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PUKKELPOP 2011 : de la fête au drame en dix minutes…

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Habituellement le festival belge le plus intéressant de l’été, le Pukkelpop édition 2011 aura plutôt fait la une de l’actualité du monde entier pour autre chose que son alléchante affiche. En effet, la mini tempête qui s’est abattue sur le site en début de soirée le premier jour allait avoir de tragiques conséquences sur l’événement et plusieurs spectateurs.

Tout avait pourtant bien commencé. Cette 26e édition, sold out depuis une éternité, s’annonçait sous les meilleurs auspices. Le soleil était présent lui aussi et, pour la première fois de l’été des festivals, on avait l’opportunité de se dévêtir sans risquer d’attraper une pneumonie. Un scénario idyllique…

Bracelet doré au poignet, on était donc sur le site pour le premier concert de la journée. L’herbe encore verte et vierge nous tendait les bras alors que Wolf Gang inaugurait le Marquee. Ce groupe anglais qui compte dans ses rangs Lasse Petersen, l’ancien batteur de The Rakes, allait sortir le lendemain son premier album, “Suego Faults”. Prestation gentillette sans grand éclat, avec un son assez mal réglé. Un son qui manquait de rondeur et qui était surtout beaucoup trop puissant.

Petit détour par le bar bières spéciales (dont la caractéristique est qu’il propose de la Grimbergen, de la Kriek et de la Blanche au même prix que la bière classique ou les softs) avant de se diriger vers le Club où Young The Giant prenaient le relais. Ils ouvraient ce chapiteau une heure plus tard qu’annoncé à l’origine puisque Foster The People avait annulé sa tournée des festivals européens quelques jours auparavant, modifiant ainsi le programme. Deux groupes qui se connaissent bien vu qu’ils ont joué ensemble aux récentes Nuits Botanique. Ici non plus, on n’a pas vraiment été transcendé par leur prestation.

On s’est ensuite installé dans l’herbe en écoutant au loin White Denim sur la Main Stage. Plus nerveux que les deux groupes précédents, ils sont aussi beaucoup plus radicaux dans leur manière d’aborder la scène. Rock garage psychédélique un peu à l’image des Black Lips (sans la finesse de ces derniers), ils ne se posent pas de question et balancent un son volontairement crasseux aux tympans des festivaliers encore relativement peu nombreux à ce moment de la journée.

Enfin, à cet endroit-là, car un peu plus loin, au Marquee, la toute grande foule s’était rassemblée pour applaudir Noah & The Whale. Le groupe de Charlie Fink en est déjà à son troisième album en quatre ans et récoltent enfin ce qu’il a semé. Ils peuvent se targuer d’être à la base du renouveau folk qui s’est propagé récemment sur l’Angleterre, et qui a notamment consacré Mumford & Sons et Laura Marling. Celle-ci est d’ailleurs une ex du chanteur et les textes mis en musique sont largement inspirés de l’état affectif de ce dernier. Il a de fait plein de choses à raconter et on peut aisément suivre son baromètre amoureux. Pour l’instant, il a l’air bien, comme le démontre des titres comme “Tonight’s The Kind Of Night”, “Just Me Before We Met” ou “5 Years Time”. Sans oublier l’hymne du printemps, “L.I.F.E.G.O.E.S.O.N.”, malgré une ressemblance autant avec “The Joker” du Steve Miller Band qu’avec “Lola” des Kinks. Après l’AB Club en avril dernier, c’est dans la grande salle de l’Ancienne Belgique qu’ils reviendront le 4 octobre prochain.

