L’Ancienne Belgique en flammes
Si, attirés par le titre de cet article, vous pensiez découvrir en nos pages les détails du plan à cinq ans de l’ami Bart ‘Wafelman’, vous vous êtes peut-être trompés de webzine. Car ces flammes qui, en ce dimanche 27 novembre 2011, dévastent notre bonne Ancienne Belgique sont plus fédératrices que séparatrices. Prenons-en pour preuve cette AB bondée du parterre aux balcons : Flamands, Wallons, Suédois, Anglais, Norvégiens, Américains ; tous réunis sous une seule et même bannière, celle du métal lourd ! Ce soir Bruxelles est la proie d’In Flames, de Trivium, de Ghost, de Rise To Remain et d’Insense. Il est 17h20 lorsqu’Insense ouvre le feu. La vision d’un parterre déjà bien rempli malgré l’heure prématurée semble motiver le quatuor norvégien qui se donne sans compter pour celles et ceux qui ont fait l’effort d’arriver à l’heure. Malgré une évidente volonté de bien faire, la musique du groupe, tiraillée entre mathcore poussif et groove thrash moderne ne nous laisse pas un souvenir impérissable.
Il n’en va pas de même pour Rise To Remain dont nous n’attendions pas grand-chose et qui nous laisse carrément sur le cul. Il faut dire que non contents d’être doués et remuants, les jeunes Britanniques nous donnent l’impression d’être plutôt sympathiques. Comme son nom l’indique, le frontman Austin Dickinson est le fiston de qui vous savez. Toutefois, le groupe semble avoir choisi de ne pas/plus tabler sur la notoriété de papa pour se faire un nom.
Il n’y a d’ailleurs aucune allusion au célèbre pilote d’Ed Force One sur le
site officiel de Rise To Remain. Notons cependant que le physique de l’ami Austin ne laisse aucun doute quant au patrimoine génétique qui est le sien (NDR : un coup d’œil aux photos de l’ami Bernie devrait suffire à vous en convaincre). Affiche consistante oblige, Rise To Remain ne dispose que d’une demi-heure pour convaincre et il y arrive sans problèmes en piochant à six reprises (NDR : sept si l’on compte l’intro) dans l’unique album qui constitue sa discographie (NDR : “City Of Vultures”). Sans avoir l’organe de son célèbre papa, Austin possède tout de même un joli brin de voix claire qu’il alterne avec un chant guttural du meilleur effet. Le métalcore du quintette anglais est manifestement destiné à un public jeune (et féminin). Mais peu importe après tout, puisque les présences scéniques combinées d’Austin et Joe Copcutt (NDR : malgré un look propret emprunté au Duran Duran des eighties, le bassiste se démène comme un véritable damné), ainsi que le jeu de guitare shreddé de Ben Tovey finissent même par convaincre le plus obtus des quarantenaires (NDR : c’est moi).
Avec Ghost, c’est un peu Saint-Nicolas avant l’heure. Un véritable cadeau visuel et auditif pour tout le monde à l’AB ce soir. Enfin, pour tout le monde sauf pour ce pauvre Bernie qui, n’ayant pas été assez sage pour côtoyer Mercyful Fate et Blue Oyster Cult dans sa tendre jeunesse, se sent un peu puni devant le spectacle qui se déroule devant son zoom ébahi. ‘Ce sont des guignols !’, m’avait déjà soufflé l’inculte en juin dernier, lors de notre première confrontation avec l’évêque fantôme. Pourtant, quoi qu’en dise le keupon, Ghost, c’est du grand spectacle.
