intro), sa prestation n’arrivera pas à évacuer la lassitude qui s’empare de moi après les quatre premiers morceaux. Bien sûr, Alex Skolnick est un guitariste hors pair, mais Testament n’a jamais vraiment été ma tasse de thé. Heureusement, les goûts et les couleurs diffèrent et, à part moi, tout le monde semble apprécier la déferlante des “Over The Wall”, “Practice What You preach”, “Burnt Offering” et autres “Alone In The Dark”. Si, comme je le disais pendant la prestation de Ross The Boss, nous avons tous pris de l’embonpoint depuis les années 80, Chuck Billy lui semble avoir passé les 25 dernières années à s’empiffrer de hamburgers marinés à la bière. Le vocaliste est devenu énorme, ce qui ne l’empêche pas d’assurer comme une bête. Quant à moi, seul dans ce monde de brutes, l’ennui me gagne et j’ai vraiment hâte que cela finisse. Il est déjà presque onze heures, et cela fait 12 heures que je suis debout à m’enfiler des décibels. C’est donc fatigué et fourbu que je me résigne à attendre la prestation de Saxon. Les problèmes techniques s’étant accumulés au cours de la journée, l’organisation a pris un certain retard sur l’horaire prévu. Une grande partie du public quitte le site dès la fin du concert de Testament. Peut-être est-il trop tard pour certains, ou sans doute étaient-ils venus principalement pour voir Testament. J’hésite un instant à faire comme eux et à renter à la maison, l’ami Bernie n’est pas en meilleure forme que moi, il faut comprendre, douze heures à trimballer cet énorme zoom, c’est éreintant. En plus, nous avons déjà vu Saxon à l’Ancienne Belgique il y a à peine six mois. Courageusement, nous décidons de rester quand même encore un peu. Après une attente qui paraît interminable, Saxon monte enfin sur scène.


Autour de nous, la salle est clairsemée, mais le noyau dur des vrais fans de métal a décidé de rester. Un coup d’œil aux environs permet de voir que Saxon traîne 3 générations de métalleux derrière lui. Des Fans de la première heure, tous quarantenaires et dont certains ont emmené leurs enfants, aux autres un peu plus jeunes, venus pour retrouver les racines de la musique qu’ils aiment. Saxon débute sa prestation par “Batallions of Steel” extrait de son dernier album en date. Biff, aussi gentil qu’à l’accoutumée, s’excuse du retard et assure que Saxon jouera un set complet malgré l’heure tardive. Cette nouvelle qui, il y a dix minutes à peine, m’aurait fait gémir de douleur, me fait maintenant de trembler d’excitation, car la “magie Saxon” a encore opéré. Fini le mal aux pieds et la fatigue, place au headbanging ! Pas le temps d’être fatigués, car les Anglais enchaînent titre sur titre : “Heavy Metal Thunder”, “The Demon Sweeney Tod”, “Strong Arm of The Law”. A quelques mètres de moi, deux pin-up, la quarantaine bien sonnée, mais étonnamment bien conservées, se déhanchent au son de la musique comme si le rhumatisme articulaire n’existait pas. Biff et compagnie alternent leurs classiques des années quatre-vingt “747, Strangers in the Night” ou “20.000 ft” (que Biff introduit comme un slow) avec des morceaux plus récents “Witchfinder Gerneral”, “Valley of The Kings”. Biff profite d’un instant de calme pour rappeler que le groupe fête cette année ses 30 ans de carrière et que si l’on veut les voir jouer au Graspop en 2010, il suffit d’envoyer un mail aux organisateurs pour le leur faire savoir. Désireux de satisfaire son public, Saxon modifie alors sa setlist pour jouer un “And The Band Played On” d’anthologie réclamé plus tôt par un fan. Autour de moi, des ados headbangent à mort sur ce titre écrit alors qu’ils n’étaient pas encore nés. Doug Scarratt nous offre alors un solo de guitare avant d’entamer un “Wheels Of Steel” attendu du public comme le messie. Les “Ho Ho Ho” résonnent de toutes parts lorsque le public tente de récréer la magie du live “The Eagle Has Landed”. Avec son humour typiquement british, Biff signale que Saxon a cessé de faire ce genre de choses depuis un an, mais que si nous tenons vraiment à le faire, nous pouvons y aller. Et bien sûr, nous y allons ! Pour le plus grand bonheur de Bernie, Saxon interprète le majestueux “Crusader” avant de se retirer. Répondant à notre demande pressante, les Anglais reviennent pour nous offrir un final magique avec “Live To Rock”, “Denim and Leather” et “Princess Of The Night”. En une heure et demie, qui a paru ne durer qu’un instant, Saxon a de nouveau tout dévasté sur son passage. Le groupe revient une dernière fois sur scène pour nous saluer respectueusement à la manière des acteurs de théâtre.

Et voilà, l’Alcatraz Metal Festival deuxième édition a vécu. Nous pouvons rembarquer dans notre machine à voyager dans le temps et rejoindre notre bonne vieille année 2009. Un tout grand merci aux organisateurs de nous avoir fait revivre un peu de notre jeunesse. Vivement l’édition 2010.

Photos © 2009 Bernard Hulet

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