Peu enclin à aller jeter un œil à Yelle, on a continué à peaufiner notre bronzage. On a tout de même été assister à une poignée de titres des Wombats, dont le deuxième album sorti récemment ne fait que confirmer le peu d’intérêt qu’on daigne leur réserver. La preuve, la majorité des spectateurs sous le Marquee ne devaient pas avoir plus de quinze ans. Pour la petite histoire, ils avaient joué sur la Main Stage en 2008…

C’est alors que l’on a sans difficulté aucune été se placer tout devant pour Glasvegas. Leur deuxième album (“Euphoric///Heartbreak”) sera très certainement dans notre top 10 de l’année alors que leur concert à l’AB en mai dernier s’est avéré être d’une remarquable intensité. Désormais tout de blanc vêtu, James Allan vit en revanche toujours autant ses concerts, n’hésitant pas à se vautrer par terre et à presque manger son micro dont l’embout ressemble à un aspirateur. Ceci dit, on a l’impression qu’ils ne sont pas dedans et cela se ressent sur la qualité du spectacle. Pourtant, des titres comme “The World Is Yours”, “Shine Like Stars” ou “Geraldine” devraient emballer la plaine. À moins que ce ne soit l’environnement lumineux et ensoleillé qui ne leur convienne pas particulièrement (il est vrai que l’effet du fil de micro phosphorescent ne donne absolument rien cet après-midi). Malgré un “Lots Sometimes” de plus en plus enlevé et un “Daddy’s Gone” toujours aussi bouleversant, il a manqué quelque chose aujourd’hui. Tiens, eux, ils ont fait le chemin inverse des Wombats (ils avaient joué en 2009 sous le Marquee).

En face, au Club, c’est The Naked & Famous qui commençaient leur set. Un set à leur image, c’est-à-dire coloré et assez pop. Pas affolant pour un sou, on a quand même reconnu leurs deux singles qui passent énormément à la radio (“Young Blood” et “Punching In A Dream”). Gentil, c’est le mot. À moins que la chaleur suffocante qui régnait sous le chapiteau y soit ici aussi pour quelque chose (on a d’ailleurs passé la moitié du set assis contre les parois de la tente…). Je me demande toutefois quels ont été les critères pris en compte par le NME lorsque le célèbre magazine anglais leur a décerné récemment le Philip Hall Radar Award, succédant ainsi à The Big Pink et à The Drums

Étape suivante, la Main Stage pour Skunk Anansie, qui tournent un nouvel album sorti l’an dernier (“Wonderlustre”), prolongement d’une réunion amorcée en 2009. On ne le savait pas encore mais il allait s’agir là du dernier concert du Pukkelpop 2011. Déjà présent à Werchter l’année dernière, le groupe de Skin n’a rien perdu de ses facultés à se dépasser en concert. Cette petite madame à la boule à zéro et déguisée en oiseau ce soir va sans peine s’égosiller pour le plaisir des spectateurs présents. Des hymnes comme “Weak”, “Because Of You” et “Hedonism (Just Because You Feel Good)” n’ont pas pris une ride et résonnent toujours comme des classiques des années 90 (sauf le second nommé qui était un morceau bonus du best of “Smashes & Trashes” de 2009).

C’est pendant à la fin de ce concert que tout a basculé. Le ciel a d’abord commencé à s’assombrir. De légères gouttes sont tombées, mais pas de quoi enfiler son poncho. D’ailleurs, cela s’est calmé juste après. L’espace de quelques minutes seulement car vers 18h10-15 par là, c’était comme si la nuit était tombée. Il a commencé à pleuvoir à seaux et on s’est précipité vers l’endroit suivant (le Club) où Miles Kane allait commencer à jouer. Avec le recul, c’était suicidaire comme réaction mais on n’y a pas trop pensé sur le moment, on a suivi notre instinct.

Inutile de préciser que le chapiteau avait été pris d’assaut et était blindé. Un vent particulièrement sauvage s’était levé lui aussi (on parle de rafales de 160 km/h) et ce sont carrément des trombes d’eau qui nous tombaient dessus. Bref, on arrive à se faufiler sous la tente, complètement trempés. Et à un moment, une foule de gens sont rapidement sortis du chapiteau en question. On n’a pas trop compris pourquoi mais, apparemment, il y avait des énormes grêlons qui transperçaient la toile. Ceci dit, on ne se souvient pas avoir eu la sensation d’être en danger. Par exemple, la structure de l’édifice avait l’air de tenir le coup (information qui sera démentie par un témoin extérieur qui a vu la tente tanguer dangereusement). Elle a tenu, heureusement… Dehors, on distinguait des arbres secoués par un vent violent qui faisait également virevolter divers objets, sur fond d’éclairs lumineux. Ça a duré, quoi, une dizaine de minutes, pas plus. En tout cas, c’était le chaos…


