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Dour Festival 2010 (jour 2) : une affiche alléchante…

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Deuxième journée de notre périple annuel dans la campagne douroise avec une affiche particulièrement intéressante, qui verront se succéder, entre autres, The Subways, les Fun Lovin’ Criminals et les revenants d’Atari Teenage Riot. C’est une tradition à Dour, les soirées se terminent à l’aube (5 heures du matin) mais les premiers concerts du lendemain débutent à l’heure de l’apéro. Cela ne perturbe toutefois pas trop le public de la nuit qui n’arrive quand même pas sur le site avant le début de soirée. En parlant de ça, on remarque de plus en plus distinctement deux publics différents qui, à bien y réfléchir, ne cohabitent pas tellement. Les rockeurs d’un côté et les noceurs avides de beats électroniques de l’autre. Généralement, les seconds nommés prennent le relais des premiers…

Cela dit, de notre côté, on était bien content d’arriver tôt pour faire une bonne première découverte avec The Dancing Naked Ladies, un quatuor local (ils viennent de Mons) qui vient de sortir “Fauves”, un deuxième album. Sur scène, ils mettent une pêche pas possible et maîtrisent leur sujet avec une habilité déconcertante. En effet, les compositions sont abouties mais on dirait, en même temps, qu’ils s’appliquent à encore les améliorer en se lançant dans des improvisations. Le résultat donne des incroyables explosions sonores sur un style tout à fait particulier qui mixe allègrement les B-52’s, les Scissor Sisters et Nirvana. Improbable? Pas tellement…


Après cette première claque dans la figure, place à Customs qui, après avoir ouvert la Main Stage à Werchter début juillet, s’apprêtait à faire de même sur la Last Arena. Ceux que l’on surnomme les “Interpol belges” ont sorti un premier album très sombre mais d’une qualité irréprochable, “Enter The Characters”. Entamé avec “Justine” et clôturé avec “The Matador”, leur set sera en tout point semblable à celui d’il y a une quinzaine de jours. Avec sa voix caverneuse et son attitude BCGB, le leader Kristof Uittebroek sait manifestement partager ses sensations avec un public clairsemé mais prêt à plonger dans un trip écorché à la Joy Division. Ils reprennent d’ailleurs impeccablement “Transmission”. Notons aussi l’efficace single “Rex” (une tuerie) et “We Are Ghosts”. Décidément, la journée commence bien…

Et elle va même se poursuivre dans la même veine avec Bacon Caravan Creek. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. Le trio mosan (désormais complété de deux musiciens classiques sur scène) est revenu d’on ne sait où voici quelques semaines avec “WolfWolfWolfSheepWolf”, un deuxième album qu’on n’attendait plus et qui fait table rase du passé. Au diable les nappes électro qui avaient fait leur réputation au milieu des années 2000. Ils ont désormais opté pour une musique mois binaire, plus travaillée et même franchement lyrique. Il faut du temps pour s’habituer à cette nouvelle direction, surtout que même les anciens titres (“London 99” et “Coma Tale” notamment) sont complètement réarrangés. A côté de ceux-ci, les nouveaux sonnent comme un subtil mélange entre Mud Flow et Venus. Et, pour la première fois depuis la présentation de l’album au Bota le 3 juin, ils ont convaincu. En tout cas, leur set était bien plus solide que la semaine dernière aux Ardentes et on arrive enfin à saisir les subtilités de titres comme “Five Cuts” ou “Remorse And Appeal”. Quant à leur hit “I Wonder”, il a encore fait sensation aujourd’hui. Seraient-ils enfin sur la bonne voie?


La suite se déroulait sur la Last Arena avec les huit joyeux lurons gallois que sont Los Campesinos!, dont le troisième album, “Romance Is Boring” est sorti fin de l’hiver. Un album relativement difficile d’accès qui confirme non seulement le style particulier du groupe mais aussi sa volonté de brouiller les pistes. Sur scène, c’est toujours un bordel magnifique qui fait autant penser à un orchestre décalé (cfr les nombreux instruments utilisés aujourd’hui dont plusieurs xylophones) qu’à un groupe pop un peu brouillon et assez difficile à cerner. Car entre les hits évidents (“You! Me! Dancing!”, “Romance Is Boring”, “There Are Listed Buildings”), on retrouve des titres qui le sont beaucoup moins, même si l’excellent “The Sea Is A Good Place To Think Of The Future” pourrait bien paver la voie vers une évolution moins légère. C’est “Sweet Dreams, Sweet Cheeks” qui clôturera leur prestation, chanté en grande partie depuis le public, par un chanteur visiblement en manque de bain de foule.

