Cauchemar au sirop d’érable au DNA
Ce vendredi 11 mai 2012, le road trip “Rites Lunaires Tour” des aventuriers gastronomes québécois de Cauchemar faisait une petite halte métallique au DNA de Bruxelles. Au départ, il n’était pas vraiment prévu que je vous ennuie avec cette histoire, mais, voyez-vous, j’ai pris mon pied, et vu qu’à mon âge (NDR : 46 balais, quand même) cela n’arrive plus tous les jours, j’ai eu envie de le crier sur tous les toits. Cauchemar est (presque) un groupe culte. En tout cas, s’il ne l’est pas, il devrait ! Allez savoir pourquoi, ce quatuor canadien (formé en 2007) possède une aura qui le rend sympathique. Peut-être est-ce parce que sa langue véhiculaire est le français et que sa vocaliste décline notre idiome commun avec un charmant petit accent québécois ? Avouez que, dans le domaine du heavy/doom métal classique, la chose est plutôt inédite ! Peut-être aussi est-ce à cause du sympathique couple de baroudeurs que forment Annick Giroux (chant) et François Fatry (guitare) ? Rien de tel, pour apprécier la personnalité de ces oiseaux migrateurs, que de se plonger dans la lecture de leur blog de voyage qui est un véritable enchantement pour les yeux et l’estomac. Eh oui, l’estomac, car en plus de sa passion pour le métal et les voyages, Annick est une cuisinière/gastronome hors pair qui a acquis une certaine notoriété de l’autre côté de l’Atlantique en publiant un livre de cuisine plutôt original intitulé “Hellbent For Cooking, The Heavy Metal Cookbook”.
J’avoue que, jusqu’ici, mes seuls contacts avec la musique de Cauchemar se limitaient à l’écoute (répétée) des titres placés sur sa page MySpace. Mais j’avais adoré l’idée d’un groupe doom chantant dans un langage généralement réservé à Garou et à Céline Dion. Aussi, lorsqu’il y a deux jours je suis tombé, par hasard, sur l’annonce de leur visite dans notre capitale, je me suis empressé de réquisitionner les services de Bernie, le keupon photographe avec lequel je forme généralement un atroce tandem journalistique. Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais notre ‘sous-homme à l’œil de verre’ avait un agenda surchargé et il n’était pas disponible. Je m’étais donc presque résolu à ne pas partager cette soirée avec vous. Mais oublions l’infâme nabot et son prétentieux zoom Nikon pour revenir à notre sympathique soirée cauchemardesque.
20h45. Après avoir tourné plus de 30 minutes à la recherche d’un endroit où garer mon véhicule, je me résigne à investir sept euros cinquante dans trois heures de parking souterrain (NDR : lorsque l’on pense que l’entrée du concert n’était que de deux euros, il y a de quoi râler). Comme c’est souvent le cas au DNA, l’événement de ce soir est resté confidentiel et n’a pas été soutenu par une publicité intense. Heureusement, Trouble Agency qui assure la première partie, a rameuté une bonne partie de sa fan base et le café rock le plus historique de la capitale affiche presque complet. Évidemment, les thrashers sont déjà en scène lorsque je m’installe à proximité du bar (NDR : difficile de l’éviter, il occupe la plus grande partie de la salle). Les Bruxellois délivrent un set amusant et énergique devant un parterre remuant. Leur thrash ‘à l’ancienne’ rappelle les géants de la Bay Area et aussi notre Cyclone national avec lequel le Trouble Agency semble d’ailleurs avoir quelques liens de parenté. Ce soir, c’est l’anniversaire de l’un des membres du groupe et la prestation se termine, comme il se doit, par le traditionnel ‘Happy Birthday To You’ repris en chœur par un DNA tout sourire.
L’heure du Cauchemar approche. Les canadiens headbangent au son du heavy classique des eighties diffusé par la sono (NDR : Chateaux, Grim Reaper, Trouble…). Le bassiste, dont j’ignore le nom puisqu’il n’est pas crédité sur la pochette de l’album, pousse même le vice jusqu’à s’inspirer du look qu’arborait Mantas (Venom) à l’époque (NDR ‘spikes’ peroxydés, pantalon ‘moule burnes’ et T-shirt Neat Records du plus bel effet).
Le matos est en place et le concert démarre sans autres formalités qu’un ‘Bonsoir Bruxelles, nous sommes Cauchemar du Canada et nous sommes heureux d’être ici, à Bruxelles, dans cette ville qui a un tel passé alchimique’ (NDR : à lire avec l’accent québécois). Cette petite phrase innocente donne le signal de départ à une bonne heure d’extase métallique. Et pour quelques instants, votre serviteur se sent à nouveau jeune (et svelte), ses cheveux repoussent, les badges et les patches fleurissent à nouveau sur sa veste. Bref, je prends mon pied comme en 82 !
Annick Giroux n’est pas le genre de chanteuse qui joue les starlettes devant un ventilateur en balançant des vocalises d’opérette. Les musiciens qui l’accompagnent ne sont pas non plus du genre à se perdre en démonstrations techniques inutiles. Pour tout dire, tout n’est pas toujours cent pour cent juste, ni cent pour cent joli. Cependant, au DNA, tout le monde s’en tape. Car tout chez Cauchemar fleure bon l’authenticité, la passion de la musique et le respect de certaines valeurs. Le groupe a de l’énergie et du feeling à revendre et ce soir, tout le monde sur scène et dans le public s’éclate au maximum.
Musicalement, le cocktail est assez orignal puisque nous oscillons entre la N.W.O.B.H.M. de Witchfynde, Diamond Head, Saxon ou Raven et le doom métal basique des premiers Black Sabbath, de Saint Vitus et de Pentagram. Il n’y a donc rien d’autre à faire que de secouer la tête en grattant une guitare imaginaire pour prendre son pied ! Les vocaux en québécois, d’abord surprenants, finissent par chanter agréablement aux oreilles. L’expérience est unique, agréable, jouissive et, comme moi, le DNA semble conquis. La prestation est malheureusement un peu trop courte. Aux titres de son EP “La Vierge Noire” sorti en 2010, Cauchemar ajoute quand même quatre nouvelles compostions plutôt prometteuses et termine, en rappel, par une surprenante reprise (en français, s’il vous plaît) du génial “Under The Oak” de Candlemass.
Des cauchemars tels que celui-là, honnêtement, j’en ferais bien toutes les nuits !