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Richard HAWLEY, un crooner atypique et moderne

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Après des Nuits qui ont tenu toutes leurs promesses, le Botanique a retrouvé son calme et sa configuration initiale. Démonté le chapiteau, disparues les échoppes de nourriture exotique et terminées les indécisions quant au choix des concerts. En tout cas, ce mardi 5 juin, le programmateur a fait très fort en parvenant à attirer dans une Orangerie pleine à craquer le cultissime Richard Hawley, venu présenter son excellent nouvel album, “Standing At The Sky’s Edge”. Ce dernier avait emmené avec lui Smoke Fairies, un groupe qu’il supporte depuis plusieurs années et qui peut notamment se targuer d’avoir enregistré un single avec Jack White, ni plus ni moins. Avec une telle référence, on pouvait s’attendre à un environnement tendant vers le blues rock, mais dans un premier temps, on pensera plutôt aux Kills, sans doute grâce aux voix rocailleuses des deux nanas guitaristes. Autour d’elles, un backing band au look d’enfer : un bassiste androgyne aux cheveux blonds oxygénés, un violoniste (et claviériste à ses heures) à la physionomie de mousquetaire chevelu et un batteur black massif.


Musicalement parlant, les références vont, au gré de la set-list, osciller entre du Warpaint en plus roots ou du Breeders en moins rebelle. C’est d’ailleurs ce qui rend toute classification peu aisée, car un peu plus loin, les envolées bluesy et les atmosphères théâtrales évoquent l’univers de Nick Cave. En tout cas, en une demi-heure, ils vont réussir à montrer l’éventail de leurs influences, en insistant sur une excellente dernière composition riche et patiemment construite. Une mise en jambes idéale pour une soirée qui était déjà en train de tenir toutes ses promesses.

Même si la carrière de Richard Hawley a débuté voici plus de vingt ans, ce n’est que récemment (soit depuis “Lady’s Bridge” en 2007) qu’il se voit considéré comme un acteur majeur de la scène musicale indépendante britannique. Après avoir fait partie des Longpigs au milieu des années 90 et de Pulp un peu plus tard, il entame une carrière solo qui en est à son septième chapitre, avec la sortie récente du très réussi “Standing At The Sky’s Edge”. Un album qui marque un certain changement de style, laissant de côté la face music-hall qui avait fait son charme en faveur d’une vision plus électrique.


En tout cas, une chose est sûre, le bonhomme sait se laisser désirer. Pendant de longues minutes, la salle plongée à moitié dans l’obscurité ne verra qu’un roadie en train de (ré)accorder inlassablement les guitares du maître, quand il ne les astiquait pas. Puis, tout d’un coup, alors que ses musiciens ont déjà attrapé leurs instruments, Richard Hawley déboule sur scène… vautré dans une chaise roulante. Un souvenir de Barcelone, apparemment, puisqu’il s’est cassé la jambe en glissant d’un escalier en marbre. Il va donc se voir contraint de se produire assis, mais cela ne perturbera aucunement sa prestation.

Vêtu d’une veste en cuir et d’inamovibles lunettes de soleil, il ressemble davantage à Alex Turner qu’à Jarvis Cocker (pour rester à Sheffield) mais sa voix unique ne trompe pas. Elle va prendre une place aussi prépondérante que les guitares qui vont défiler entre ses bras tout au long du set. Histoire de planter le décor, c’est avec la plage titulaire de son dernier opus que les choses sérieuses vont commencer avant que le magnifique “Don’t Stare At The Sun”, sans doute le plus bel extrait de ce dernier album, n’amène une émotion palpable dans l’assemblée, au point de sentir des frissons nous parcourir l’échine. Un peu plus tard, “Before” nous donnera la même impression de joyau sonore, couplé à une influence psychédélique ponctuelle que n’aurait pas renié le The Verve des débuts.


Ceci dit, ce n’est pas parce qu’il a choisi d’explorer de nouveaux horizons qu’il délaisse son passé atypique de crooner pour la cause. “Tonight The Streets Are Ours” et “Open Up The Door” seront deux exemples de titres qui vont sortir du lot et même trouver une plus-value grâce à l’immense rideau rouge cosy qui tapisse le fond de la scène. Sa voix grave, quant à elle, va se montrer tout bonnement essentielle au prenant “Soldier On” et au très beau “Lady Solitude”, interprétés dans un silence à la limite du recueillement.

Prolixe et plein d’humour, le bonhomme va faire l’unanimité autour de lui ce soir. Il dégage en effet un capital sympathie particulièrement élevé dont il va se servir pour mettre le public en poche. Un public un peu plus âgé que celui qui fréquente généralement les salles de concerts, mais un public de connaisseurs qui va encore vibrer sur “Remorse Code” et se laisser surprendre lors des envolées de guitares des puissants “Leave You Body Behind You” et “Down In The Woods”, deux nouvelles compositions qui confirment l’excellente consistance d’un album au potentiel lui permettant de lorgner vers les hautes sphères des référendums de fin d’année.

Bloqué sur sa chaise, il va entamer les rappels sans sortir de scène, provoquant la confusion dans le chef de ses musiciens qui vont dès lors rester auprès de lui pour une version hypnotique du “I’m Waiting For The Man” du Velvet Underground, assez fidèle à l’originale, surtout par rapport à la voix nasillarde adoptée pour la cause, qui renvoie directement à celle de Lou Reed. Après avoir provoqué un brouhaha parmi les spectateurs en leur demandant le titre qu’ils souhaitaient entendre en guise de final, il va se lancer dans un “The Ocean” très vintage enrobé d’une guitare criante. Tout ceci au terme de presque deux heures d’une prestation intense, convaincante et pour le moins passionnante. Il sera de retour chez nous le 12 octobre dans la grande salle de l’Ancienne Belgique. Inutile de vous préciser qu’il s’agit d’une priorité absolue…

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Smoke Fairies

Photos © 2012 Julie Rossini

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