THE RAVEONETTES, ce duo infernal
Alors que leurs semblables se contentent volontiers d’un album tous les deux ans, les Raveonettes ont récemment adopté une cadence infernale en proposant, au travers d’“Observator”, leur troisième livraison depuis 2009. Ils étaient de passage ce samedi 8 décembre dans un Depot de Louvain fraîchement rénové et généreusement garni… Outre un coup de peinture bien nécessaire, la salle propose désormais un accueil aussi pratique que chaleureux. Le bar a également subi un sérieux lifting en changeant complètement de place et en proposant une carte étoffée sans pour autant handicaper la rapidité du service. En revanche, ce qui ne change pas, c’est cette manie d’ouvrir les portes à 20 heures, au moment où la plupart des premières parties des autres salles du royaume entament leur set.
Les Écossais de Holy Esque ont ainsi attrapé leurs instruments une demi-heure plus tard dans une obscurité qui sera la norme tout au long d’une prestation qui va osciller entre new wave et shoegazing. Si la voix rauque du chanteur dont le timbre fait penser à celui d’Ellery Robert (Wu Lyf) est noyée dans les riffs des deux guitares complémentaires lors du premier titre, elle va par la suite s’affirmer pour devenir intrigante (les subtils effets injectés dans le micro sont en partie responsables de cet état de fait).
Toutefois, il serait stupide de sous-estimer la manière toute personnelle avec laquelle il gère son organe vocal. Toutes proportions gardées, on pense alors à Mark Greaney (qui a fait les beaux jours de JJ72 au début des années 2000), mais en beaucoup plus grave et sensiblement moins enlevé. À moins que ce ne soient les sonorités légères du claviériste qui apportent une solide cohésion sonore. À l’écoute de “Tear” et de “Rose”, quelque chose nous dit qu’ils ne resteront pas sans contrat très longtemps.
“Observator” est donc le titre du nouvel album des Raveonettes, successeur de l’excellentissime “Raven In The Grave”, sorti l’an dernier. Les Danois avaient alors emprunté une direction plus sensible et presque teintée d’émotion, tout en restant fidèles à leur passion obscure pour les années 60. S’ils ont conservé l’essence qui nous avait séduits, l’effet de surprise fait cette fois-ci défaut. Encore que, parmi les neuf titres proposés, on y retrouve quelques pépites, comme l’entêtant “She Owns The Streets”, qu’ils vont jouer en début de set, tout juste après “Hallucinations”.
À ce propos, ils vont nous surprendre en sélectionnant des titres bien ciblés comme s’ils souhaitaient, en plus des nouvelles compositions, mettre en avant deux de leurs albums qui fêtaient un anniversaire. Cela fait en effet dix ans que l’époustouflant EP “Whip It On” les a mis sur orbite d’une fracassante manière alors que le relativement difficile d’accès “Lust Lust Lust” souffle déjà ses cinq premières bougies. Il s’agit sans conteste des deux productions les plus nerveuses issues de la discographie du duo et plus de la moitié de la set-list en sera extraite.
Pour cette tournée, Sharin Foo, plus tigresse que jamais dans sa robe imitation léopard et Sune Rose Wagner (dont la casquette vissée sur le crâne le décrédibilise complètement) sont accompagnés d’un troisième larron à la batterie. Ceci dit, ils auraient peut-être même pu s’en passer car ce dernier joue majoritairement en complément d’une boîte à rythmes. On pense parfois à The Kills à qui il manquerait l’essentiel, à savoir le charisme.
Quoi qu’on en dise, en tant que musicien, ils s’en sortent à merveille et leurs voix se marient parfaitement. Sune Rose Wagner prend d’ailleurs une bonne partie des vocaux à son compte alors que sa compagne se concentre sur sa guitare. Et lorsque cette dernière la troque contre une basse, cela devient tout bonnement jouissif.
Comme expliqué plus haut, le concert va se diviser approximativement en trois parties. “Lust Lust Lust” aura d’abord les honneurs et autant la froideur de “Blush” que le final explosif de “Dead Sound” vont nous faire prendre conscience de l’injustice qui a empêché cet album de devenir un disque de référence. Ensuite, les nouveaux titres parmi lesquels on retiendra tout particulièrement “Observations” et “Young And Cold”, parfaits témoignages de la nouvelle direction résolument mature du groupe.
En revanche, “The Enemy” semble un peu trop gentil que pour tenir la distance par rapport à l’excellent “Apparitions”, le seul extrait de “Raven In The Grave” qui va se conclure dans un déluge stroboscopique du plus bel effet. C’est alors qu’ils vont se plonger dans le fameux EP qui avait rendu les spectateurs de l’Orangerie du Botanique complètement sourds un soir de mai 2003. En enchaînant “Attack Of The Ghost Riders” et “My Tornado” à un flippant “Bowels Of The Beast”, ils ne vont laisser que peu de répit au Depot, avant que les guitares triturées d’“Ali, Walk With Me” ne viennent mettre un point final au set principal dans un volume sonore frisant l’entendement.
Les rappels vont connaître des fortunes diverses. Si “Heart Of Stone”, un rien trop léger, va manquer sa cible, “Cops On Our Tail” va bien vite remettre les pendules à l’heure. Mais le public louvaniste, insatiable, va réussir à les faire remonter sur scène une seconde fois pour un “Love In A Trashcan” aux décibels d’évidence bien au-delà du maximum légal autorisé en Flandre. Comme pour se faire pardonner de leurs excès, ils vont entonner langoureusement une chanson de Noël quasi bouche contre bouche autour du même micro. Tant que ces deux-là auront l’esprit rock ‘n’ roll aussi vif, leurs prestations ne risquent pas de faiblir…