PPM FEST 2012, épisode II : l’attaque des clones
Samedi 7 avril 2012. 10h30. Quelques heures d’un sommeil agité et me voici à nouveau au volant de la ‘MiBMobile’. Direction Mons/Bergen pour l’épisode II de la saga métallique du printemps. 1h15 de route, l’esprit embrumé par le manque de sommeil et la casquette plombée vissée sur le crâne. À ce moment précis, je me sens comme Danny Glover dans l’Arme Fatale1, 2, 3 et 4 : Too Old For This Shit. Un croissant trempé dans une boisson énergétique, un classique du Blue Öyster Cult dans l’autoradio et la perspective de passer un bon moment en compagnie de quelques amis de longue date c’est tout ce qu’il faut pour régénérer ma vieille carcasse. C’est donc dispo et relativement frais que je salue les sympathiques bénévoles affectés au contrôle des entrées du Lotto Mons Expo. Il est déjà midi et, il fallait s’en douter, l’ami Bernie est encore au lit, occupé probablement à s’extasier encore devant le miracle de l’érection matinale. Nous n’aurons donc pas d’images pour nous remémorer les sympathiques prestations de ce début de journée.
Appelez cela ‘solidarité picarde’ ou tout simplement ‘amitié sincère’, toujours est-il que quelques vieux briscards de la scène métal de la ‘Cité des Cinq Clochers’ se sont levés à l’aube pour venir soutenir leur cadet. Car c’est aux jeunes tournaisiens de No Fatality que Tony Carlino et son équipe ont confié le soin de relancer la machine. Dans la salle, ce n’est pas encore la foule des grands jours, mais les Tournaisiens ont hâte d’en découdre. Le stress et l’excitation sont visibles, mais les heures passées en répétition pour fignoler les détails du concert finissent par payer. Le heavy classique, mâtiné de power et de thrash métal est franchement décapant et les quelques détails sympathiques ajoutés au spectacle (NDR : Gaël -chant-, par exemple, enfile une veste‘victorienne’ et un chapeau haut de forme au moment d’interpréter “Jack The Ripper”) font vraiment la différence. Le PPM est conquis, moi aussi. Un bon début de journée !
Chez Azylya aussi, la tension est palpable. Au début de sa prestation, la jolie Jamie-Lee semble avoir quelques difficultés à gérer la course du temps (NDR : un ‘bonsoir’ à 12h40, c’est tôt, même pour une créature de la nuit) et semble hésiter entre deux choses importantes : rester près du ventilateur qui fait voler ses jolis cheveux blonds ou se concentrer sur le chant. Derrière leurs instruments, les musiciens non plus n’en mènent pas large, mais font de leur mieux pour vaincre le stress. Heureusement, l’adrénaline et la motivation apportent rapidement le petit coup de pouce salutaire et le show se termine bien mieux qu’il n’avait commencé. Sous la couche de nervosité, on devine en Azylya un groupe talentueux auquel il ne manque, après tout, qu’un tout petit peu de bouteille. L’album prévu pour septembre 2012 viendra probablement confirmer cette impression.
De la bouteille, les Flamands de Nightqueen n’en manquent assurément pas. Le groupe formé à Genk en 2004 s’impose comme le premier ‘pro’ de la journée. Le show est carré et sans faille. Le métal du groupe, qui est franchement ancré dans les eighties, ne sonne pas daté pour autant. Il semble convaincre les nombreux amateurs de power métal épique présents dans la salle. Keely Larreina, qui tient le micro, est une chanteuse métal ‘à l’ancienne’ dont les vocaux puissants rappellent beaucoup ceux de Maryann Scandiffio (Blacklace) et de Lee Aaron (NDR : voilà qui ne nous rajeunit pas). L’un des avantages du PPM Fest, c’est que les scènes sont placées en hauteur afin que l’on puisse regarder les concerts de n’importe quel endroit de la salle. J’en profite donc pour apprécier le final de la prestation de Nightqueen et, notamment, sa superbe reprise du “Diamonds And Rust” de Joan Baez/Judas Priest (NDR : biffez les mentions inutiles) depuis le bar, en compagnie de deux frères d’armes que par discrétion je nommerai Jean-Marc et Claude. C’est à ce moment précis que ‘Bernie To Be Wild’ daigne enfin nous gratifier de son infâme présence. Son blouson Harley Davidson, en cuir de biker véritable, porte encore les traces des excès de la veille : une frite à demi écrasée, une traînée de sauce andalouse et l’exquis parfum de la bière mélangé à l’odeur pestilentielle du tabac froid. Mais qu’à cela ne tienne, le métal est une grande famille et c’est avec une joie non feinte que nous accueillons ce ‘frère un peu simplet’ autour d’un convivial gobelet de Maes Pils.
