The DEARS retrouve la forme
Alors qu’on les croyait ensevelis sous une couche de neige quelque part dans leur Québec natal, The Dears viennent de surprendre leur monde en publiant “Degeneration Street”, un excellent nouvel album qui renoue avec l’état de grâce de leurs débuts. Ils étaient ce jeudi 14 avril à l’AB Club pour une première approche sur scène… Moss, le groupe sélectionné pour assurer la première partie, allait commencer par nous exploser les tympans, la faute au son de la batterie un peu trop mis en avant. Ces Hollandais (leur accent guttural ne laisse planer aucun doute à ce sujet) prônent un rock brut, même s’ils peuvent aussi se montrer plus accessibles, quelque part entre Vampire Weekend (les rythmes subtilement exotiques) et Clap Your Hands Say Yeah (la voix enlevée), mais toujours avec un petit côté rebelle. Les meilleurs exemples seront “Angry Young Man” (téléchargeable gratuitement via leur site Internet www.mosstheband.com) et “New Arms”.
Visuellement, des projections ciblées illuminent non seulement la scène, mais également le visage des musiciens avec un effet saisissant, pour ne pas dire flippant par moments. Ce côté mystique n’occulte en rien l’essence même des compositions, comme le démontrera un puissant “I Like The Chemistry” avec lequel ils termineront leur prestation dans un déluge de décibels. On préférera cependant la production léchée du disque au son rugueux de leur prestation scénique. Pour le moment en tout cas…
Honnêtement parlant, on ne donnait plus cher de la peau de Murray Lightburn et de son groupe The Dears. Pourtant, on les avait encensés à l’époque de leur impeccable deuxième album (“No Cities Left”) et leur concert de février 2005 un étage plus bas (c’était à l’AB Box) avait tenu toutes ses promesses. Par après, le soufflé est quelque peu retombé, le plus difficile d’accès “Gang Of Losers“ (2006) et l’inégal “Missiles“ (2008) ne parvenant pas à confirmer l’espoir que l’on avait placé en eux. Et voilà que contre toute attente, ils reviennent avec une plaque qui tient admirablement bien la route, “Degeneration Street”.
Il ne faut en effet pas plus d’une écoute pour tomber sous le charme des compositions lumineuses signées de la plume du géant black à la voix modulable qui, ce soir, se déplace à l’aide d’une canne, prothèse au genou oblige. Ce léger handicap ne l’empêche toutefois pas de se démener vocalement et de triturer sa guitare comme si de rien n’était (il tirera d’ailleurs profit de la situation en se servant de cette canne pour y faire rebondir un tambourin de temps à autre). Il peut en outre compter sur un backing band de très grande qualité, parmi lequel on retrouve la blonde Natalia Yanchak (qui ressemble à s’y méprendre à la chanteuse des Ting Tings, y compris l’absence de sourire) ainsi que plusieurs musiciens qui ont fait leur retour au sein d’un groupe réputé à géométrie variable. On pointera notamment un excellent batteur et un guitariste éminemment sympathique.
Manifestement, le groupe se retrouve gonflé à bloc vis-à-vis de ces nouveaux titres puisque les quatre premières plages seront jouées d’entrée de jeu, avec une limpidité déconcertante. “Omega Dog” (au falsetto impressionnant), “5 Chords” (un tube qui ne demande qu’à exploser), “Blood” (délicieusement nerveux) et “Thrones” (le single annonciateur) se positionnent clairement comme de futurs classiques. Souvent considéré comme un pastiche des Smiths, les Dears semblent désormais s’en éloigner en laissant de côté la mélancolie qui jalonnait leurs albums pour privilégier des arrangements un tantinet plus joyeux (même la voix du chanteur ne flirte plus avec celle de Morrissey). Un peu plus tard, on s’extasiera sur les influences sixties inédites de “Yesteryear”.
Cela dit, ils vont malgré tout laisser une large part de la set-list à des titres qui vont soit nous replonger au milieu des années 2000 (les toujours aussi inspirants “Lost In The Plot” et “We Can Have It”) soit nous donner une relecture euphorisante d’extraits d’albums qui, isolément, prennent une autre dimension (un excellent “Hate Then Love” ou encore “Crisis”, efficace duo vocal impliquant Murray et Natalia).
Le début des rappels sera particulièrement prenant. En effet, le chanteur reviendra seul sur scène et entamera à la guitare acoustique “The Second Part”, avant que les musiciens ne le rejoignent un à un pour prendre part à la seconde moitié musclée de la composition. Malheureusement, l’intensité va retomber d’un cran lors d’une interprétation assez banale de “You And I Are A Gang Of Losers” (on aurait préféré à la place un nouveau titre, “Tiny Man” ou “Easy Suffering”, par exemple). Il ne s’agissait toutefois que d’un petit creux passager car “22: The Death Of All The Romance” va clôturer la soirée comme on n’osait pas l’espérer au moment de pénétrer dans la salle, c’est-à-dire avec grande classe. Comme quoi, il ne faut jamais enterrer un groupe trop vite…