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Roscoe et Rover, poulains prometteurs de Pias en concert

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Ce jour à l’Orangerie, j’ai assisté à 2 concerts successifs et non à un groupe en vedette et un autre en première partie : Rover suivi de Roscoe, deux solides pointures de PIAS Belgium. La révélation de l’année s’appelle Rover, de son vrai nom Timothée Régnier. Cet artiste français ne manque pas d’atouts. Aussi à l’aise dans le registre pop/rock que dans le genre électro, Rover est un personnage, une envergure et une histoire. Avec un père qui travaillait dans une compagnie aérienne et qui roulait en Rover, il a passé son enfance aux Philippines, un peu en France, puis en Suisse, en Allemagne et aussi à New York ; il a été dans le même lycée que deux Strokes (Nikolai Fraiture et Julian Casablancas), ensuite il est parti à Beyrouth, où il a rejoint son frère et a monté un groupe de rock, avant d’être expulsé du Liban pour une question de visa il y a deux ans. À l’époque, Timothée, songwriter globe-trotter, joue de la guitare au sein d’un groupe de punk-rock, The New Government qui secoue le Proche Orient. Après un retour abrupt en France, il échoue dans une maison bretonne remplie d’instruments. En pleine interrogation sur son avenir, il trouve la meilleure des réponses en composant et enregistrant seul durant tout un hiver. Dans ce home-studio, il se découvre une voix capable de grands écarts, rauque et ombrageuse quand le morceau l’électrise, gagnant les hauteurs quand l’émotion l’exige.

Sans le vouloir, il marche dans les pas de ceux qu’il considère comme ses maîtres, ceux qu’il écoute presque quotidiennement, les Beach Boys de Brian Wilson, Bowie ou les Beatles. Mais lui n’est le disciple de personne, encore moins un jeune passéiste. Comme les contemporains qu’il apprécie, d’Interpol aux Black Keys, il a digéré, réinterprété et synthétisé ses influences. De New York, ville où sa famille s’est installée quand il avait 7 ans, il a gardé le sens de la récupération et l’esprit créatif. C’est là qu’il a touché sa première guitare, comme ses camarades du lycée français, les Strokes. Parce qu’il a appris l’anglais en s’amusant avec ses frères, à mener, adolescents, un premier groupe, il emploie cette langue avec évidence, naturel et sans accent.

Le concert commence par “Late Night Love”. Chacun y va de ses petits sons. La batterie démarre et puis notre homme s’essaye la voix assez justement, sacrée voix d’ailleurs. Timothée peut passer d’un timbre de voix de crooner à celui d’un ange avec une facilité déconcertante. Le morceau est suivi de “Champagne”, là la voix fait plus penser à un Elvis Presley en pleine force de l’âge, et puis du très Pink Floyd “Queen of the fools”, là le maître passe au piano et teste sa très belle voix qu’il pousse dans ces derniers retranchements, très beau morceau. Nous passons ensuite au très beau “Remember” où résonnent bientôt de belles notes de synthétiseurs. En un instant, l’atmosphère est changée. La puissance de sa voix, à la hauteur de sa stature, laisse bouche bée. Seul sur scène, il démarre avec “Silver” en jouant avec les tonalités. Et pourtant, ce morceau n’a l’air que d’un échauffement pour lui, comme s’il testait l’acoustique de la salle, à savoir si elle allait tenir le coup. Il poursuit avec “Berenice”, notre homme se remet à la guitare, celle-ci est guidée par la très belle voix, belle balade. Cet Hercule du rock et de la folk raconte par sa musique un peu de son histoire voyageuse : musique de l’Atlantique (New York), chant des ruines à rebâtir (Beyrouth), cris solitaires de l’insulaire (Philippines), tout n’est que langage que l’on comprend parfaitement (France, Suisse).

On passe ensuite à “Lou”, “Silence To Navigate” et “Lonely Man”, trois magnifiques chansons de son répertoire, pour enfin passer à la chanson tant attendue par le public soit le très bon “Aqualast”. Bouleversés comme à la première écoute, on est pris aux tripes, pris au cœur par la chanson. Car c’est bien une chanson, pas un morceau : on admire “Aqualast” comme on admire une femme, et on l’aime au féminin car ce refrain, aussi aigu et plaintif que le reste est grave et fort, exprime tout ce qu’un homme pourrait vouloir dire au sexe opposé, sans jamais réussir ni même tenter. On termine le set par “Tonight” qui arrivera ensuite à faire danser la foule, qui applaudit en rythme la montée de l’introduction. Il s’agit d’un morceau un peu cold wave ayant des sonorités à la Interpol. Au rappel, on a droit à “Wedding Bells”, beau morceau où la voix se fait plus grave pour terminer en beauté par une montée en puissance des guitares. Il ne terminera pas par “Full Of Grace”, pourtant morceau que j’adore. On reste sur sa faim mais on a quand même passé un très bon moment musical. Il y a plus de 450 personnes dans la salle et le public est ravi et comblé.