Bernie s’éclipse pour ‘shooter’ les trois premiers titres de la prestation des Anglais de Fury UK. Vu du bar, le set des Britanniques nous apparaît si énergique que nous décidons de nous approcher pour mieux profiter de ce savoureux mélange de heavy classique et de thrash métal. La prestation du power trio est courte mais intense et nous remémore à tous trois quelques bons souvenirs de jeunesse. Une excellente découverte.
Evidence. Voici ce qui se passe lorsque la ‘Dream Team’ du métal progressif transalpin, Diego Reali (ex-DGM), Andrea Arcangeli (DGM, Solisia), Andrea Casali et Silvio D’Onorio de Meo (Astra), tente de remonter aux sources de son inspiration. Nous avons affaire à un heavy métal mélodique de haute volée, pas forcément original, mais diablement bien exécuté. Les soli de Diego Reali sont transcendants, la voix d’Andrea Casali envoûtante et la bonne humeur du groupe communicative. Une prestation plus que sympathique.
Il est 15h30 et, avec Pathfinder, c’est la Pologne du speed métal orchestral épique qui s’invite à la grande fête hennuyère du métal. Le groupe propose, en gros, le même genre de musique que ce que nous avait offert Rhapsody Of Fire hier soir, mais en plus musclé, en plus rapide, en plus puissant et en plus énergique. Bref, en moins décevant. Le show est plutôt intéressant, mais Bernie commence à montrer quelques signes de lassitude. Étant responsable de sa présence au PPM Fest, je me sens presque obligé de l’accompagner à l’extérieur pour partager avec lui l’odeur agréable des pains-saucisse oignons ketchup.
Nous rentrons juste à temps pour assister au début du concert d’Eden’s Curse. Excellent du point de vue musical, le groupe ne propose pas vraiment grand-chose du côté scénique. Nous avons l’impression d’assister à la prestation de l’un de ces super-groupes de virtuoses qui jouent ensemble sans vraiment se connaître. La journée commence à être longue et nous subissons probablement une petite baisse de régime. Sur scène, les prestations se suivent et se ressemblent étrangement. Sommes-nous en train de subir une ’Attaque Des Clones’ ? Tout est bien joué, sympathique, souriant, mais pas franchement excitant à regarder.
Même constatation pour le show des Danois d’Andromeda qui proposent trois quarts d’heure d’une musique aussi virtuose qu’assommante. Afin de briser la monotonie ambiante, je m’apprête à commettre l’irréparable en proposant à Bernie d’aller écouter l’un de ses ‘skeud keupons destroy’ dans sa voiture. Par une incroyable chance, c’est à ce moment qu’Hell entre en scène pour sauver la journée. Pour la première fois depuis plusieurs heures, il se passe quelque chose d’excitant au PPM Fest !
Afin de bien comprendre à qui nous avons affaire, une petite parenthèse historique s’impose. Ceux et celles d’entre vous qui connaissent déjà l’histoire du groupe peuvent carrément zapper ce paragraphe (ou pas ?). Nous sommes en 1982, à Nottingham, en pleine N.W.O.B.H.M. Un gamin de douze ans prénommé Andy se lie d’amitié avec un certain Dave Halliday qui a gentiment accepté de lui donner quelques cours de guitare. Halliday est un personnage amusant et charismatique. Il est le chanteur et le guitariste d’une formation locale appelée Hell. Fasciné par les shows horrifiques (NDR : Hell use et abuse de pyrotechnie, de maquillage, d’artifices théâtraux et de chorégraphies excentriques), le gamin ne manque aucune des prestations de son groupe fétiche. Si, comme lui, le public est aux anges à chaque représentation, la presse, elle, descend le groupe en flèche. Suivant le courant médiatique, les labels se désintéressent totalement de l’affaire. Hell tourne sans contrat discographique pendant plusieurs années. En 1986, notre Mausoleum Records national lui propose enfin le contrat qu’il mérite. Mais le groupe joue de malchance. Mausoleum fait faillite avant que l’album puisse être enregistré. Le groupe qui avait tant espéré de ce contrat finit par perdre foi en ses capacités. Halliday se suicide en 1987 et Hell disparaît sans laisser d’autres traces qu’un single, quelques démos et des cassettes de répétition.
