DAAU, un groupe pas comme les autres
« Avec nos instruments acoustiques nous ne pouvions pas jouer aussi fort que les groupes de rock, il était nécessaire de faire autre chose. C’est pourquoi nous avons continué, pour jouer plus rapidement, et avec plus d’ardeur. » Roel Van Camp Il y a quelques jours nous vous proposions un concours comme les autres pour un groupe pas vraiment comme les autres, nous devions vous en faire un petit retour. L’organisation du Botanique et Music in Belgium avaient donné la possibilité à 5 d’entre vous d’aller écouter ce qui est sûrement le plus particulier des groupes du rock indé de notre royaume. En fait, DAAU n’est pas vraiment du rock, mais le savent-ils, car les quatre anversois autant que leur musique sont bigrement rock and roll ?
Tout est déjà dit quand on s’interroge sur ce nom particulier : DAAU, Die Anarchistische Abend Unterhaltung, tire son nom du roman « Le loup des Steppes » de Herman Hesse : « Je ne pouvais pas écrire la musique, elle m’était étrangère, et ses frontières aussi, mais je pouvais certainement l’entendre.» La musique de DAAU est donc une véritable plongée dans l’intellectuel intérieur de la formation musicale anversoise mais aussi de celui qui l’écoute.
Au départ, en 1992, ils basaient sur le « classique rejoué à leur manière » pour en 1995 se voir classer très world music au point d’aller jusqu’à Bath pour enregistrer un deuxième album « We need new animals » dans le studio du label Real World de Peter Gabriel. Par la suite, les cd’s se suivront, tous conceptuels, en s’acoquinant suivant les opus avec par exemple le hip-hop ou avec une structure plus compliquée vu le passage à 7 musiciens. Extérieurement aussi, chemin faisant, le groupe collaborera sur tous les plans. On retiendra An Pierlé, le groupe français Ez3kiel et dEUS.
Le concert qui nous intéresse est dans le cadre de la tournée de promotion du dernier album « the Sheperd’s dream » où DAAU est revenu à une formule de quartette non classique. L’initiateur de la formation Roel Van Camp à l’accordéon, les cofondateurs, Simon Lenski au violoncelle, Han Stubbe à la clarinette et le dernier venu, Hannes D’Hoine à la contrebasse.
Dans la petite salle de la Rotonde bien remplie, le quatuor bicéphale jouera la totalité du nouvel album plus un morceau ancien. Bicéphale car d’un côté fait de vent, de l’autre fait de cordes. Clarinette et accordéon. Violoncelle et contrebasse. Le violoncelle dans la musique rock, on en a déjà vu. Avec Therapy? sur l’émouvant « Diane » ou pour ceux qui aiment s’agiter les cheveux, les Finlandais d’Apocalyptica. La clarinette alors là, moins. Mais d’office, à l’écoute des mises en avant de l’instrument chez DAAU, on ne peut penser qu’à John Surman du catalogue allemand ECM. Mais ce n’est plus vraiment du rock, j’en conviens.
L’accordéon, je n’en parle même pas. Atypique à plus d’un titre, Roel Van Camp est sûrement le seul capable avec son accordéon chromatique de nous donner une autre vue de cet instrument en allant lui fouiller le soufflet avec la volonté d’en sortir tout, mais alors là, tout ce dont nous étions à ne pas penser possible. Dans le silence religieux de la Rotonde, il se baladera d’ailleurs de sonorités dignes d’un orgue de cathédrale aux sifflements stridents de la chouette chevêche prise au piège de la lumière. L’enfer se mélangeant à la sagesse, ou inversement.
Mais la partie corde le suit souvent dans cette démarche d’exploration. Frappées, usées, grattées, les deux fois quatre cordes le sont autant que frottées ou pincées. Avec les doigts ou avec l’archet, elles subissent puissance ou effleurement en guise d’ultimes volontés des deux musiciens. Simon Lenski est étonnant dans cet exercice et souvent il donne l’impression qu’un 5e instrument est présent sur scène.
Il ne reste plus qu’à Hans Stubbe d’entrer en scène pour moduler à loisir de ce son plein qu’est celui de l’instrument d’ébène. Forte, crescendo autant que piano ou ritenuto son jeu parfois minimaliste interpelle sans lasser. Au bout de ses ressources pulmonaires, il inverse les rôles en tenuti essoufflants qui à leur tour serviront de fil d’Ariane à ses trois acolytes. Da Capo. Retour aux sources !
Laissons le mot de la fin à Roel Van Camp. « La façon idéale d’écouter cette musique, c’est allongé sur le sol, les yeux fermés ». Si cela n’est pas Rock and roll !
À explorer allongé sur le sol mais les yeux ouverts : www.daau.com
Ecouté les yeux fermés, tête posée sur une épaule fidèlement aimante, ce fût idéal au MIM.