Un DEEP PURPLE princier séduit le Forest National
En ce 3 décembre 2012, le légendaire groupe anglais Deep Purple était de retour chez nous. Cette fois, ils ont envahi la cuvette de Forest National. En première partie, il y avait Cowboys & Aliens. Ces sacrés bons vieux Deep Purple, toujours dans le coup, jamais à sec ! Voilà que la bande de Ian Paice (64 ans), Roger Glover (67 ans), Ian Gillan (67 ans), Steve Morse (tout jeune guitariste de 58 ans) et Don Airey (62 ans) a remis le matos dans le camion et est partie triomphante pour ce qui doit être sa 863e tournée en 44 ans d’existence. Depuis 2005, on attend un nouvel album, « Rapture of the Deep » faisant désormais figure de quasi-éternel dernier album en date de Deep Purple. Mais cela n’empêche pas le Pourpre de tourner de manière presque permanente puisque le public belge, néerlandais ou français peut le voir une fois par an en moyenne, le groupe sillonnant inlassablement le vieux continent quand il ne se perd pas jusqu’à Dubaï ou au Japon.
Cette fin d’année voit donc revenir les tontons flingueurs du rock lourd, ceux à qui les heavy proggers contemporains, les guitar-heroes plus ou moins factices, les chevelus nourris au décibel de combat et tous les fans de hard rock en général doivent tout. Deep Purple a entamé fin octobre une tournée qui a débuté en Russie (Moscou, bien sûr, mais aussi Krasnodar : pas mal comme bled paumé, Krasnodar ; vous vous doutiez qu’un groupe de rock irait un jour mettre les pieds là-bas ?), a foncé au cœur de l’Allemagne pour finalement se répandre en France, Italie et Suisse, avec évidemment cette étape bruxelloise que les fans du groupe attendaient depuis un an. Cela faisait en effet un an que les billets du concert au Forest National étaient dans nos poches, vous vous imaginez bien que l’on va attendre le passage de la fausse fin du monde le 21 décembre prochain avant de racheter des tickets sur une échéance aussi longue.
Mais voilà, le jour de gloire est arrivé et je me précipite avec quelques camarades sur les lieux du combat, ce vénérable Forest National dont l’acoustique peu performante n’a jamais empêché les fans de rock de venir écouter leur musique préférée. Sitôt dans la salle, nous trouvons un petit camp de base à la gauche de la scène, vers le troisième rang. La première partie est assurée par les Brugeois de Cowboys & Aliens, qui avaient déjà ouvert pour le Pourpre en janvier 2006. On retrouve bien là les habitudes des organisateurs du Forest National, qui mettent toujours les mêmes groupes de première partie en lice sans chercher à innover. Blunk ouvre pour les groupes de blues, Cowboys & Aliens ouvre pour Deep Purple : c’est la tradition du Forest National, dont les concerts authentiquement rock commencent de plus en plus à se compter sur les doigts d’une seule main d’un lépreux en phase terminale. Pour cette première partie, on est allé chercher Cowboys & Aliens au fond de leur campagne flamande, où ils assurent une quinzaine de shows par an entre Furnes et Hasselt et sortent un disque de temps en temps (quatre entre 1997 et 2005, puis un timide EP cette année). Le style n’a pas changé depuis que je les ai vus en 2006 : stoner bien gras et efficace, sensiblement influencé par Kyuss et Unida (le chanteur s’est fait greffer les cordes vocales de John Garcia). Le public, dont je me souviens qu’il avait assez mal encaissé le groupe en 2006, est maintenant plus tolérant envers les Cowboys & Aliens, qui ont réussi à se faire piquer leur nom par un film totalement invraisemblable sorti l’an dernier, avec Harrison Ford et Daniel Craig dans les rôles principaux.
La prestation de Cowboys & Aliens est bien sympathique mais est immédiatement rayée des mémoires au moment où apparait Deep Purple sur scène, à 21 heures précises. D’entrée, Gillan et consorts pacifient la région avec un « Fireball » souverain et puissant. L’auditeur médusé se frotte les mains à l’idée de recevoir la bénédiction du Pourpre sur un tel mode dynamique. Et voilà que Deep Purple surenchérit dans le classique avec une admirable paire sortie de l’immortel « In rock » de 1970 : « Into the fire » et le très rare « Hard lovin’ man », farandole infernale qui concluait ce premier album accueillant à l’époque Roger Glover et Ian Gillan. Ceux-ci avaient remplacé les poussifs Nick Simper et Rod Evans et avaient permis à Deep Purple de devenir une sommité incontournable dans le domaine du hard rock classique, celui des années 70, le seul, le vrai. On continue dans le classicisme pur avec deux autres merveilles, « Maybe I’m a leo » et « Strange kind of woman », pièces incontournables des shows de Deep Purple qui permettent au guitariste Steve Morse de se décrasser les doigts avant de balancer ses mirobolants solos de vingt minutes.