Nous sommes en 2010. Andy a grandi. On l’appelle Monsieur Sneap aujourd’hui. Il a fondé son propre groupe (Sabbat) avant de devenir un producteur renommé (NDR : Andy Sneap fait office de magicien du son sur quelques opus d’Arch Enemy, de Megadeth, de Nevermore, de Cradle Of Filth et de bien d’autres encore. C’est aussi lui qui produit les deux derniers albums d’Accept). Mais Andy n’a jamais oublié ses amours d’enfance. Fort de son nouveau statut, il convainc les membres de la formation originale de reformer Hell en leur proposant de tenir le poste de guitariste laissé vacant par Halliday. Mais il faut encore trouver un chanteur qui soit digne de lui succéder. Malheureusement, les recherches sont vaines. Personne ne semble pouvoir lui arriver à la cheville. Un jour, Kev Bower (NDR : le second guitariste du groupe) emmène son frère David au studio d’enregistrement. David est un acteur de théâtre professionnel. Kev a fait appel à ses compétences d’acteur pour déclamer un texte sur l’un des titres de l’album. Andy Sneap est immédiatement scotché par le charisme et les possibilités vocales de David. Hell a enfin trouvé son chanteur !
Cette parenthèse (un peu longue je l’avoue) était nécessaire pour que nous puissions comprendre que nous n’avons pas affaire à n’importe qui. Hell est un miraculé. Et le groupe est bien décidé à profiter de cette seconde chance qui lui a été offerte. Son concert du PPM Fest est tout simplement phénoménal. Le décor, en premier lieu, est carrément superbe. Quatre vitraux décorent le fond de la scène. Ceux-ci représentent quelques scènes hautement blasphématoires : un squelette qui étrangle un évêque, une scène de la nativité au-dessus de laquelle l’Étoile du Berger a été remplacée par un pentagramme, un démon coiffé d’une auréole qui exhibe la partie la plus charnue de son anatomie et un christ crucifié doté d’un appendice caudal fourchu). À l’avant de la scène, un podium en forme de chaire de prêcheur attend son maître de cérémonie. Les musiciens qui entrent en scène ne sont manifestement plus des perdreaux de l’année. Tony Speakman, le bassiste, surprend l’assistance par son étrange ressemblance avec Ronnie James Dio. Derrière les fûts, Tim Bowler en costume noir, le visage blafard, le sourire vissé aux lèvres, a tout du vampire des films de série B. Vêtus de noir et plus maquillés que des prostituées morts-vivantes Kev et Andy se démènent comme des damnés tout en exécutant quelques chorégraphies relativement compliquées et déversent sur la foule du PPM une quantité effarante de riffs et soli typiques de la N.W.O.B.H.M. Chaque musicien du groupe est un spectacle, mais les yeux montois ne parviennent pas à se détacher du charismatique David Bower. Si la voix du chanteur est superbe, le jeu de l’acteur est carrément bluffant. Bower interprète son personnage maléfique comme s’il jouait du Shakespeare. La tunique noire parfaitement ajustée, la couronne d’épines plantée sur le crâne, les lentilles rouge sang collées aux globes oculaires : l’anglais semble possédé par son rôle. Qu’il porte une robe de bure ou un masque de pestiféré, qu’il prêche du haut de la chaire ou se lance dans un dialogue enflammé avec son guitariste de frère, le frontman est tout simplement terrifiant.
Le show de la journée ! Tant pis pour ceux qui l’ont raté. (NDR : qu’ils se rassurent, Hell est annoncé chez nous en août dans le cadre de l’Alcatraz Metal Festival. Plus que cinq mois à attendre !)
Après la prestation intense des infernaux britanniques, il fallait la rage festive de quelques trolls finlandais pour détendre l’atmosphère du PPM Fest. Car si Finntroll fait un peu figure d’OVNI sur cette affiche du samedi majoritairement consacrée au heavy, au power et au prog métal, son folk black métal entraînant a un effet salutaire sur nos articulations douloureuses. Les titres extraits des albums les plus anciens (et notamment ceux de “Jaktens Tid”) fournissent au PPM l’occasion de créer de farouches moshpits. Le set est furieux et aurait pu être parfait si nous avions eu droit à l’hymne ultime qu’est “Trollhammaren”.
Difficile, après les deux shows décapants auxquels nous venons d’assister d’arriver à se concentrer sur le show d’Evergrey. Le son brouillon ne rend vraiment pas justice au métal progressif sombre du groupe suédois. Plutôt que d’être déçu par un groupe que j’apprécie, je préfère aller tailler le bout de gras avec Bernie autour d’une collation qui ferait frémir n’importe quel abonné au programme Weight Watcher.
J’ai toujours un peu de mal à comprendre comment on peut apprécier Sonata Arctica au point de le mettre aussi haut sur l’affiche. La pop métal, ça passe encore sur disque, mais en live, les sourires baveux et l’absence totale de testicules, très peu pour moi. Encore moins pour Bernie. Comme nous venons de nous goinfrer et que nous avons visité pour la cinquantième fois les stands merchandising, les vendeurs de CDs, et les dealers de T-Shirts et que le Nescafé de la salle de presse commence à nous donner des ulcères, il n’y a rien d’autre à faire que de subir les couinements de Tony Kakko et le temps nous semble long, très long.
