Le jubilé de THE MISSION à London
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. C’est le sentiment qui a prévalu lorsque Wayne Hussey a annoncé la reformation de The Mission à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de son groupe. Outre un passage au Sinner’s Day annoncé depuis presque un an, une date à la prestigieuse Brixton Academy de Londres avait été réservée dans la foulée. Un concert rapidement sold out qui confirme la fidélité inconditionnelle de leurs fans.
C’est donc au beau milieu de cinq mille disciples que l’on s’est retrouvé ce samedi 22 octobre dans la capitale anglaise. Pourtant, rappelez-vous, le 1er mars 2008, Wayne Hussey mettait un point final à l’histoire de The Mission au terme de la dernière soirée qui les aura vu jouer quatre fois d’affilée au Shepherd’s Bush Empire de Londres. Un baroud d’honneur au marketing savamment orchestré (on pense notamment aux t-shirts “The Final Chapter” en référence au titre de leur premier album “The First Chapter” ainsi qu’au CD “Live & Last”) désormais mis à mal par ce retour peut-être un peu trop rapide à notre goût.
Tout fan de Mission qui se respecte est un adepte prêt à parcourir des milliers de kilomètres pour voir son groupe favori et ce soir n’a pas dérogé à la règle, au vu des nombreuses nationalités présentes dans la salle. Des Anglais bien sûr, mais aussi des Allemands, des Hollandais et un contingent belge qui avait fière allure. Des spectateurs chauffés à blanc par les prestations de Gene Loves Jezebel (loupé dans notre chef pour raison de consignes de sécurité un peu trop sévères) et de Fields Of The Nephilim, dont la comparaison avec les Sisters Of Mercy est toujours d’actualité (la voix, les fumigènes qui ont une place prépondérante), si ce n’est qu’ils s’appuient moins sur des machines que le groupe d’Andrew Eldritch (à prononcer à demi-mot puisque les relations entre ce dernier et Wayne ne sont plus au beau fixe depuis près de trente ans).
Peu après 21h15, dès l’instant où la salle a été plongée dans l’obscurité, on a ressenti autour de nous un sentiment intense, quelque part entre émotion et excitation, décuplé lorsque le groupe est apparu au terme d’une musique d’intro digne d’un dessin animé de Walt Disney. Wayne Hussey, cheveux courts et grisonnants, pénétrant le dernier sur scène, précédé de ses compères d’origine, le bassiste Craig Adams (complètement chauve) et le guitariste Simon Hinkler (qui ne quittera pas son chapeau durant toute la soirée). Ce dernier a récemment fait son retour au sein du groupe, laissant de côté l’éminemment sympathique Mark Gemini-Thwaite. Le seul “intrus” est le batteur Mike Kelly, bien plus jeune que ses comparses sur scène.
“Beyond The Pale” sera le premier titre du set et il ne faudra pas deux minutes pour que l’on compare de nouveau Wayne Hussey à Bono (le look et l’attitude, essentiellement) et pour que, dans le public, des pyramides se forment (même si on pourrait plutôt parler d’équilibrisme puisque le plancher incliné de la Brixton Academy ne favorise pas vraiment ce genre d’exercice). La voix du chanteur, bien qu’intacte, se veut hésitante par moments, à l’instar de l’alchimie pas tout à fait uniforme des musiciens. Des approximations seront légion et certains titres loupés, à l’instar de “Deliverance” qui, à l’époque, dévastait tout sur son passage après une intro d’anthologie. En revanche, le jeu de guitare du leader (à la douze cordes) laisse toujours pantois.
Sans surprise, ils se sont cantonnés à leurs quatre premiers albums, devant un décor sobre (tout au plus une effigie presque religieuse s’illuminait de temps à autre, notamment pendant un “Serpent’s Kiss” qui siffle comme au premier jour). En tout cas, autour de nous, c’est de la folie furieuse et les gothiques quadras (voire quinquas) se déchaînent comme si on était encore en 1985 (certains ont même emmené leurs enfants à la cérémonie). Outre d’excellents “Naked And Savage” et “The Crystal Ocean”, un des sommets de la soirée consistera en une trilogie des impeccables “Severina”, “Butterfly On A Wheel” et “Stay With Me” mis bout à bout, desquels transpirera une dévotion intacte.
La suite ne sera malheureusement pas toujours à la hauteur. On les a en effet déjà connus plus percutants, mais les spectateurs n’en ont cure, ils vont hurler à tue-tête “Wasteland” et un peu plus tard les “brother… sister…” du déjà cité “Deliverance” alors que le groupe quittait déjà la scène.
Wayne reviendra seul avec sa guitare pour une intense version acoustique de “Like A Child Again” avant d’être rejoint par le reste du groupe pour un “Like A Hurricane” que l’on assimile désormais plus à leur version qu’à celle signée à l’origine par Neil Young. C’est bien évidemment “Tower Of Strength” dans une interprétation moins arabisante (mais tout aussi longue) qui va clôturer le set dans le délire que vous imaginez.
Sauf que tout ceci paraît un rien trop téléphoné. En tout cas jusqu’à ce qu’un deuxième rappel somme toute inattendu ne soit organisé. Surtout que Wayne avait convié Mark Gemini-Twhaite pour deux ultimes titres, “Blood Brother” et le furieux “1969” des Stooges. C’est à ce moment que l’on a pu se rendre compte de l’énorme fossé comportemental qui sépare les deux guitaristes. D’un côté Mark le démonstratif et de l’autre, Simon l’introverti. Sans doute une des clés du relatif manque d’entrain de la soirée. Ajoutez le fait qu’ils n’ont rien entrepris de révolutionnaire et on se surprend même à penser que lors de la prochaine reformation (sans doute lors du trentième anniversaire), on assistera à peu de choses près au même concert. Mais d’un autre côté, c’est sans doute ce que les fans attendent. Ah la nostalgie… Cela dit, on les avait de loin préférés il y a trois ans où ils avaient été parfaits…
En revanche, l’appendice de la soirée valait à lui seul le détour. Le ticket du concert donnait en effet accès à une soirée organisée dans un hangar de l’autre côté de la ville. Une after party surréaliste avec des concerts, une soirée dansante et… un karaoké gothique. Le tout dans un environnement particulier (un genre de convention entre vampires, aliens et corbeaux), sur fond de bière jamaïcaine jusqu’au bout de la nuit. Il fallait vivre cela au moins une fois dans sa vie…
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Photos © 2011 Olivier Bourgi