Morse est le « petit jeune » dans Deep Purple et en plus – mais ne le répétez à personne – il est Américain. C’est lui qui a mis fin à des années d’incertitude quant à la présence ou non de Ritchie Blackmore au sein du groupe. Le guitariste historique, véritable tête de lard autant que génie de la six-cordes, a finalement quitté le Pourpre en 1994, après des années de va-et-vient ayant parfois provoqué le départ du chanteur Ian Gillan et des séparations dont la plus longue aura duré huit ans (1976-1984). Depuis ce moment, tout va bien chez Deep Purple, qui vit dans la stabilité de son personnel depuis l’arrivée de Don Airey aux claviers en 2004, en remplacement du désormais amèrement regretté Jon Lord (1941-2012). Morse et Airey ont des pedigrees de seigneurs et sont d’hallucinants solistes, comme ils vont encore le démontrer ce soir en parsemant le show d’interventions athlétiques. On découvre tout cela au cours d’interprétations musclées et classieuses de « The battle rages on » (le morceau le plus récent du répertoire mais datant tout de même de 1993), un excellent « The mule » auréolé d’un solo de batterie titanesque de Ian Paice ou ce merveilleux moment qu’est « Lazy » (quand le groupe daigne bien le jouer sur scène). La voix de Ian Gillan est pour ainsi dire parfaite et ce bon Roger Glover pose ses lignes de basse avec une bonne humeur inégalable, surtout lorsqu’il va faire l’imbécile avec Steve Morse en bout de scène, histoire de rigoler un peu.
Le public est tout en émoi et suit son maître dans la délectation la plus totale jusqu’au terme du voyage, conclu par la série « Space trucking » et « Smoke on the water », morceaux indéboulonnables de la set list depuis de nombreuses années. Les Anglo-américains ne laissent pas retomber la pression après ce dernier morceau plus que légendaire et repartent à l’assaut pour un rappel composé de « Hush » (morceau du premier album de 1968) et de « Black night », le premier grand tube du Pourpre en 1970, lorsqu’il avait laissé tomber le style heavy psychédélique pompeux de ses débuts pour des solutions bien plus radicales. À ce propos, réécoutez la mélodie du « (We ain’t go) nothin’ yet » des Blues Magoos de 1966 et vous comprendrez où a été pompé le riff de « Black night ». Entre les deux, Roger Glover vient ciseler un solo de basse qui montre à tous les quatre-cordistes encore en vie qui est le patron ici.
Voilà, c’est fini, le public bruxellois est habillé pour l’hiver et salue encore une dernière fois les papys qui balancent quelques médiators par-ci par-là. J’ai le réflexe de mettre la main sur un de ces objets tombés juste près de moi, ça fera un beau souvenir pour un des meilleurs shows qu’il m’ait été donné de voir de la part de Deep Purple. Mais pour moi, la perfection ne sera totale que quand Ian Gillan et ses sbires se seront décidés à reprendre leur « Woman from Tokyo » de 1973. C’est vrai, ça : pourquoi ne jouent-ils jamais rien de leur album « Who do we think we are » ?
Set list : Fireball / Into the fire / Hard lovin’ man / Maybe I’m a Leo / Strange kind of woman / The battle rages on / [guitar solo] / Wasted sunsets / The mule / [drum solo] / [keyboards solo] / Lazy / No one came / [keyboards solo] / Perfect strangers / Space truckin’ / Smoke on the water // Rappel : Hush / [bass solo] / Black night
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Photos © 2012 Jean-Marc Quinet
Magnifique que de ce dire que Ian Paice (seul membre survivant du tout premier Deep Purple) trouve encore l’énergie et l’enthousiasme de jouer inlassablement les mêmes morceaux. J’ai vu DP de nombreuses fois depuis Forest en 85 et c’est vrai que la set list tourne toujours autours des incontournables de « In Rock » et « Machine Head » , prenant parfois quelques morceaux rares des excellentissimes « Fireball » , « How Do we think we are » , et encore plus rare ceux de la première époque , et jamais de l’époque Coverdale qui compte pourtant quelques grands classiques. C’est une sorte de piège sur lequel le public a enfermé DP , condamné à toujours rejouer Smoke.. , Black Night , Strange Kind…, Lazy , Space Truckin…
La dernière fois que je les ai vu c’était pour le concerto pour groupe et orchestre à Anvers (99?2000?), et une partie (la plus bruyante)du public manifestement n’était venu que pour les voir jouer Smoke on the water , et n’en avait rien a cirer d’entendre un orchestre symphonique interpréter ce qui pour moi (pas pour tous manifestement) reste l’unique tentative réussie de marier classique et rock (mais ceci est un autre débat). Après je n’ai plus voulu les revoir , et quand Jon Lord les a quitté je me suis dit que c’était définitivement cuit. Mais c’est très bien que des jeunes qui ne les ont jamais vu puisse les voir . Tous ces musiciens , y compris Don Airey , sont exceptionnel , leur répertoire est un condensé du meilleur de l’histoire du rock et j’ai un immense respect pour ce groupe qui reste , tu t’en doutes bien , parmi mes 3 « Desert Island bands » avec Les Doors et les Beatles