Depuis le temps que je me coltine le Bernie, je commence à connaître la bête. Et si je sais que les vocalises aiguës des chanteurs power métal et les démonstrations techniques des musiciens progressifs lui sont insupportables. Je sais aussi, pour l’avoir vu pogoter aux concerts de Saxon, AC/DC et UFO, que le primaire se délecte à l’écoute des classiques du métal et du hard rock. C’est pourquoi je n’ai aucun doute sur sa capacité à apprécier la musique d’Accept. Pour Jean-Marc, Claude et moi qui, dans les années quatre-vingt, avons dépensé une grande partie de notre argent de poche afin d’acquérir les 33 tours de “Breaker”, “I’m A Rebel” et “Restless And Wild”, il est carrément inconcevable de rater une seule seconde de la prestation des héros de notre adolescence. Et c’est donc bien avant la fin des dernières mesures de l’insipide Sonate Arctique que nous faisons face à la scène Omega.
23h50, l’heure de la délivrance approche. Les doigts engourdis par le froid (NDR : il ne fait vraiment pas chaud à l’intérieur du Lotto Mons Expo), les pieds et la colonne vertébrale endoloris par deux journées passées dans la position inconfortable du festivalier qui n’a pas prévu de siège pliant, l’esprit embrumé par l’abus de boissons houblonnées, notre quatuor de quarantenaires n’en mène pas large au moment où résonnent les premiers accords de l’excellent “Hellfire” (NDR : un extrait du tout nouvel album “Stalingrad”). Plus efficace qu’une visite à la grotte de Lourdes, le spectacle de nos héros souriants et visiblement en pleine forme, efface toutes les douleurs et nous nous surprenons à heabanger comme en ’83 ! Sur sa lancée, le combo teuton nous balance un second titre de son nouvel opus, l’éponyme “Stalingrad” : un hymne ‘Acceptien’ truffé de chœurs et de riffs tranchants. Le classique “Restless & Wild” qui suit nous rassure quant à la capacité du nouveau vocaliste Mark Tornillo, à interpréter le répertoire d’Udo … Udo qui ? Le vocaliste américain s’approprie aisément le répertoire ancien et nous fait (presque) oublier son illustre prédécesseur. S’il semble avoir un peu moins de coffre que Dirkschneider, Tornillo compense par une présence de chaque instant. C’est un frontman charismatique qui n’éprouve aucune difficulté à se faire accepter par le public du PPM Fest. Herman Frank (guitare) affiche, quant à lui, un sourire béat. Son tandem avec Wolf Hoffmann fonctionne toujours à merveille. Stefan Schwarzmann derrière les fûts est plus régulier qu’un métronome. L’impressionnant Peter Bates nous gratifie même d’un solo de basse ‘bombastique’. Pour notre plus grand plaisir, Accept revisite la quasi-entièreté de sa discographie en proposant quatre extraits du génial “Restless & Wild”, trois du classique “Metal Heart”, deux de la bombe “Balls To The Wall”, deux de l’antique “Breaker”, deux autres du mésestimé “Russian Roulette” et même un de l’oublié “Objection Overruled”. Les ferrailleurs de la Rurh n’oublient pas de présenter leur travail récent avec quatre titres du “Blood Of Nations” de 2010 et trois extraits du nouvel opus. Parmi les moments les plus forts du set, on retrouve, bien évidemment, l’hymnique “Son Of A Bitch” repris en chœur par un PPM Fest aux anges, l’ultra-heavy “Princess Of The Dawn”, le traditionnel “Heidi Heido” collé, comme il se doit, à l’impitoyable “Fast As A Shark” et, bien sûr, le rappel fédérateur au cours duquel Accept nous achève avec l’impitoyable triptyque “Metal Heart”/“Teutonic Terror”/“Balls To The Wall”.
Malgré une légère baisse de régime en fin d’après-midi, la seconde journée du PPM Fest a tenu toutes ses promesses. Il est 1h30. Il y a longtemps que mon carrosse s’est transformé en citrouille. Il est temps de saluer mes amis et de regagner l’autre côté de la frontière linguistique où je vis en exil. La journée se termine comme elle a commencé avec une boisson énergétique et une heure un quart de trajet en voiture. Mais cette fois, j’ai l’album de Hell pour me tenir éveillé. La nuit sera courte !
À suivre.
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Photos © 2012 Bernard Hulet