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MASTODON soumet l’AB avec brio

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Les années 2010 seront Mastodon ou ne seront pas. Le groupe ricain le plus doué de la scène sludge metal progressif est en train de gagner peu à peu ses galons et possède maintenant un fauteuil permanent de seconde classe au Panthéon des groupes métalliques dont on se souviendra. En attendant de gagner la première classe. Et avec
The hunter
, son dernier album en date, les choses pourraient arriver plus vite que prévu. “The hunter” marque une certaine évolution du style de Mastodon, qui passe du métal compliqué, lourd et bourrin à du métal toujours compliqué, toujours lourd mais un rien affiné au niveau des voix. L’ouverture palpable sur ce nouvel album est à même d’attirer à Mastodon les faveurs d’un public plus large, sans toutefois l’obliger à mettre trop d’eau dans son vin.

Les quatre artilleurs d’Atlanta sont donc logiquement partis à la conquête des scènes mondiales avec la promotion de leur nouvel album. Mastodon n’est pas encore un gigantesque groupe qui va mobiliser des Zéniths ou des Arenas à lui tout seul et ses passages en vedette se font encore dans des salles de dimensions modestes. Après avoir entamé le saccage de la Scandinavie la semaine dernière, Mastodon arrive en Belgique pour une explication de gravures à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, complète pour l’occasion. Mastodon emporte dans ses bagages le groupe Red Fang, formation stoner chargée d’allumer les premiers feux et dont les deux premiers albums sont une bonne surprise.

Red Fang arrive d’ailleurs rapidement sur scène puisqu’il débute l’apéritif dès 19h45. Ce quartette de Portland se compose de deux guitaristes qui n’ont plus vu de coiffeur depuis 1973, d’un batteur qui y est toujours fourré et d’un bassiste chaussé de binocles pour personne incapable de voir un éléphant dans une cabine téléphonique. Les types nous sortent l’armement classique en matière d’instruments : Telecaster à répétition, Fender basse de campagne et Gibson SG à double chargeur. On peut constater également que ces messieurs ne sont pas des petits jeunes sortis du lycée. Il y a déjà pas mal d’années derrière ces garçons qui en sont paradoxalement à leurs débuts en matière discographique, avec deux albums dont un deuxième sorti sur l’excellente maison Relapse. Red Fang commence un peu plus tôt que d’habitude afin de pouvoir assurer un set de 45 minutes dans de bonnes conditions et de laisser Mastodon se lâcher dans la durée tout en respectant le couvre-feu imposé par l’AB. On aura donc droit à trois quarts d’heure d’un stoner bien lourd, à la limite du sludge et influencé par Black Sabbath, Mastodon ou High On Fire. Les guitaristes s’embarquent sur de longues chevauchées toutes en riffs trapus et la section rythmique fissure des murs de béton sous des coups de boutoir herculéens. Le batteur, en particulier, distribue les coups de baguette avec la rigueur et l’énergie d’une chaudière de locomotive. Le chant, par contre, ne sera pas de la partie, handicapé par un réglage résolument en dessous du minimum sonore vital.

Après un rapide changement de matériel opéré par une section de roadies velus et tatoués, Mastodon prend les choses en main. La concentration humaine a soudain doublé et les kids n’attendent que la première occasion pour exploser. Les quatre cavaliers de l’apocalypse surgissent tranquillement des coulisses et entament la préparation d’artillerie sans plus attendre. Les combats démarrent directement sous les couleurs du nouvel album “The hunter”, avec “Dry bone valley” et “Black tongue” qui se chargent de donner le ton de la soirée. Brent Hinds apparaît avec une jambe enserrée dans une énorme attelle. Cela ne l’empêche pas d’assurer des parties de guitares d’un autre monde, sur de superbes guitares : Flying V transparente ou classique, guitare électrique douze cordes. Le bassiste Troy Sanders se gondole autour de son instrument, barbe de Raspoutine au vent et regard vicieux ondulant dans les orbites. L’autre guitariste Bill Kelliher, look d’éleveur du Kansas déchiqueté à la Budweiser, accumule des riffs d’airain. Quant à Brann Dailor, camouflé derrière sa somptueuse batterie aux armes de feu Randy Rhoads, il joue si vite que l’image de ses baguettes s’imprime à peine dans nos rétines.

Il ne faut pas plus de trois morceaux pour embraser le public et un po-go général se déclenche dès “Crystal skull”. On voit apparaître les premiers slammeurs, qui ne seront cependant pas trop nombreux. Tout au long du show, je vais sentir des drames humains se jouer contre mon dos. Une petite louloute est aplatie entre mes vertèbres et le millier de personnes qui poussent vers l’avant comme les Huns vers l’Ouest. Après le show, faites-moi penser à vérifier si je n’ai pas un ou deux types écrasés dans le dos, je les décollerai. Mastodon, de son côté, livre la masse sanglante de ses morceaux les plus costauds. Il est évidemment question d’un bon paquet de titres extraits de “The hunter” (presque la moitié et en tout cas plus d’un tiers) mais le groupe défend toujours ses albums
Blood mountain
et
Leviathan
, qui à eux deux composent une dizaine de morceaux du concert, soit près de la moitié. Et bien sûr dans tout ce lot, on retrouve les titres les plus redoutablement efficaces (“I am Ahab”, “Capillarian crest”, “Colony of birchmen”, “Iron tusk”, “Blood and thunder”…), surtout en fin de show pour relancer la frénésie du public à l’approche de la fin.

Durant tout ce déploiement d’énergie brutale et raffinée à la fois, les musiciens de Mastodon n’ont pas parlé au public, mais ont cependant parfaitement bien communiqué leurs sentiments, par des petits gestes, des petits clins d’œil. Le public ne s’y est pas trompé et inonde le groupe sous les ovations au début de chaque morceau. Mastodon a parfaitement bien équilibré son show entre titres nouveaux et plus anciens, réservant un feu roulant de classiques pour la dernière partie. Le chaos monte en puissance et les choses atteignent l’apogée avec le phénoménal “Blood and thunder” qui termine les débats, avant que Mastodon ne revienne pour un émouvant “Creature lives” en rappel, avec les choeurs assurés par les membres de Red Fang, revenus sur scène pour l’occasion. Avant de quitter la scène, le batteur nous adresse quelques mots puis jette ses baguettes dans la fosse.

Au final, Mastodon nous a servi un show parfait de plus d’une heure et quarante minutes. Lorsqu’il ouvre pour les autres ou qu’il joue en festival, le groupe est toujours réduit à une set-list plus courte, mais ici on a pu goûter pleinement à la saveur du Mastodon des grands jours.

Set list : Dry bone valley / Black tongue / Crystal skull / I am Ahab / Capillarian crest / Colony of birchmen / Megalodon / Thickening / Blasteroid / Sleeping giant / Ghost of Karelia / All the heavy lifting / Spectrelight / Curl of the burl / Bedazzled fingernails / Circle of Cysquatch / Aqua dementia / Crack the skye / Where strides the behemoth / Iron tusk / March of the fire ants / Blood and thunder // Rappel : Creature Lives

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