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La consécration de GHINZU

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La date est importante. Le 6 février 2010, pour la première fois depuis une éternité, un groupe bruxellois s’apprête à créer l’événement en se produisant en tête d’affiche de Forest National. Ce groupe, c’est Ghinzu, bien entendu, pour qui la soirée ne pouvait se transformer qu’en apothéose… En tout cas, rien ne sera laissé au hasard. Pour preuve, deux jours auparavant, ils organiseront un try out show à la Brasserie de l’Eden à Charleroi devant un parterre de spectateurs privilégiés. Les avis glanés par rapport à cette répétition générale seront unanimes. Le groupe était prêt pour le jour J…

Pour une fois, ils n’avaient pas demandé à leurs potes de Soldout d’assurer la première partie mais bien à Vismets, un groupe dont une partie des influences ne sont pas à chercher très loin. En effet, autant les compositions parfois déstructurées que la manière de chanter font penser aux stars du jour.

La différence réside dans une utilisation plus large de sons électros (par moments, deux synthés sont en action), eux-mêmes emmenés par une rythmique impeccable signée par le toujours très smart Niko Collaer (pour ceux qui l’ignorent encore, c’est l’ancien batteur de The dIPLOMAT). Cela dit, lorsqu’ils décident de mettre l’accent sur les guitares, cela donne de très bons moments (le single “Wasted Party” en est un excellent exemple).

En un an, ils ont évolué dans le bon sens et sont quasi mûrs pour partir à leur tour à l’assaut du public, sans peur et sans reproche. Le seul bémol sera à chercher du côté de la puissance sonore. Autant ils avaient tout déchiré à l’AB Club en février dernier dans le cadre de la manifestation ABBOTA, autant ce soir, cela manquait singulièrement de décibels. Et comme leurs compositions en ont besoin, mieux vaut privilégier pour l’instant les espaces légèrement plus confinés. Mais quoi qu’il en soit, on attend leur premier album avec grande impatience.

Si un groupe belge a marqué l’année 2009, il s’agit bien de Ghinzu. Un excellent troisième album (
Mirror Mirror
) qui a confirmé le succès du précédent, des apparitions à Werchter, aux Ardentes (où ils ont joué un set parfait) et au Pukkelpop, ainsi qu’une tournée à l’étranger. Bref, tout sourit actuellement à John Stargasm et à son groupe, qui voulaient clairement marquer le coup. Que d’échelons gravis depuis ma première expérience Ghinzuenne, le 4 avril 2001 en première partie de Phoenix au Botanique.

21h, les lumières s’éteignent et on distingue du mouvement sur scène. Au son de la traditionnelle intro (qui aura des ratés ce soir), les musiciens tels des combattants prennent possession de l’espace pour le moment occupé par des figurants déguisés en personnage de Star Wars. Comme c’est le cas depuis l’été, le set débute avec “Mother Allegra”, un titre plein de sensibilité (écrit par le chanteur à la mémoire de sa grand-mère décédée), enchaîné au puissant et crescendo “Mirror Mirror” qui, déjà, nous habite et nous transcende. Première constatation, ils sont hyper concentrés, un rien stressés et surtout, inhabituellement sobres… Après avoir joué les singles “Cold Love” et “Take It Easy”, on sent qu’ils se libèrent. John Stargasm va quitter son piano pour sa traditionnelle danse frénétique au son de “Dragon”, le seul extrait rescapé de la première plaque, “Electronic Jacuzzi”.


Le leader, au masque moins arrogant qu’à l’accoutumée (il paraîtra même par moment accessible) avouera qu’ils avaient eu quelques appréhensions avant de jouer dans le prestigieux antre de la scène musicale bruxelloise. “Trop grand, trop froid” dira-t-il. Mais c’était sans compter sur la participation d’un public nombreux et hystérique qui n’aurait voulu manquer la fête sous aucun prétexte. Rassuré sur cet état de fait, c’est à ce moment que le groupe va donner le meilleur de lui-même, avec une série d’extraits de
Blow
dont le prenant “The Dragster-Wave” et l’efficace “Do You Read Me”.

Une première cover interprétée à la sauce du groupe va mettre un brin de fantaisie dans leur set. Il est vrai que “Twist And Shout” est un titre qui se décline merveilleusement bien, peu importe les versions: autant les Beatles, que Salt-N-Pepa ou Chaka Demus & Pliers l’ont prouvé par le passé. La leur était particulièrement réussie, tout comme le nouveau single “The End Of The World” dont le final prendra une tournure un peu particulière à la Red Hot Chili Peppers.

