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DOUR FESTIVAL 2012 (jour 2) : de la boue pour BATTLES, ST. VINCENT et MINISTRY

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Avec une pluie généreuse qui avait duré quasi toute la nuit, la belle herbe verte de la veille avait sans surprise laissé place à de la boue qui, grâce au temps clément qui allait comme par miracle régner sur la région, allait ressembler à de la plasticine plutôt qu’à des marécages. C’est parti pour le deuxième volet de notre séjour annuel à Dour ce vendredi 13 juillet. Le premier groupe à avoir nos faveurs allait se révéler, comme la veille avec Roscoe, un excellent point de départ pour cette journée marquée sous le signe de la chance. Kaizer Place, les régionaux de l’étape, avaient déjà foulé une scène à Dour en 2009 mais la différence, c’est qu’ils viennent de sortir un premier album (“Not Fade Away”) et avaient donc une bonne opportunité de le défendre. Entièrement autoproduit par le leader Laurent Lallemand, il respire la fraîcheur des influences chères à la britpop.

Sur scène, on pense à Supergrass, au Suede des débuts mais surtout à Stereophonics (la physionomie du leader n’y est sans doute pas pour rien). En d’autres termes, tout en étant facilement assimilables à l’oreille, leurs compositions présentent une énergie canalisée qui mériterait de leur ouvrir les playlists des radios. Mais c’est surtout leur présence scénique diablement efficace qui devrait les aider à s’exporter vers la capitale et au-delà… À ce propos, il convient de mentionner le second guitariste Alex Bosser qui assure royalement ses parties mais également Stéphanie Napoli, la batteuse de substitution, qui s’est glissée comme un gant dans le moule du groupe. Une bonne surprise au terme de trente minutes intenses.


La suite allait nous emmener au ClubCircuit Marquee pour The Inspector Cluzo, un groupe tout à fait indépendant lui aussi, qui nous avait déjà impressionnés voici deux ans par la puissance de leur show. À l’instar de Black Box Revelation, ils ne sont que deux sur scène, mais cela déménage. Ceci dit, aujourd’hui, ils sont accompagnés par The FB’s Horns, un duo de cuivres qui promettait une surprenante association. Et de fait, mis à part une intro déconcertante car anormalement calme, le duo gascon allait entamer une destruction en règle, au propre comme au figuré (vu le nombre de fois que les cymbales se sont retrouvées sur le sol) sur fond de trompette et de saxophone.

Un mélange improbable qui met encore un peu plus en avant le talent de ces musiciens et surtout la voix finalement très soul du chanteur malgré des contours bruts. De plus, ils ne sont jamais à court d’idées pour amuser la galerie, invitant notamment des spectateurs sur scène pour un concours de danse langoureuse, ou en démontant tout autant les bassistes (leur label s’appelle Fuck The Bass Player) que Nicolas Sarkozy. Ces gens-là ne se prennent pas au sérieux, et c’est tout bénéfice pour leur univers finalement très personnel.

Le dilemme de l’après-midi mettait en concurrence The Hickey Underworld, qui ont fraîchement sorti leur deuxième album, et un des petits chouchous des Inrockuptibles, Hanni El Khatib, dont les tickets pour le concert de la Rotonde en février dernier avaient affolé le marché noir. Sans surprise, c’est vers ce dernier que s’est porté notre choix sous la Petite Maison Dans La Prairie. Son premier album, “Will The Guns Come Out”, fait la part belle au son crasseux du rock du début des 60’s. À l’heure où les Black Keys font un véritable malheur, on pourrait se demander si l’ami Hanni ne s’est pas engouffré malgré lui dans un rôle de suiveur.

La réponse, négative, l’est surtout grâce à un petit quelque chose qui le rend attachant. Bien évidemment, il ne révolutionne rien avec son rockabilly garage avant l’heure, mais sa voix saccadée et le son délibérément pourri qui s’échappe des haut-parleurs font en sorte de plonger les spectateurs dans une capsule à remonter le temps où tout témoignage se parait alors de noir et de blanc. Ceci dit, si l’album passe comme une lettre à la poste en une demi-heure, la prestation scénique sur une durée deux fois plus longue à tendance à devenir répétitive. Un compromis avec des techniques plus modernes devrait pouvoir lui venir en aide à l’avenir.


Pendant que Roots Manuva débitait ses rimes sur la Last Arena, c’est sous la Cannibal Stage que notre circuit s’est poursuivi. Il est vrai que lorsqu’un break se présente, un petit détour par cet endroit ne peut être que bénéfique (pour les yeux, moins pour les oreilles…). À ce moment, les hardeux de Municipal Waste décochaient leurs riffs endiablés au travers de guitares customisées alors que leurs solos de batterie infernaux affolaient des adeptes du style sur fond de paroles salaces. Ceci dit, cela se passe autant sur scène que dans le public : pogos, circle pits et wall of death sont en effet au programme pour un effet garanti (et donner du travail à la Croix Rouge, très présente sur le site).