Puis, la pluie a cessé et le ciel s’est éclairci d’un coup. Et c’est en sortant du chapiteau que l’on a vu l’ampleur des dégâts. À commencer par l’écran géant du chapiteau où l’on s’était réfugié affalé par terre. Il se trouvait à moins de cinq mètres de nous… Là, on s’est dit que l’on avait eu de la chance. Mais c’est après que l’on a compris que l‘on avait vraiment échappé au pire, à la vision du site dévasté. Chaque regard apportait une nouvelle pièce au désastre…

Des branches d’arbres partout, la structure publicitaire à gauche de la Main Stage bancale, des mares d’eau et de boue généralisées, les célèbres drapeaux du festival sens dessus dessous, un arbre arraché à hauteur d’homme tombé sur le stand Proximus, des bancs retournés et surtout, le Château effondré. Là, on a commencé à se dire qu’il y avait sans doute des festivaliers qui étaient restés en-dessous et un sentiment de désolation a fait son apparition…

Autour de nous, des gens qui n’en savent pas plus que nous, qui errent en se demandant ce qui a bien pu se passer. Sur les écrans géants, un message: “We are on a short break”. Il devait être aux environs de 19h. J’ai envoyé un bref sms à mes proches pour dire que j’allais bien. Quelques minutes plus tard, le réseau gsm était perturbé, voire suspendu par moments, pour donner priorité aux secours.

Il règne un silence lourd et inhabituel perturbé au loin par d’incessantes sirènes d’ambulances qui ne font qu’ajouter une dose de stress supplémentaire. De temps en temps, et presque par miracle, une salve de messages arrive. De la famille, des amis qui prennent connaissance de la catastrophe et qui demandent des nouvelles. C’est via eux que l’on apprend qu’il y aurait des morts… 3, 6, 7? Personne ne sait vraiment. Toutes proportions gardées, c’était comme au Heysel en 1985… Entre-temps, la pluie a recommencé à tomber et c’est sous le Marquee que l’on se réfugie (le Marquee est sans doute la structure la plus solide du site). Un léger vent de panique est perceptible, mais s’avérera heureusement non justifié. À l’arrière de la scène est suspendu le logo du groupe qui devait jouer à 18h25, Panic At The Disco.

Les bars et la plupart des stands de nourriture sont toujours ouverts, comme si de rien n’était. Par contre, pas de musique sur les scènes et les rumeurs vont bon train: les concerts du jeudi sont annulés, les Foo Fighters vont quand même jouer, tout va reprendre dès que le site sera sécurisé,… Impossible de vérifier ces informations. Autour de nous, des retrouvailles émouvantes éclairent la grisaille.

Un message est diffusé sur la Main Stage, mais on est trop loin, on ne l’entend / comprend pas. On se dirige donc vers la scène principale pour tenter d’en savoir plus. Mais les informations sont toujours aussi contradictoires. Et les messages continuent d’affluer de l’extérieur. Tout le monde est visiblement inquiet. Vers 22h, le présentateur monte sur scène et annonce officiellement la fin des festivités pour ce soir, en confirmant qu’il y avait des victimes et invitant les spectateurs encore présents à observer une minute de silence en leur mémoire. Celle-ci, parfaitement respectée, a donné des frissons dans le dos.

On a donc retraversé le site dévasté et on s’est dirigé vers le parking. Retour chaotique aussi puisque tout le monde quittait Hasselt et on a eu droit à des embouteillages jusqu’à l’autoroute. Nuit atroce et quasi sans sommeil… Et le lendemain matin, outre la gueule de bois, c’est la confirmation que tout le monde redoutait. L’événement est purement et simplement annulé.

De mémoire de festivalier, je n’ai jamais vu les éléments se déchaîner de la sorte. Il n’a fallu que quelques minutes pour mettre à plat l’édition 2011 du Pukkelpop. À moins que ce ne soit l’avenir du festival en tant que tel qui soit compromis. L’avenir nous l’apprendra. En attendant, on peut remercier notre ange gardien musical…

Photos © 2011 Audrey Bodeux

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