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Les PIAS NITES version (soft) rock

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Pour la troisième année consécutive, la célèbre maison de disques indépendante Pias organisait à Bruxelles ses Pias Nites, mini festival indoor proposant une vitrine de son catalogue actuel. Et comme le label fêtait son trentième anniversaire cette année, une attention toute particulière avait été apportée à l’événement, réservant notamment une soirée à tendance rock le jeudi 16 février sur le site de Tour & Taxis, avec notamment au programme Mogwai, Agnes Obel, Daan et Tom Smith (Editors) en solo.

Après quelques légers soucis d’organisation qui vont finalement se traduire par une trentaine de minutes de retard sur l’horaire prévu, Rudy Léonet annonce le premier groupe à fouler la petite scène baptisée Fire Starter Room, endroit qui, comme son nom l’indique, va faire la part belle aux découvertes. Ce groupe, c’est Roscoe et on était déjà tombé sous le charme de ces Liégeois en… juin 2009 lorsqu’ils avaient ouvert pour les Maccabees à la Rotonde du Botanique.

À l’époque, ils ne faisaient aucun mystère par rapport à leurs influences (le nom du groupe provient du morceau de bravoure de Midlake). Mais désormais, on remarque qu’elles ont évolué et se sont diversifiées. On se retrouve ainsi dans les contrées de The National ou d’un Radiohead qui n’aurait pas tenté une exploration de l’électronique expérimentale. Les compositions dégagent une certaine dose d’émotion (la voix écorchée du chanteur y est pour beaucoup) mais elles prennent réellement tout leur sens lorsqu’elles s’envolent dans une puissance retenue qui leur sied parfaitement. Leur premier album, “Cracks”, arrive très bientôt et devrait valoir le détour.

Dans la Main Play Room, Daan avait déjà entamé son set, accompagné de ses fidèles acolytes (la multi instrumentiste Isolde Lasoen et le violoncelliste Jean-François Assy) de la formule acoustique qu’il avait imaginée pour l’enregistrement de l’album “Simple”. Une formule qui a fait ses preuves et qui propose une relecture inédite (et souvent inattendue) de titres issus de la carrière du chanteur. Ainsi, “Housewife” et “Victory”, par exemple, deux bombes électro pop à l’origine, se retrouvent transformées en pièces presque classiques sans toutefois en ôter l’essence.

Derrière son piano la majeure partie du temps (même lorsqu’il attrape une guitare acoustique), Daan va comme à sa bonne habitude communiquer avec le public de sa voix suave, le taquiner et même le faire participer (“Simple”), le tout avec beaucoup d’humour. On retiendra notamment sa troublante version du “A Man Needs A Maid” de Neil Young (dont les paroles se trouvent sur un pense-bête), l’excellent “Icon” façon Johnny Cash crooner ou encore “Protocol”, titre quasi sans parole où chaque instrument disposé sur scène prend une place essentielle (surtout le carillon tubulaire dans le dos d’Isolde). On est curieux de découvrir quelle direction l’ancien leader de Dead Man Ray prendra lorsqu’il s’attellera à la composition d’un nouvel album.

Dans la Fire Starter Room qui débordait jouaient Oscar & The Wolf. Vu qu’il était quasi impossible de pénétrer dans la salle plus loin que le bar avec une visibilité quasi nulle sur la scène, on a décidé d’attendre la suite en entamant un tour du propriétaire. Car les Pias Nites, ce n’est pas seulement de la musique live. Entre un stand merchandising généreusement fourni en CDs du label, une exposition de photos de pochettes et un espace transat, aucun risque de s’embêter.

Cela dit, les concerts étaient malgré tout notre priorité, raison pour laquelle on était au poste lorsqu’Agnes Obel a pris possession de la scène dans la Main Play Room. Cette Danoise a connu un succès aussi monstrueux que surprenant l’an dernier avec son premier album, “Philarmonics”, emmené par l’imparable single “Riverside”. Il ne fallait bien évidemment pas s’attendre à un déluge sonore mais plutôt à des moments de douceur parfois proches du recueillement.


À la limite, cette salle était même un rien trop grande pour elle (ou pas assez feutrée, c’est selon) mais le son impeccable a malgré tout permis d’apprécier à leur juste valeur les compositions de la blonde au chemisier blanc strict. Si le piano semble être son moyen d’expression fétiche, sa voix sucrée enrobe les petites perles que sont “Brother Sparrow”, “Just So” ou encore cette magnifique version du “Close Watch” de John Cale. Mais la complicité évidente qui la lie avec sa violoncelliste vient ça et là apporter de la profondeur et de la rêverie comme sur “On Powdered Ground” par exemple. Dommage que les spectateurs aient été si dissipés et n’aient réellement réagi que lors de l’interprétation de son hit single. Mais il faut bien avouer que l’uniformité du set ne les a pas aidés non plus…

Bien que prévus sur notre programme, ni Lisa Hannigan (qui remplaçait Joan As Policewoman, contrainte d’annuler sa prestation voici quelques jours), ni First Aid Kid un peu plus tard n’ont finalement eu les honneurs de notre présence (ou très furtivement dans le cas des seconds nommés) pour la même raison que celle qui nous avait déjà fait louper Oscar & The Wolf un peu plus tôt. L’année prochaine, peut-être serait-il judicieux de mieux équilibrer les espaces afin de permettre à un plus grand nombre de profiter entièrement du line-up.

