Anna CALVI à l’AB : un talent statique, mais réel
Presqu’un an après avoir joué deux soirs de suite en première partie de Grinderman, Anna Calvi était de retour à l’Ancienne Belgique ce lundi 3 octobre. Mais en tête d’affiche cette fois, et dans une grande salle pas loin du sold out, alors qu’elle avait été au départ prévue à l’AB Box. Une preuve supplémentaire du statut de révélation de l’année qu’elle cultive depuis la sortie de son premier album éponyme en janvier dernier.
Pour ouvrir le bal, un artiste répondant au pseudo de Grey Reverend se tenait sur le devant de la scène, assis sur une chaise une guitare à la main. Si visuellement on pense à un mélange entre Kele Okereke (le leader de Bloc Party) et Dieumerci Mbokani (pour les férus de foot), musicalement, on se trouve plutôt dans une catégorie blues folk acoustique qui transpire la déprime et le désespoir.
Très prolixe, il va raconter sa vie d’une voix particulièrement grave entre les morceaux. En revanche, lorsqu’il chante, celle-ci devient un rien plus mélodieuse (on pense davantage à un Tracy Chapman au masculin qu’à un Barry White, par exemple). Mais le fait qu’il se trouve tout seul en train de partager des compositions somme toute très calmes à un public pas toujours attentif ne va pas motiver la majorité des spectateurs à tomber sous le charme du bonhomme. Il faudra le revoir dans un endroit plus confiné afin de se faire une idée plus précise de son talent.
Fille spirituelle de PJ Harvey (avec qui elle partage une timidité maladive) et de Nick Cave (les ambiances sombres), Anna Calvi a fait forte impression en publiant début d’année un premier album très réussi chez le dynamique label indépendant Domino. Les chançards qui se trouvaient à la Rotonde du Botanique peu de temps après ne tarissaient d’ailleurs pas d’éloges à son sujet. Impression confirmée dès l’intro du concert de ce soir qui verra la belle se présenter seule avec sa guitare pour un titre instrumental à tendance bluesy (“Rider To The Sea”) idéal pour dérouiller ses doigts magiques au contact d’une six cordes qu’elle maîtrise à la perfection.
Très élégante (très stricte aussi) avec un chemisier rouge bardé d’un motif doré et des cheveux tirés vers l’arrière, ses hauts talons et son rouge à lèvres pimpant la font presque ressembler à un modèle que l’on aurait pu voir dans un clip de Kraftwerk à l’époque. Lorsque débute “No More Words”, deux musiciens la rejoignent et vont essentiellement s’occuper de percussions. La voix d’Anna Calvi est impeccable et les influences légèrement sixties qui jalonnent son album donnent à merveille sur les excellents “Blackout” et “I’ll Be Your Man”, deux titres qui donnent une réelle dynamique à sa prestation. Sur le second nommé, un guitariste supplémentaire fera son apparition et apportera une puissance retenue à l’ensemble (il reviendra sur scène de façon sporadique, mais toujours avec le même effet, notamment sur le final incroyable de “The Devil”…).
L’album sera bien entendu joué dans son intégralité avec quelques moments de grâce (“First We Kiss”, “Desire”) interprétés dans un silence malheureusement pas toujours respectueux. Pourtant, sa voix assurée (on pense aussi à Dusty Springfield ou à Chrissie Hynde) a le pouvoir de captiver un auditoire. On lui reprochera également quelques longueurs inutiles mettant un peu trop en avant sa dextérité à la guitare (on pense surtout au pourtant très bon “Love Won’t Be Leaving”, allongé à outrance) ainsi que le syndrome de PJ Harvey pendant une bonne partie de la soirée, puisqu’elle ne communiquera avec le public qu’à de trop rares occasions tout en restant finalement très réservée.
Au programme également, quelques faces B et covers dont on retiendra surtout les deux titres en rappel que sont le “Joan Of Arc” de Leonard Cohen et le “Jezebel” de Frankie Laine popularisé en français par Edith Piaf. Il ne fait aucun doute que ceux qui avaient été conquis par l’album l’ont également été par le concert de ce soir. En revanche, ceux qui découvraient l’artiste ont sans doute eu un peu plus de mal à pénétrer dans son univers singulier. Cela ne l’empêchera sans doute pas de se retrouver parmi les personnalités musicales ayant marqué 2011 d’ici quelques semaines…
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Photos © 2011 Olivier Bourgi