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La JIM JONES REVUE débarque en ville

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Ce 8 septembre 2010, Jim Jones Revue donnait son premier show bruxellois au Café Central, une bonne occasion de découvrir les morceaux du nouvel album qui sortira à la fin du mois. Réjouissons-nous, Jim Jones Revue est en ville. Ce groupe, vu son génie, aurait dû jouer d’office au Sportspaleis d’Anvers. Mais les génies étant incompris de nos jours, il se contentera d’aborder la Belgique dans le minuscule Café Central de Bruxelles, en plein centre ville, à deux pas de l’Ancienne Belgique. Autre bonne nouvelle : le concert est gratuit, Jim Jones Revue donnant un showcase parrainé par sa maison de disques Pias à l’occasion de la sortie de son deuxième album “Burning your house down”.

En effet, “Burning your house down” fait suite à un premier album éponyme sorti en 2008 et qui donnait un sévère coup de fouet au marigot du rock. Non pas avec des idées nouvelles, mais avec du bon vieux rock ‘n’ roll fifties retrouvé au fond d’un grenier, dépoussiéré, restauré et relancé dans la grande bagarre qui agite le monde du rock depuis plus de 50 ans. Jim Jones, leader du groupe (affublé d’un pseudonyme hommage au gourou fou qui envoya au suicide toute sa secte en 1978) a de bonnes raisons de ressortir les folles vieilleries rock ‘n’ roll des couloirs du temps : ce n’est pas un perdreau de l’année et il a déjà roulé sa bosse depuis un certain temps, notamment au sein des mythologiques Thee Hypnotics, petite perle psychédélique lourd des années 90.

Donc, le premier album de Jim Jones Revue tailladait sans vergogne dans le Little Richard en fusion, retravaillé à la sauce garage punk. Et logiquement, le deuxième remet le couvert et continue de porter haut et loin l’oriflamme du rock ‘n’ roll originel. Le réchauffement de la planète, la fin du monde en 2012, ils s’en foutent. Ces types luttent encore pour les idéaux des Fifties, les filles, la gomina, les juke-boxes, le fun et la liberté. Combat d’arrière-garde ? Revival génial en cette période de morosité où chercher à s’amuser sera bientôt considéré comme un crime contre la sûreté de l’État ? C’est le concert de ce soir qui va nous donner la réponse.

Bien décidé à ne pas rater ce grand moment de gloire, je me présente sur les lieux vers 19h30 et trouve une table libre à quelques centimètres de la minuscule scène. Le concert débutant à 21 heures, j’ai tout mon temps. Le Café Central est à peu près aussi grand que mon garage et les musiciens de Jim Jones Revue vont devoir évoluer dans un espace d’à-peu-près 2m2. Ce détail n’a que peu d’importance lorsque le groupe est bon, car un bon groupe est capable de jouer aussi bien dans une cabine téléphonique que dans un stade de foot. Et on va vite se rendre compte que le Jim Jones Revue est plus que bon.

Lorsqu’une partie du public jusqu’alors scotchée au bar commence à migrer vers le devant de la scène, j’abandonne rapidement ma table pour me placer sur la ligne de front, idéalement situé derrière le fauteuil roulant d’un handicapé qui va me préserver de la masse compacte du public. Car il faut admettre que quelques minutes avant le début du show, le bar est bourré à craquer. C’est un public jeune au look détendu mais peu dangereux (pas d’iroquois teints en vert, pas de Perfectos à clous ou de rockabilly gominés à la graisse de moteur) qui s’est agglutiné dans tous les espaces viables du bistrot.

Lorsque Jim Jones et ses spadassins montent sur scène (non, ils ne montent pas car il n’y a pas de scène) à 21h05, la grande bastonnade rock ‘n’ roll peut commencer. Ici, pas de fioritures : guitares Gretsch, amplis Orange ou Fender, chemises à manches courtes et pantalons serrés. Le bassiste porte une paire de bostoniens, des pompes d’une classe folle quand on voit son regard de monstre de Frankenstein abruti à la bière. Le batteur arrive à être discret dans ce minuscule espace, extrayant de son kit sans doute acheté au Delhaize du coin des frappes de colosse, du dézingage de fûts et du pilonnage de cymbales à enseigner en école de batterie ou en école d’artillerie, comme on veut. Le pianiste ne tarde pas à terminer ruisselant de sueur, debout face à ses touches d’ivoire (enfin, de plastique dur puisqu’il s’agit d’un synthétiseur portatif) et ravageant son clavier dans une suite ininterrompue de solos démentiels, obtus et hargneux. La palme revient au grand Jim Jones lui-même : sosie de Jeff Beck, costard trois-pièces dépareillé et chemise à fleurs. Il a la tronche du rocker classique, du vrai, celui issu des amours coupables du blues, du rock et de la soul. Accroché à son micro, mettant le feu à une foule de 150 personnes, l’homme est un frontman de premier ordre, réunissant les restes inusables d’Alex Harvey, de Steve Marriott ou de Bill Hurley des Inmates.

Il y a tout ça dans Jim Jones Revue, mais il y a surtout l’esprit pionnier et libertaire de Little Richard, le côté festif de Chuck Berry et le délire de Screaming Jay Hawkins. Ces mecs sont d’un énorme classicisme, mais dans classicisme il y a classe. Il y aussi séisme car, point de vue show, je peux vous dire que ça dépote. Le groupe place d’entrée les trois quarts de son nouvel album dans nos oreilles, suivis d’une demi-douzaine de chansons du premier album. Le public ne va pas tarder à se retrouver envoûté et embrumer tout le lieu dans un épais nuage de sueur à couper au couteau. Chaque titre claque comme une décharge électrique, chaque centimètre carré est exploité pour les acrobaties du guitariste et du chanteur. Yeux fixes, mâchoires serrées, le groupe envoie la purée sans arrière-pensées. Résultat des courses : treize morceaux échevelés qui dévastent le public en une cinquantaine de minutes, la durée de l’attaque de Pearl Harbor. Les deux derniers morceaux voient la population rockeuse au bord de l’explosion et du pogo. Après le rappel, le public hébété retrouve ses esprits. Je ramasse les restes d’une set-list avant de reprendre mon paletot et me frayer un chemin vers la sortie, rassasié par cette dose salvatrice de rock ‘n’ roll. Ce soir, on était tout autant en 1957 qu’en 1973 ou en 1991, mais certainement pas en 2010. Le rock de Jim Jones Revue montre que le monde n’a pas changé, qu’il est simplement ailleurs, surtout pas à Wall Street, au Palais de l’Élysée ou chez Nokia. Saurez-vous le trouver ?

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