Direction le Club-Circuit Marquee pour le retour d’un groupe que l’on croyait enterré avec la nu-rave. Pour être honnête, on ne donnait pas cher de la peau de New Young Pony Club après le désintérêt complet pour un mouvement qui a fait illusion le temps de l’été 2007. C’était sans compter sur une rupture sentimentale douloureuse qui a vu la chanteuse Tahita Bulmer tomber dans une quasi dépression. C’est dans cette profonde tristesse qu’elle a puisé l’inspiration des textes qui allaient devenir quelques mois plus tard “The Optimist”, le deuxième album du groupe londonien. Un album qui tient la route mais qui avait encore quelques ratés sur scène (notamment lors de leur passage au Botanique fin avril). Depuis, Tahita est passée chez le coiffeur (elle ne ressemble désormais plus à une Shakira au crâne à moitié rasé) et elle a encore pris de l’assurance. Mais, contrairement à sa claviériste (genre de poupée froide et sérieuse qui aurait pu jouer dans un clip de Kraftwerk), elle a perdu tout le bon goût qui la caractérisait d’un point de vue vestimentaire. En effet, son short lui va comme un sac à pommes de terre. Cela mis à part, musicalement, ils commencent à être au point, comme le démontre ces excellentes versions de “Chaos”, “The Optimist” ou “Stone”.

On a toutefois abrégé la vision du concert sur l’insistance de notre photographe qui était en train de prendre une grosse gifle sous la Magic Tent avec Serena Maneesh, un groupe norvégien qui propose un rock noisy aux relents de shoegazing assez marqués. Un mur du son qui déchiquète tout sur son passage (le drapeau Emergency Medicine qui recouvre un ampli doit s’adresser aux inconscients qui n’auraient pas pris leurs précautions en se protégeant les oreilles). Quelque part entre My Bloody Valentine (le volume sonore) et A Place To Bury Strangers (la noirceur), on est en pleine extase sonore. Et pas seulement à cause de la bassiste blonde qui illumine le line-up du groupe. Ceux-là, on va en entendre parler très prochainement, c’est une certitude.


Après cette nouvelle découverte, retour sur la Last Arena pour le quatuor punk rock qu’est The Futureheads. Un groupe injustement sous-estimé par ici, sans doute parce que leurs albums mettent toujours un temps fou à être distribué chez nous. A force, on commence à avoir l’habitude et on a désormais anticipé l’histoire en se faisant importer “The Chaos”, le quatrième album du groupe de Sunderland. Un album bien dans la lignée de “This Is Not The World”, leur impeccable opus précédent. C’est-à-dire qu’il est bourré d’hymnes et de compositions courtes et directes. C’est d’ailleurs avec la plage titulaire qu’ils entament les débats. Barry Hyde, le chanteur guitariste, très élégant cet après-midi, porte une queue-de-pie avec une rose rouge à la boutonnière. Bon d’accord, passons sur le fait qu’en-dessous, il arbore un t-shirt à l’effigie de Nul Records (sic) le nom de leur propre label. Pendant cinquante minutes, les titres efficaces succèdent aux refrains enlevés, comme “The Beginning Of The Twist”, “Skip To The End”, “Walking Backwards” ou “Decent Days And Nights”. Parmi les nouveautés, “Heartbeat Song” et “Struck Dumb” feront le boulot, tout comme la désormais classique reprise de Kate Bush, “Hounds Of Love”. Notons également la sympathie et l’humour du leader, jamais à court d’une feinte ou d’une petite moquerie lorsque le bassiste David Craig perdra l’équilibre. Quant au guitariste aux grosses lunettes, Ross Millard, il est peut-être bien la vraie image du groupe. Bien vite une date en salle pour prolonger le plaisir…

C’est alors qu’arrivera le premier break de la journée, celui qui va nous permettre de recharger les batteries avant de se mettre en quête de nouvelles aventures musicales. Petit détour par le Club-Circuit Marquee, histoire de jeter un œil aux allumés de Chrome Hoof, genre de secte aux adeptes vêtus de capes en papier alu qui font toujours le même effet, tout comme le monstre articulé de la même matière qui vient faire un tour sur scène pour on ne sait quelle raison, si ce n’est donner du plaisir aux photographes. Musicalement, on est dans un registre soul psychédélique avant-gardiste, grâce à la voix sulfureuse de la chanteuse (la seule à se produire dans son aspect “humain”). Sympa à regarder mais, comme au PacRock en 2009, très peu de souvenirs une fois le concert terminé.


