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Les états d’âme de NOAH & THE WHALE

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Ancienne Belgique, mardi 19 avril 2011, 19h45. Des hordes de jeunes filles prêtes à s’égosiller pour le troisième concert sold out de Puggy sont massées devant l’entrée de la salle du boulevard Anspach. Ne vous méprenez pas, après avoir difficilement réussi à nous frayer un chemin, c’est au premier étage, à l’AB Club, que notre soirée se déroulera, en compagnie de Noah & The Whale, qui mettait pour la première fois les pieds dans une salle belge.

Pas qu’il fasse moins encombré (c’est complet ici aussi) mais on se retrouve au moins entre connaisseurs vu que le groupe londonien passe très peu en radio de ce côté de la frontière linguistique (d’ailleurs, les spectateurs sont majoritairement néerlandophones). Mais avant d’enfin les découvrir sur scène, place à la première partie au nom évocateur, Exlovers, qui s’était fait connaître en 2009 grâce à une reprise bien ficelée du célèbre “Wicked Game” de Chris Isaak.

Pas de cover ce soir mais un set bien en place qui met en avant deux voix admirablement complémentaires. Celle du chanteur guitariste (mais que fait-il avec un bonnet en laine sur la tête alors que la température tropicale de la salle fait même transpirer les murs) et de la mignonne claviériste, habillée comme une sage écolière mais qui ne doit pas être si prude que cela, à la vue du tatouage qui dépasse des courtes manches de sa robe.

Musicalement, c’est de la pop musclée (mais pas trop) qui les fait avancer, avec des mélodies accessibles et une guitare qui rappelle assez souvent The Cure, mais dans un environnement bien plus immaculé. Par moments (la seconde partie du set), les harmonies vocales soigneusement mises en place renvoient au son que The Thrills avait contribué à faire revivre au début des années 2000. Le tout sera mis à plat avec un dernier titre explosif qui verra les cinq membres du groupe se donner à fond pour achever de convaincre un public déjà chaud comme la braise.

Charlie Fink, la tête pensante de Noah & The Whale, est un romantique dont les sentiments s’expriment via l’écriture. On peut dès lors aisément suivre le baromètre de son état affectif. Ainsi, sur “Peaceful, The World Lays Me Down” (2008), le couple qu’il forme avec la toute jeune Laura Marling l’épanouit pleinement. Celle-ci allait toutefois le laisser tomber rapidement (avant même la sortie de l’album, en fait…) et s’en ira filer le parfait amour avec Marcus Mumford, le chanteur de Mumford & Sons. Cette rupture assommera Charlie et lui inspirera la composition de “The First Days Of Spring”, un deuxième album empreint de tristesse et de désolation qui sort en 2009.

Aujourd’hui, il va beaucoup mieux. C’est en tout cas ce que nous indique (malgré son titre) “Last Night On Earth”, l’excellente troisième plaque de Noah & The Whale, où l’on perçoit une envie de croquer à nouveau la vie à pleine dents. Quelques mesures d’un morceau de Gainsbourg (“Initials BB”) accompagnent la montée du groupe sur scène. Ils sont tous sapés avec classe, veston et cravate compris. La bonne humeur des musiciens tranche toutefois avec l’air sérieux et grave du chanteur qui entame le set avec “Give A Little Love”, interprété dans une chaleur moite qui ne fait qu’amplifier son impact sur un public qui attendait visiblement le concert avec impatience.

On va se rendra compte assez rapidement que Charlie Fink vit littéralement ses chansons. L’émotion dégagée par le magnifique “Blue Skies” va instantanément se dissiper dès les premiers accords du joyeux (et futur tube) “Tonight’s The Kind Of Night” aux lointaines influences disco. À l’écoute de “Give It All Back”, le doute n’est plus permis, il est guéri et va même de temps en temps arborer un large sourire aux spectateurs. À propos, le folk relativement traditionnel qui planait sur le premier album a aujourd’hui fait place à des compositions presque pop qui rappellent par moments Arcade Fire, toutes proportions gardées.

Un concert de Noah & The Whale se révèle bien plus prenant qu’un de Mumford & Sons par exemple. Les parties au violon sont ainsi bien plus subtiles (la très belle version réarrangée de “Love Of An Orchestra”, “Just Me Before We Met”). Plus varié aussi, vu qu’un batteur est employé full time, ce qui peut donner des envolées inattendues (“Jocasta”, complètement revu et corrigé). Bien entendu, la voix plombe parfois l’atmosphère, lumières tamisées à l’appui (le quasi tragique “I Have Nothing”, le résigné “My Door Is Always Open”) mais vu que l’on a bien cerné le personnage, on se concentre plutôt sur les arrangements, qui, eux se révèlent bien moins dépressifs sur les planches.

Pêle-mêle, on se régalera encore du violon tzigane qui constitue la marque de fabrique de “Rocks And Daggers”, des arrangements lumineux du single “Shape Of My Heart” mais surtout de cette bouleversante version de “The First Days Of Spring”, qui nous donnera presque la larme à l’œil. Finalement, une rechute n’est pas à exclure…

Les rappels débuteront sur le même mode avec “Old Joy”, peut-être le morceau le plus surprenant de la soirée, largement mâtiné de gospel. Ils enverront ensuite leur tube actuel, “L.I.F.E.G.O.E.S.O.N.”, qui va faire souffler un vent de folie sur le Club avant qu’un musclé “5 Years Time” ne clôture leur tournée européenne. Ici, pas de filles en délire, pas de secouristes ni de flash mob mais des fans dédiés à un groupe sincère qui mériterait au moins de se retrouver à l’AB Box. Ce n’est qu’une question de mois, visiblement…

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