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MONSTER MAGNET à l’AB : razzia sur la tartiflette

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Comme le temps passe ! Déjà vingt bougies sur le Space Cake du petit “Spine Of God” ! Et, pour fêter dignement la double décennie du bébé le plus enfumé de sa discographie, Monster Magnet a planté l’aiguille de sa seringue dans l’une des artères principales de la capitale : le boulevard Anspach. Vendredi 7 décembre 2012. 7h30 du matin. La Belgique s’éveille dans le froid de l’hiver. Une Fiat Doblo fonce à 20 km/h sur la route enneigée. Tandis que l’autoradio crache les riffs spatiaux de “Spine Of God”, le chauffeur réfléchit à l’introduction du compte rendu qu’il devra rédiger ce soir après avoir assisté au concert de Monster Magnet. Et s’il commençait par un bon mot, un trait d’esprit irrésistible ? L’hiver agit sur son esprit comme une véritable muse. Les idées se bousculent comme des joueurs de hockey sous acide entre ses oreilles glacées. Prudent, il arrête la course folle de son bolide transalpin pour prendre quelques notes : En ce beau vendredi d’hiver, Bruxelles s’est paré de ses plus beaux atours pour accueillir Dave Windorf… Le chanteur de Monster Magnet, qui n’avait plus vu autant de neige depuis sa dernière overdose de février 2006…. C’est d’un goût douteux, mais il est satisfait. Cela fera rire Bernie. Et il aime bien faire rire Bernie.

Vendredi 10 décembre 2012, 7h30 du soir. Pauvre Terre ! Ce foutu réchauffement climatique rend ma jolie intro caduque. Adieu neige et rire de Bernie. Tant pis. De toute façon, cet enfoiré de punk sans crête ne viendra pas ce soir. Je devine votre déception. Vous n’aurez pas droit au récit de l’une des fameuses aventures de “Bernie & Michel, les détectives sans peur et sans saveur”. Inutile de haïr le keupon, ce n’est même pas de sa faute. Il faut blâmer JP, notre commissaire en chef, qui pour cette terrifiante enquête dans le milieu du décibel narcotique, n’a pas trouvé mieux que de me coller un rookie dans les pattes. Attention, loin de moi l’idée de douter de la qualité des clichés de notre nouveau collègue Alain Heymans. Il probablement plus doué que mon immonde partenaire habituel. Mais pour cette dangereuse investigation, j’aurais aimé avoir à mes côtés mon terrible coq de combat et ses piercings vindicatifs.

À quelques mètres de l’Ancienne Belgique, les dealers du marché de Noël écoulent des centaines de doses de tartiflettes aux accros des plaisirs d’hiver. Ces derniers, sans la moindre gêne, ont réquisitionné tout ce que les rues du centre-ville comptent d’emplacements de parking gratuits. Après quarante-cinq minutes d’errance désespérée, je me résous à confier mon attelage à une coûteuse écurie souterraine. Il est vingt heures pile lorsque je franchis les portes de l’AB. My Sleeping Karma, évidemment, ne m’a pas attendu. Dommage ! Quatre Bavarois barbus distillant un post-rock/stoner instrumental et psychédélique truffé de références à l’Indouisme, voilà qui aurait mérité une enquête approfondie.


Vingt heures quarante. Les lumières s’éteignent et tous les regards d’une AB (presque) pleine convergent vers la scène. Dave Wyndorf a choisi un décor ‘seventies’ ultra-dépouillé (NDR : quelques amplis, quelques haut-parleurs et un backdrop psychédélique) pour recréer l’ambiance hallucinogène de son “Spine Of God”. Le set, comme l’album, démarre sur un solo de batterie. “Pill Shovel” est un peu trop ‘mou du genou’ et le gang un peu trop raide à mon goût. En ce début de soirée, seul Wyndorf semble motivé par sa présence en Belgique. Le leader historique de Monster Magnet (qui fête cette année ses 56 hivers) fait tout son possible pour stimuler la foule mais son groupe reste mortellement statique. “Medicine”, pour suivre, n’est guère plus excitant et c’est au bord du désespoir que je me résous à rejoindre le balcon pour tenir compagnie aux autres somnambules. De là-haut, la vue est vraiment imprenable. Mais bon sang : que l’on s’ennuie, le cul enfoncé dans des sièges moelleux. Il ne me faut guère plus de cinq minutes pour me ressaisir et dévaler les escaliers. Je réintègre ma place pour nager dans la sueur ambiante. Les premiers accords de “Nod Scene” initient un changement radical du côté de la scène. Les guitares ont désormais accumulé assez d’énergie pour commencer à vibrer et leurs mouvements ondulatoires ont un effet salutaire sur la foule. Seule la basse s’entête encore à jouer les statues de glace.