Ce sera également le cas pour les Gantois d’Absynthe Minded, qui cartonnent au nord du pays avec leur quatrième album (“Absynthe Minded”). Pour preuve, ce dernier a d’ailleurs récemment atteint le statut de disque de platine (30.000 exemplaires écoulés). Vu le pourcentage (particulièrement élevé cette année) de néerlandophones, inutile de préciser qu’ils ont fait le plein sur la Last Arena. De notre côté, leur pop rock gentillet ne nous a guère impressionnés, même si tout cela reste agréable à l’oreille (“Envoi”). Bande son idéale en ce début de soirée encore baigné par le soleil, une petite bière en main et à distance respectable de la scène, en train de réfléchir au dilemme suivant.

En effet, qui de My Little Cheap Dictaphone ou de Dog Eat Dog allait avoir nos faveurs? Et comme souvent, dans ces cas-là, on trouve un compromis à la belge en allant voir un peu des deux. On a commencé avec les Liégeois, vu que le début de leur excellente plaque “The Tragic Tale Of A Genius” relève tout bonnement de la quasi perfection (et qu’ils l’interprètent dans l’ordre de l’album, vu que c’est une histoire qui est racontée). On s’est donc une nouvelle fois laissé bercer par les compositions audacieuses de cet opéra rock inspiré de la vie tumultueuse de Brian Wilson, et du visuel qui l’accompagne. “He’s Not There”, “What Are You Waiting For”, “My Holy Grail” mais surtout “Shine On” ont encore gagné en intensité vu que le groupe se bonifie au fil des concerts. Il ne reste plus qu’à laisser davantage de place à la magie du quatuor à cordes et on aura là un des événements belges majeurs de l’année. Petite surprise, puisque Pall Jenkins, le chanteur de Black Heart Procession (qui a enregistré “In My Head” avec le groupe), était présent à Dour (son groupe jouait sur la même scène une heure plus tard) et a gratifié le public de sa voix comme sur l’album. Inutile de vous dire qu’il a été très difficile de partir et de se rendre pour la première fois de notre séjour musical à Dour sur la Red Frequency.

Et, honnêtement, on aurait mieux fait de ne pas s’y aventurer car l’intensité de My Little Cheap Dictaphone a laissé place au rock hardcore teinté de rap de Dog Eat Dog. Visiblement, la première partie de la prestation valait le coup, mais ce qu’on en a vu nous a laissés quelque peu dubitatifs… Bon, d’accord, le groupe déménage toujours autant (le batteur est notamment particulièrement impressionnant), mais on se demande bien l’intérêt qui gravite autour de certains titres (“Do you like old school hip hop?” lancera le chanteur avant de rapper sur un sample du “I Got 5 On It” de Luniz). Suivra une apparition sur scène plus que remarquée des Joe Piler girls (personnel de charme officiant dans un saloon à deux pas de là), brandissant le drapeau du célèbre taureau liégeois avant de lancer des dizaines de chapeaux de cow-boys dans le public tout en se dandinant sur les paroles débiles de “More Beer” (chanson de circonstance…). Mouais, il valait mieux quitter ce cirque et revenir sur la Last Arena où les Subways s’apprêtaient à monter sur scène.


Tout comme aux Ardentes l’an dernier, le trio britannique emmené par un énergique Billy Lunn et une toujours aussi craquante Charlotte Cooper (plus sauterelle que jamais) va donner un set dont il sera difficile de sortir indemne. En effet, le mot d’ordre de la soirée sera plus que jamais le divertissement et la communion entre un groupe qui ne se lasse jamais de mettre le feu et un public particulièrement réceptif. Le son distillé est puissant et les titres interprétés ne peuvent que fonctionner, même si l’on remarque maintenant plus que jamais la différence de qualité entre les extraits de leur impeccable premier album (“Young For Eternity” en 2005) et son follow-up de 2008 (le plus lourd “All Or Nothing”, produit par Butch Vig). Autant “Mary”, “With You” ou “I Want To Hear What You Have Got To Say” mettent le public en extase, autant “Girls & Boys”, “I Won’t Let You Down” ou “Alright” peinent à rivaliser en intensité, malgré des guitares au volume bloqué dans le rouge. Heureusement, le don d’entertainer de Billy Lunn compense allègrement, lui qui vit intensément ses concerts en hurlant comme un possédé (et dire qu’il a subi une délicate intervention aux cordes vocales entre les deux disques) et en travaillant la foule, quand il ne plonge pas dedans. Ils sont en train de préparer un nouvel album et nous ont gratifiés de deux nouveaux titres, un rien plus pop et à première écoute un peu faiblards. Mais ce n’était pas le plus important ce soir. Surtout quand “Rock & Roll Queen” termine un des meilleurs sets de la journée…