Petit détour par la Last Arena où les vétérans du grunge Dinosaur Jr., venaient enfin déposer leurs amplis sur une des scènes du Dour Festival. Reformé au milieu des années 2000 dans son line-up initial, c’est donc avec trois personnalités que le groupe s’est produit ce soir : le leader J Mascis (dont la chevelure à viré au gris), le guitariste Lou Barlow (également fondateur de Sebadoh et de Folk Implosion) et le batteur Murph (ex-Lemonheads). Pourtant, malgré ces références, leur set se révélera bien faible par rapport aux attentes que l’on était en droit de revendiquer. Même leur désormais classique cover du “Just Like Heaven” des Cure n’avait pas la consistance nécessaire pour emballer la foule. Une des déceptions du festival.


Il fallait ensuite choisir une destination car pas moins de six artistes jouaient simultanément à ce moment-là. Incapables de se décider entre Sébastien Tellier et St. Vincent, on a donc coupé la poire en deux en allant assister à la moitié de la prestation de chacun d’eux. Et c’est le Français qui a ouvert le bal en apparaissant perché sur un ampli au son de l’intro du concert. Tel un apôtre à la chevelure bouclée et aux lunettes noires, il va répandre la bonne parole (l’Alliance Bleue) armé de sa V-guitar. Si ses atmosphères disco pop convenaient parfaitement à un vendredi soir, elles manquaient singulièrement de pèche, ce qui nous a encouragés à rejoindre La Petite Maison Dans La Prairie un peu plus tôt que prévu.


Annie Erin Clark, alias St. Vincent, était en effet dans un tout autre trip, sans doute plus approprié à l’état d’esprit dans lequel on se trouvait. Avec son troisième album (“Strange Mercy”), cet ex-disciple des déjantés Polyphonic Spree au début des années 2000, a enfin obtenu la reconnaissance artistique qui lui est due. Impeccable de bout en bout, il condense parfaitement les influences de la fluette chanteuse à la voix d’or sensuelle. C’est justement avec deux extraits de cet album, “Cruel” et “Surgeon”, que l’on a rejoint le chapiteau. Bien plus varié et consistant que l’ami Tellier, son set allait nous régaler tout en prenant une tournure affolante sur la fin, en usant et abusant de sons bizarroïdes (dont Athlete a le secret par exemple) sur “Northern Lights” avant de terminer sur une cover de Pop Group (“She Is Beyond Good And Evil”) et de passer la toute fin du concert en stage diving dans le public. Si on avait su, il n’y aurait pas eu de dilemme…

C’est alors que Ministry a déboulé sur la Last Arena avec son lourd attirail. Un écran géant avec des vidéos à glacer le sang, un chanteur aux multiples piercings dans le visage dont le micro est relié à un squelette et surtout un son d’une puissance extrême, au point d’en faire reculer plus d’un quasi derrière la console technique. Musicalement, ils restent fidèles à leur réputation de grosse machine industrielle qui, malgré l’ère de George W Bush terminée, continuent à assouvir leur soif contestataire. Une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie, mais on leur préfère malgré tout des groupes un rien plus mélodieux. Pour les novices (ou ceux qui veulent en prendre plein les tympans), ils seront aux Lokerse Feesten le 5 août prochain.


Notre dernière étape du jour allait nous conduire au ClubCircuit Marquee où les trois New Yorkais de Battles s’apprêtaient à partager leur environnement math rock expérimental teinté d’électro assez complexe. Il est vrai que les deux albums à leur actif (“Mirrored” en 2007 et “Gloss Drop” l’an dernier, tous deux sortis chez Warp) sont tout sauf simple d’accès. Il est d’ailleurs nécessaire de les écouter abondamment avant de trouver le déclic. Orphelins de leur “chanteur” Tyondai Braxton depuis deux ans, ils ont choisi, pour les titres non instrumentaux, de faire assurer les parties vocales par des tiers.

Ainsi, ce soir, pendant les titres en question, une vidéo de l’artiste choisi en pleine action est diffusée sur l’écran futuriste disposé à l’arrière de la scène. On a ainsi pu se délecter des performances de Kazu Makino (la chanteuse de Blonde Redhead) sur “Sweetie & Shag” et de Gary Numan (“My Machines”) alors que Matias Aguayo s’occupait d’“Ice Cream”. D’ailleurs, en parlant de crème glacée, le visuel (qui est également celui de la pochette) se voit abondamment décliné pendant que les musiciens se plongent dans leur voyage musical somme toute assez parsemé d’embûches. C’est évidemment le célèbre “Atlas” qui a récolté le plus de suffrages, mais “Africastle” montre que “Mirrored” n’était pas un one shot, même si “Gloss Drop” a été récemment remixé sous le nom “Dross Glop” prouvant, malgré les apparences, qu’ils ont de la suite dans les idées.

C’est donc au son de Battles que notre deuxième journée a pris fin, malgré un détour succinct vers la Cannibal Stage pour Meshuggah. Mais vu que nos oreilles saignaient déjà, on a reporté l’expérience à une date ultérieure. Et tant pis pour The Experimental Tropic Blues Band qui jouaient un chouia trop tard…

Les autres photos de

Ministry
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St. Vincent
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The Inspector Cluzo
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Photos © 2012 Olivier Bourgi

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