On a tendance à l’oublier, mais John Stargasm est un pianiste de talent, et le fait qu’il passe la moitié du concert derrière son instrument n’est pas un hasard. La preuve en est donnée avec la douce intro classique de “Chocolate”, qui laisse ensuite la place à un délire électro psychédélique aux paroles fantaisistes récitées avec une voix androgyne… Ils allaient ensuite ressortir de leur tiroir une seconde cover, “Purple Rain” de Prince, déjà interprétée à l’époque lors de certains concerts mais dont la version de ce soir sera particulièrement convaincante et sensuelle, au point de voir un soutien-gorge atterrir sur scène… “‘Til You Faint” poursuivra bruyamment le débat, mais alors que dire de “Kill The Surfers”, dont la puissante interprétation en live n’a plus rien à voir avec la version de l’album. Transcendé, le chanteur terminera debout sur son synthé, comme à sa bonne habitude. End of part one…


Cela dit, le concert était encore loin d’être terminé… En effet, un premier long rappel allait ravir les spectateurs qui n’en demandaient pas tant. “Jet Sex” / “Cockpit Inferno” et ses bidouillages franchement électro se prolongent dans un final planant que n’aurait pas renié Pink Floyd. Suivra le titre le plus faible de la soirée, “This Light”, un peu moins loupé que d’habitude (on ne laissera cette fois pas le temps au guitariste Greg Remy de massacrer le final…). Après “This War Is Silent”, c’est “Mine” dans une version rockbotique avec John Stargasm à la basse qui va quitter la scène dans un chaos total, ponctuée par un déluge de décibels et de flashes stroboscopiques…

Le chanteur reviendra seul sur scène et s’installera derrière son piano pour une magnifique version de “Sweet Love”, pleine de douceur, avant leur morceau de bravoure, “Blow”, dont l’intro nous donne autant de frissons qu’à la première écoute. Les neuf minutes de ce classique ne sont décidément pas prêtes de nous lasser…

On les croyait partis pour de bon lorsque, contre toute attente, ils sont revenus, vêtus de robes, de tuniques féminines et de frou-frous pour un ultime morceau, l’atypique et déjanté “Je T’attendrai”, chanté en français un peu à la manière de Dalida. Un titre pendant lequel ils seront tous déchaînés, conscients du fait qu’ils avaient accompli leur mission, au terme de 2h30 (!) d’un show qui aura tenu toutes ses promesses.

Déjà hors catégorie dans le paysage musical bruxellois, Ghinzu a encore un peu plus creusé le fossé qui les séparait de ses outsiders, pour se rapprocher (dépasser?) les valeurs sûres du nord du pays. Ils font désormais partie du panthéon du rock belge et c’est amplement mérité. Une nouvelle sélection au festival de Werchter cet été pour laver l’affront de l’an dernier (une fichue panne d’électricité coupera net un set prometteur jusque là) ne serait que justice…

Les autres photos de

Ghinzu
|
The Vismets

Photos © 2010 Olivier Bourgi

3 thoughts on “La consécration de GHINZU

  • Un grand moment. Longtemps que je n’avais vu FOrest National si enthousiaste.

    Ce groupe ira loin ! C’est certain. Leur musique est à la fois accessible, mais aussi subtile, étrange et “intelligente”…

    L’énergie qu’ils dégagent est tout bonnement jouissive…

    J’aurai malgré tout, comme souvent, un petit bémol par rapport au son à FN… Dès qu’ils mettaient la patate, le son devenait très brouillon… dommage dommage. PAr exemple, le guitariste était bien souvent “noyé” et on n’entendait pas bien les subtilités de ses soli…

    Mais c’était vraiment géant… 2h30 de bon rock… Génial Génial. De plus, la relative lenteur de création des albums… est pour moi gage de qualité… ILs arrivent à prendre le temps pour peaufiner leurs compos au lieu d’innonder tous les 2 ans d’albums moyens comme de nombreux autres groupes… Et le succès est au rendez-vous, 4 ans entre Blow et Mirror Mirror on permit à ce dernier d’être encore plus somptueux que le précédent… d’innover, de préciser, d’affiner leurs chansons et le son général de l’album… Espérons que cela dure !!!!!

  • Très bon concert effectivement, avec un public déchaîné (John dira à un moment: “vous avez été meilleurs que nous”). Ghinzu a suffisamment de morceaux forts pour rivaliser avec les grands au niveau international. Cela dit, il y a également eu quelques longueurs, et je pense que le costume de super-groupe-qui-joue-2h30 est encore un peu trop grand pour eux. A Forest c’était OK grâce au public conquis, mais devant un public moins fan je pense qu’un set plus ramassé serait préférable.

    Par ailleurs je mettrais un autre bémol: en termes de présence sur scène, cela reste assez limité. Bien entendu, John est charismatique, mais lorsqu’il est assis derrière son piano, cela devient fort statique, surtout dans une grande salle. Et les autres membres du groupe sont fort effacés, concentrés sur leur instrument plus que sur le contact avec le public. Quant aux gags d’entrée et de sortir (les guerriers starwars et les robes de mariée), cela faisait un peu potache sans apporter de réelle plus-value au concert.

    Cela dit, j’ai malgré tout passé une excellente soirée!

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