Si, comme beaucoup, je suis très client de cette tendance actuelle consistant en l’interprétation d’un disque classique dans son intégralité, j’avoue que le manque de surprise qui découle de la chose me gène parfois un peu. L’un des grands plaisirs du concert ne vient-il pas de l’attente incertaine du titre suivant ? ’Le groupe aura-t-il enfin la bonne idée de jouer ma chanson préférée ?’. Aujourd’hui, pas de surprise ! Tout le monde sait qu’après “Nod Scene” viendront “Black Mastermind”, “Zodiac Lung” et les autres. Monster Magnet pimente le jeu en proposant des versions légèrement étendues de ses classiques. Quelques déclinaisons instrumentales envoûtantes s’ajoutent généralement aux soli de guitares. Wyndorf profite de ces répits instrumentaux pour se réfugier dans l’ombre ; dos au public, la tête collée sur son amplificateur, il laisse aux autres le soin de faire planer la salle. Il revient ensuite vers son pied de micro, dans un mouvement circulaire immuable, la patte un peu raide, pour nous enchanter de sa voix unique.


La guitare acoustique qui fait son apparition sur “Zodiac Lung” ne parvient pas vraiment à restituer l’ambiance patchouli/flower power qui suintait de l’enregistrement original. La chose ne semble pas gêner mes voisins de gauche. Pas plus, en tout cas, que la fumée de l’énorme cigarette qu’ils se partagent amicalement et qui, pourtant, semble leur causer quelques allergies oculaires. Hallucinant ce que l’on peut supporter par amour du tabac ! “Spine Of Gods” et son côté Doors fait à nouveau vibrer la salle. La basse est enfin dégelée et tous les musiciens sont désormais au diapason avec le public. Emportés par la vague de décibels, les premiers rangs se soulèvent pour une “Snake Dance” endiablée. L’ondulation enivrante va jusqu’à gagner le fond de la salle à l’occasion de l’entraînante cover du classique “Sin’s a Good Man’s Brother” du Grand Funk Railroad. “Ozium” clôture le set en douceur et nous fait atterrir en planant. L’absence de claviers sur scène enlève une partie de sa magie à ce titre sublime, mais autour de moi, personne ne s’en soucie. Il faut vivre intensément ces dernières minutes de bonheur auditif. Wyndorf et ses sbires se retirent aussi discrètement qu’ils sont entrés et reviennent sous les hourras de la foule après quelques longues minutes de suppliques hurlées. Le texte publicitaire du site de l’AB annonçait qu’en plus de l’intégrale de “Spine Of God”, Monster Magnet interpréterait tous ses hits. Il n’en est rien. Car plutôt que ses tubesques “Spacelord”, “Powertrip” ou “Dopes To Infinity”, le groupe préfère puiser dans son lointain passé et exhumer les confidentiels “Longhair” et “Lord 13” issus du mini album “Tab” de 1991 et les classiques “Murder”, “Tractor” et “Freakshop USA” tirés de son premier album éponyme de 1990.

Les lumières se rallument. Cette fois c’est vraiment la fin. C’est à ce moment précis que l’absence de Bernie se fait douloureuse. Il est l’atout majeur de notre binôme. Sa grande taille, en effet, lui permet d’attirer aisément l’attention des serveuses du bar. 22h30. Il est encore tôt et dehors, le marché de Noël bat son plein. ‘T’en veux mec ? C’est de la bonne !’, me jette discrètement un dealer en exhibant, sous mes narines enrhumées, une tranche de tubercule recouverte d’une immonde couche de lactose fondu. ‘Jamais pendant le service… mec. Jamais pendant le service !’

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Photos © 2012 Alain Heymans

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