Quoi qu’il en soit, un des moments les plus attendus de la soirée allait se dérouler dans la Main Play Room puisque Tom Smith, le chanteur des excellents Editors, avait prévu un set acoustique exclusif pour souhaiter à sa manière un bon anniversaire à son label. Un Tom Smith qui, ces derniers temps, s’est plutôt consacré à des expériences, comme lors de cette association avec Andy Burrows (l’ex-batteur de Razorlight et actuel de We Are Scientists) qui a débouché sur un album de Noël (“Funny Looking Angels”) fin d’année dernière.


Tom Smith, c’est une voix, bien sûr, caverneuse à en donner des frissons. Mais c’est également une attitude et une façon particulière de se comporter sur scène, entre Chris Martin et Thom Yorke. Le seul bémol concerne son look, avec cette semi-barbe qui ne l’avantage pas vraiment. C’est au piano qu’il va passer le plus clair de son temps. Le même que Daan et Agnes Obel mais surtout un piano ouvert qui fait furieusement penser au logo de Pias. De temps en temps, il le troquera contre une guitare acoustique (sur “The Weight Of The World” notamment).

Le défi de cette prestation sera de reconnaître des compositions éthérées, exempte des artifices qui les garnissent lors d’un concert d’Editors. Si pour certaines, cela saute aux oreilles (“Papillon”, “Blood”, “An End Has A Start”), il n’en sera pas de même pour d’autres, beaucoup moins évidentes à cerner (“No Sound But The Wind” en intro, “Escape The Nest”, le final “Distance”). Mais la curiosité sera de découvrir l’un ou l’autre nouveau titre (notamment un “What Is This Thing Called Love” mélancolique et prometteur à première écoute). L’histoire ne dit pas encore si ceux-ci se retrouveront sur le prochain album du groupe (à paraître en fin d’année, si tout va bien) ou si Tom Smith se les réserve pour un futur album solo. L’avenir nous l’apprendra mais sur ce que l’on a vu ce soir, sa prestation seule valait le déplacement.


Ceci étant, il ne faudra pas deux riffs de guitares à Mogwai pour faire voler en éclat la quiétude qui avait régné jusque-là. À quasi minuit, il était en effet grand temps d’utiliser la puissance de l’amplification. Et lorsqu’il s’agit de jouer fort, les Écossais qui ont imposé le mouvement post rock en tant que genre à part entière n’ont de leçon à recevoir de personne. Pour preuve, on n’a pas compté le nombre de spectateurs battant retraite vers la sortie de la salle, les index dans les oreilles, une grimace traversant le visage.

Car un concert de Mogwai, cela se prépare. Pas tellement d’un point de vue analyse des textes (vu qu’il n’y en a pas), mais plutôt par rapport à la structure peu conventionnelle des compositions et à l’état d’esprit qu’il convient d’atteindre afin d’en profiter un maximum. Ou comment en prendre plein les oreilles tout en se laissant envelopper par un mur de guitares que l’on trouve envoûtant par moments (“I’m Jim Morrison, I’m Dead”). Parfois, perdus dans nos pensés, un violent coup de batterie vient nous rappeler à l’ordre (“New Paths To Helicon, Pt.1”).

Cela dit, les extraits de leur septième album sorti voici un an (“Hardcore Will Never Die, But You Will”) n’ont peut-être jamais été aussi accessibles et le fait qu’ils soient accompagnés de montages vidéo rend l’évasion vers d’autres contrées encore plus captivante (“Death Rays”, “Mexican Grand Prix”, “Rano Pano”). Bien entendu, cette accessibilité se voit réservée à un public averti pour ne pas dire réceptif aux montages sonores qui dépassent quelquefois l’entendement. À l’instar du final “Batcat” à la puissance inouïe, exécuté de main de maître devant un parterre de spectateurs qui avait malheureusement fondu comme neige au soleil. Pourtant, Stuart Braithwaite et ses compères, en passant par là, ont donné aux Pias Nites une grosse claque sonore dont elles se souviendront encore longtemps…

Les autres photos de

Mogwai
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Tom Smith
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Lisa Hannigan
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First Aid Kit

Photos © 2012 Olivier Dahon

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