Le grotesque et le hard rock à deux balles nous attendaient ensuite sur la Red Frequency avec les Américains de Gwar dont le show carnavalesque et plein d’humour prend le pas sur des compositions somme toute relativement banales. Mais comme les pseudos des membres du groupe (Flattus Maximus, Balsac The Jaws Of Death ou Beefcake The Mighty pour n’en citer que quelques-uns) sont à la hauteur de leurs costumes (quelque part entre Star Trek et La Planète Des Singes) et de la mise en scène (les simulations de décapitation ou de torture sont légion, du moment qu’il y ait toujours au final des projections de faux sang dans le public), on est parti pour de fameuses tranches de fou-rires. Les photographes sont interdits, mais c’est sans doute pour épargner leur matériel car quelqu’un qui a assisté à un concert de Gwar ne passe pas inaperçu… Ajoutons encore des personnages loufoques, même si à la limite du bon goût (un prêtre nazi, un Ben Laden,…) et on a sous les yeux un spectacle plutôt qu’un concert. Et musicalement, me direz-vous? Ah, ils jouent aussi de la musique?


La Last Arena était ensuite le terrain du retour des Fun Lovin’ Criminals. Les New Yorkais adeptes de la force tranquille ont quitté les hautes sphères des classements depuis longtemps mais n’en restent pas moins présents sur le circuit, comme le démontre “Classic Fantastic”, leur dernier album sorti au printemps. Un album qui n’a de fantastique que le nom, vu qu’il s’est fait démonter par critique. Cela ne les a toutefois pas empêchés de donner un excellent set, bien groovy et détendu. Le chanteur Huey Morgan doit sans doute être l’artiste le plus cool du week-end. Souriant en toutes circonstances, arborant un costume et une chaîne en or de maffieux, il dégage un bien être et un calme déstabilisants. Bien entendu, la majorité des gens n’en ont cure des nouveaux titres, ce sont les classiques “The Fun Lovin’ Criminal”, “Scooby Snacks” ou “Loco” qui ont récolté le plus de suffrages, tout comme l’envoûtant “Love Unlimited”, interprété avec une voix dont Barry White (mentionné dans les paroles) ou Louis Armstrong auraient été jaloux. Mention également à l’imposant batteur dont le rap léché tout en battant la mesure se révèlera impressionnant…

Restait à visionner d’autres revenants, puisqu’Atari Teenage Riot, le groupe du déjanté Berlinois Alec Empire s’est reformé dix ans après avoir rangé ses sequencers. Entre-temps, Carl Crack a succombé à une overdose en 2001 laissant encore un peu plus le doute quant à une future nouvelle aventure. C’était sans compter sur la volonté du leader qui a pu compter sur le soutien de sa chanteuse (hurleuse?) Nic Endo et d’un troisième larron tout aussi extrême (extrémiste?) qu’eux.

Pendant une heure, ils vont distiller des beats techno ultra violents (ils appellent ça du digital hardcore) tout en sautant tellement haut et tellement loin qu’ils vont renvoyer Charlotte Cooper à ses cours de gym. A vrai dire, leur style unique a inspiré beaucoup de groupes qui ont toutefois ralenti les BPM et arrondi des angles un peu trop stricts que pour être assimilés par l’oreille humaine. On sait maintenant où Crystal Castles a puisé allègrement son inspiration. Cela dit, on leur préfèrera quand même un groupe comme The Prodigy, qui met un peu plus en avant les mélodies tout en gardant une essence assez violente. Mais ce fut une expérience de voir sous nos yeux des légendes, même si nos oreilles s’en souviennent encore (pas de problème de son à ce niveau-là).

C’est ainsi que se terminera notre deuxième journée au festival de Dour. A mi-chemin, en tout cas, le bilan est plus que positif…


Jour 1


Jour 3


Jour 4

Les autres photos de

The Dancing Naked Ladies
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Customs


Bacon Caravan Creek
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Los Campesinos!


Serena Maneesh
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The Futureheads
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Chrome Hoof


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Dog Eat Dog
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The Subways


Gwar
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Atari Teenage Riot

Photos © 2010 Olivier Bourgi

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