VILLAGERS, une des révélations 2010 fait succomber la Rotonde
Flashback. C’était le 16 avril dernier. Un jeune homme timide répondant au nom de Conor O’Brien monte sur scène pour assurer la première partie de Wild Beasts à la Rotonde du Botanique. Quelques accords de guitares plus tard, on sera instantanément captivé par sa voix et il ne lui faudra pas une demi-heure pour réussir à faire l’unanimité autour de lui. C’était notre premier contact avec Villagers, dont il est la tête pensante. Sept mois plus tard, le voici de retour dans la même salle, accompagné cette fois de son groupe au grand complet pour un des concerts les plus attendus de l’automne… En guise d’apéro, le Bota avait convié Moon On Earth, un groupe à l’univers singulier originaire des environs de Mons. D’habitude plus nombreux (le batteur notamment manque à l’appel, bien qu’il se trouvait dans le public), ce sont trois des membres du groupe qui vont présenter un set acoustique dans une configuration inhabituelle, puisqu’ils sont assis. Débuté assez bizarrement par des incantations, leur set va toutefois évoluer grâce à une voix principale qui va très vite apporter de la douceur, bien mise en valeur par une guitare acoustique.
Délicates, leurs compositions s’écoutent plus qu’elles ne s’entendent, et cela peut paraître quelque peu déstabilisant dans une salle de concert comme la Rotonde. Cela dit, on ne s’ennuie pas, vu le nombre d’instruments qu’ils utilisent, tantôt exotiques (charango, shruti box) tantôt inhabituels (accordéon). Très prolixes et ne se prenant jamais au sérieux, les musiciens dégagent une sympathie qui rattrape un anglais scolaire (en tout cas dans la prononciation). Quoi qu’il en soit, ils ont de bonnes idées que l’on devrait pouvoir apprécier lorsqu’ils seront au complet sur scène. Peut-être lors d’une prochaine première partie vu qu’ils ont récolté leur petit succès.
Depuis cette fameuse soirée du printemps dernier où nous sommes tombés amoureux de la musique de Villagers, beaucoup de choses se sont passées pour Conor O’Brien et son groupe. D’abord, leur premier album, “Becoming A Jackal” est sorti sur le très respecté label indépendant Domino Recordings. Un album qui a d’emblée été sélectionné parmi la liste des prétendants au prestigieux Mercury Music Prize. Ils ne l’ont pas remporté (c’est The XX qui, sans surprise, a raflé la mise), mais il va sans dire que ce coup de projecteur a permis à l’auteur compositeur de prendre confiance en ses possibilités. Par ailleurs, on a également eu l’occasion de voir le groupe à l’œuvre au Pukkelpop cet été, puisqu’il ouvrait le Château peu avant midi…
Ce soir, le petit (par la taille) Conor O’Brien débutera son concert seul avec sa guitare avec “Twenty-Seven Strangers”, une comptine joliment mise en valeur par sa voix magnifique et son regard expressif. Il porte un pull en laine vintage, en complète opposition avec la chaleur dégagée par ses compositions. Le reste du groupe prendra ensuite place à ses côtés pour le véritable décollage du concert avec une délicieuse version de “The Meaning Of The Ritual”, amenée progressivement, instrument après instrument, vers le sommet de grâce qu’elle mérite.
En tout cas, il a de la chance d’être secondé par d’excellents musiciens qui vont apporter leur petite touche personnelle et clairement participer à l’évolution des titres dont certains ont été retravaillés de fond en comble pour la scène. On a ainsi particulièrement apprécié la souplesse du bassiste et l’habilité du guitariste à sortir des sons distordus de son instrument sans altérer la beauté des arrangements originaux (que du contraire même, la version de “Pieces” était même explosive).
Cela ne nous a pas empêchés d’avoir des frissons (“I Saw The Dead” au piano était particulièrement prenant, tout comme “Becoming A Jackal”, appelé à devenir un classique), surtout que l’on sent les musiciens à fond dans leur trip (il n’est pas rare de les voir tous fermer les yeux comme pour se laisser emporter et aller chercher encore plus loin la magie qui va inonder de bonheur les spectateurs).
Des titres inédits seront également chantés, comme par exemple “On A Sunlit Stage”, “qui n’existera jamais qu’en live” précisera le chanteur. Dernier moment de pur bonheur pendant le set principal avec le majestueux “That Day”, aux montées dans les tours à attraper la chair de poule. Ce mec-là a un talent fou et on se rend compte du plaisir de partager ce moment avec lui, et l’ovation qu’il récoltera sera cent fois méritée.
Pour les rappels, même physionomie qu’au début du concert puisque Conor O’Brien va tout d’abord chanter un titre (“Cecilia”) seul à la guitare et dans un silence respectueux. Il est vrai que les paroles de l’histoire sont succulentes et bourrées d’images. Quant à la chute, elle sera tout simplement exquise d’humour… Le groupe au complet se lancera enfin dans une version musclée de “Ship Of Promises”, qui prend tout son sens sur une scène. Au terme de ce concert intense qui risque de se retrouver bien classé dans notre référendum de fin d’année, Conor O’Brien, plus accessible que jamais, va rester de longs moments dans les environs du stand de merchandising pour répondre aux demandes de chacun. Ce bonhomme ira loin, cela ne fait plus l’ombre d’un doute…