Nous passons au second concert de la soirée, soit Roscoe. Aujourd’hui, cela tient presque de l’utopie pour un artiste belge d’être signé par une firme de disques sur foi d’une seule chanson. C’est pourtant ce qui est arrivé à Roscoe. Cette jeune et attachante formation liégeoise a envoyé, en septembre 2011, le morceau “Lowlands” à des responsables du label PiaS. Quelques jours plus tard, les cinq membres du groupe posaient leur paraphe sur un contrat de distribution. PiaS a eu du flair. PiaS a eu raison. Le nom Roscoe vient du fait que le groupe rend hommage au chanteur de bluegrass Roscoe Holcomb et à la chanson “Roscoe” de Midlake qui fait l’unanimité dans le groupe. Comme autres influences communes, on pourrait aussi citer Sigur Ros et “Leaders Of The Free World” d’Elbow. Coaché par Redboy (MLCD, Hollywood Porn Stars), relooké par Bellrose, Roscoe fait aussi sensation avec les images très fortes du clip de “Lowlands”. Réalisé par Norman Bates, ce court métrage met en scène des gosses roumains entraînés par leurs parents aux combats de rue illégaux. Comme avec “Cracks”, on ressort de ce trip complètement bouleversé. On en reparle très vite.

La musique de Roscoe, picturale et transcendante, est celle qu’on aimerait écouter en découvrant le sol vierge d’une planète inconnue. Tantôt romantico-atmosphérique, tantôt électro-énergisant, le quintette bénéficie d’une force féline assortie d’une touche mélancolique. Sorti chez Pias et réalisé sous la direction de Redboy, leader de MLCD et de son fidèle complice Raphael Wynands, le premier album de Roscoe, “Cracks”, n’est pas seulement un disque mais une petite perle musicale.

Le concert débute par “A.T.M.O.G” qui est le premier morceau de l’album, bien construit, belle voix et guitares très présentes. Tout est en douceur avec une légère montée en puissance vers la fin, le concert s’affirme. “Enemies” est un retour à la douceur, belle composition à la guitare acoustique avec une très belle voix, morceau très mélodique. “Cracks”, c’est un monde que les musiciens de Roscoe créent pour nos oreilles. “Enemies” est le premier single du groupe.

Le morceau suivant est “Knives”, la voix s’emballe, la batterie devient insidieuse, les projecteurs et les éclairages sont bleus. Il y a un changement de guitare qui devient électrique, l’ambiance la devient aussi et c’est ce qui fait le charme de ce groupe qui allie douceur et électricité. “Filleuls” suit et me fait penser a du Archive ou du National, bien construit et rock à souhait, c’est du moins ce que je ressens à l’écoute de ce morceau. “Mr Cooper” est là, le groupe fait monter la pression et cela est plaisant. C’est, dixit le chanteur, la première chanson écrite par le groupe et elle est réussie. “Ballad”, “Lowland” et “Sorrow” sont douces et l’accompagnement se fait à la contrebasse par Vincent qui amène un certain cachet avec son instrument à ces petites merveilles. “Tsing Tsang” est la chanson suivante et une nouvelle, le groupe est accompagné aux fûts par Nico et Amandine. Il est certain que Roscoe réarrange des chansons et explore de nouveaux sons et cela fait le bonheur du public. “Fell The Same” est une nouvelle composition, tout en douceur aussi bien dans la voix que dans les sons, très Beatles. “String Sat” est le dernier morceau de ce set, les synthétiseurs sont bien présents, la voix y est toujours très enjôleuse.

Au rappel, nous avons droit à “United” et à “Things Solver”. Pour ce dernier morceau, Nico et Amandine accompagnent aux fûts. Le concert se termine en beauté et avec beaucoup d’énergie.

Merci les artistes, j’ai passé une très belle soirée et à la prochaine.

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