Des vitraux blasphématoires, sur lesquels les saints ont laissé leur place aux démons, ornent le fond de la scène. Un quintette de moines sans visages accompagne de ses instruments l’évêque démoniaque au visage de grand brûlé qui prie le démon en latin et en anglais. L’odeur de l’encensoir fumant qu’il agite en entrant sur scène finit d’installer l’ambiance de messe noire. Ghost est de loin le groupe le plus calme de la soirée, ce qui le rend encore plus terrifiant. Entre le métal classique de Mercyful Fate et le hard rock seventies du B.O.C., la musique est, il est vrai, plus intrigante que puissante. Mais c’est probablement ce qui fait toute l’originalité de la chose. Au grand dam des nombreux disciples de la formation suédoise, le planning surchargé de la soirée oblige le grotesque Papa Emeritus I à écourter son étrange office. Six titres de l’album “Opus Eponymus” sont interprétés. C’est peu quand on aime. Mais assez cependant pour convertir ce bon Bernie qui, après le concert, finit par admettre que ‘c’était pas mal après tout’ !
À voir le nombre de T-shirts marqués de leur logo qui circulent dans la salle, il ne fait aucun doute que Trivium soit très attendu du public bruxellois. Matt Heafy, le chanteur/guitariste débarque d’ailleurs sur scène avec le sourire arrogant de celui qui se sait aimé. Il faut dire que les Américains ont tout pour plaire : bonne humeur communicative, pèche fédératrice, maîtrise des instruments, compositions accrocheuses et sens du dialogue (NDR : Heafy s’adresse à l’AB dans les deux langues nationales).
La sauce prend dès le premier titre (NDR : “In Waves”, la plage éponyme du dernier album) repris à tue-tête par la salle entière. Les amateurs de ‘nage sur houle humaine’ effectuent leurs premiers plongeons de la soirée tandis que la setlist revisite de manière aléatoire le “Ascendancy” de 2005 (quatre titres), le “Shogun” de 2008 (2 titres) et le petit dernier “In Waves” pour quatre titres supplémentaires. Faute de temps, probablement, Trivium fait l’impasse sur ses deux autres opus (NDR : “Ember To Inferno” de 2003 et “The Crusade” de 2006). Une partie non négligeable du public de l’AB, qui aurait probablement préféré voir Trivium partager la tête d’affiche avec In Flames semble un peu frustrée de la durée relativement courte de son set et le fait savoir au moyen de sifflements réprobateurs. Peine perdue, car il est déjà l’heure d’accueillir sur scène celui qui, au même titre que Dark Tranquillity et At The Gates, fut l’un des pionniers de la scène death mélodique de Göteborg.
Il est presque 21 heures. Le voile noir qui cache encore la scène alors que résonnent les dernières notes de l’intro de “Sounds of A Playground Fading” est arraché dans une déflagration sonore. In Flames, mené par un Anders Fridén américanisé (NDR : barbe de grizzli yankee et casquette de baseball vissée sur le crâne) semble bien décidé à nous faire passer un sale quart d’heure. Le vocaliste à l’humour acéré, profite d’un premier dialogue avec le public pour tailler un joli costard à un pauvre quidam qui, assis au balcon, n’a pas l’air de s’amuser autant qu’il le devrait.
D’humeur bavarde, Fridén se plaint de la difficulté qui existe à concocter une setlist équilibrée lorsque l’on a dix albums au compteur. Il promet cependant que celle de ce soir revisitera équitablement toute la carrière du groupe. Un petit mensonge, car seules huit des dix plaques sont passées en revue. D’équilibre, il n’en est pas vraiment question non plus puisque la setlist se concentre essentiellement sur le dernier album en date (huit titres sur les vingt interprétés ce soir en sont extraits). Mais nous aurions tort de faire la fine bouche, car les nouveaux titres passent plutôt bien le cap de la scène et si le glorieux passé du groupe est un peu mis en retrait, nous avons quand même droit à de jolies perles historiques telles que “Colony”, “The Hive”, “Swim” et surtout “Only For The Weak”. Si nous regrettons l’absence de Jesper Strömblad, le guitariste fondateur du groupe, nous devons bien avouer que le line-up renforcé par Niclas Engelin (ex-Guardenian et Passenger) tient plutôt bien la route et nous tient même en haleine jusqu’à la fin de cette excellente prestation à laquelle il ne manquait probablement qu’une seule chose : un rappel.
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Photos © 2011 Bernard Hulet