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SIGUR RÓS, de l’émotion à l’état pur…

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Malgré un long break qui aura surtout permis à leur leader Jónsi de lancer une fructueuse carrière solo, les Islandais de Sigur Rós n’ont clairement pas été oubliés par leurs fans belges. Pour preuve, Forest National affichait complet ce mardi 26 février pour le grand retour du groupe à l’émotion explosive… En tout cas, une chose est sûre, ils n’ont pas été dépaysés par la météo polaire qui sévit sur notre pays depuis quelques semaines maintenant. Et ce n’est malheureusement pas la première partie qui allait nous réchauffer les oreilles. Car Blanck Mass, le projet parallèle de Benjamin John Power (un des cerveaux de Fuck Buttons) allait avoir du mal à rallier les spectateurs à sa cause. Non pas qu’il soit dénué de talent, mais l’endroit et le moment n’étaient tout simplement pas bien choisis.

Ses compositions planantes lorgnant vers l’ambiant tout en hésitant entre spiritisme et relaxation vont en effet apporter plus de questions que de réponses. Surtout que les projections psychédéliques sur fond de jeux de lumière froids et sombres vont contribuer à glacer l’atmosphère, au même titre que les sons stridents expérimentaux qui vont émailler les beats en toute fin de set. À moins d’être sous influence ou particulièrement ouvert d’esprit, pénétrer dans son univers s’apparente à une mission quasi impossible.

La parution de “Valtari” au printemps dernier a mis un terme aux spéculations de ceux qui considéraient le DVD
Inni
comme le chant du cygne de Sigur Rós. Il est vrai que la carrière solo de Jónsi a pris une envolée spectaculaire avec le succès triomphal de “Go” en 2010, suivi de la B.O. du film
We Bought A Zoo
l’année suivante. Ceci dit, c’est de nouveau sur son groupe que se focalise désormais son attention, au contraire du multi-instrumentiste Kjartan Sveinsson qui a quitté récemment le navire pour des raisons personnelles. Cela ne devrait toutefois pas altérer l’avenir du combo puisque la sortie d’un nouvel album serait planifiée d’ici la fin de l’année.


Ce soir, ils vont débuter leur prestation au quart de tour derrière un immense rideau sur lequel seront projetés de subtils effets visuels en synchronisation totale avec leurs compositions. Une manière idéale d’installer un univers tout personnel qu’ils cultivent avec passion. Mais c’est surtout avec le féérique “Í Gær” au final explosif que les choses vont prendre une tournure captivante, avant que le délicieusement mélancolique “Ný Batteri” n’accompagne la chute du rideau pour laisser apparaître les musiciens en plein effort alors que les photographes étaient enfin autorisés à commencer leur travail.

Si Jónsi a laissé tomber son attirail de chasseur et ses couvre-chefs à plume, il est toujours bien armé de l’archet qui lui permet de triturer sa guitare et d’en sortir ces sons tellement caractéristiques. Et lorsqu’il passe au clavier, l’émotion gagne encore en intensité (“Vaka”, “Sæglópur”) alors que les spectateurs se retrouvent en plein recueillement à l’écoute de sa voix d’ange au falsetto venu d’ailleurs (le final presque angélique d’“Olsen Olsen” ne ferait pas tache sur l’iPod du fraîchement retraité Benoît XVI). Et quand on pense qu’au même moment, à la télévision, le jury de The Voice cherche en vain la perle rare, on est bien content de se trouver à Forest National, où la jouissance sonore devient réalité.


À l’arrière de la scène, juste en dessous de l’écran qui a pris le relais du rideau pour les projections, on retrouve des musiciens qui participent activement à la mise en place de cette pièce à l’intensité émotionnelle chargée. Des cuivres, des cordes, des percussions et même une flûte traversière seront subtilement intégrés à la construction des morceaux pour un résultat tout juste parfait.

Mais ce qui surprend toujours lors d’un concert de Sigur Rós, c’est cette faculté déconcertante qui fait passer les compositions de la tendresse à l’explosivité en l’espace d’un instant. On se laisse ainsi emporter par des arrangements majestueux avant de prendre de plein fouet les uppercuts post rock qui constituent la base de leur son (“Glósóli”). Parallèlement, et dans un registre complètement différent, les premières notes de “Hoppípolla” vont dégager un bien-être apaisant dans une salle réceptive à cette énergie positive.

Assez curieusement, l’instrumental aux incantations célestes “Varúŏ” sera le seul extrait de la dernière plaque joué ce soir. Il est vrai que celle-ci présente une complexité pas toujours évidente à cerner, raison pour laquelle le futur album devrait présenter un visage radicalement opposé. Les inédits vont d’ailleurs tendre à corroborer leurs dires (“Kveikur” au final puissant illustre parfaitement cette direction, alors que l’expérimental “Brennisteinn” renvoie à du Radiohead post “OK Computer” aux contours expérimentaux).

Le célèbre “Svefn-g-englar” à la voix enlevée, aux sonorités spatio-temporelles et aux riffs de guitares sinistres va entamer les rappels en amenant les spectateurs un cran au-dessus. Impossible de rester de marbre dans de telles circonstances. Suivront un autre nouveau titre (le très orchestral “Hrafntinna”) et un dernier classique (“Popplagiŏ”) pour mettre un terme à deux heures d’une prestation généreuse pendant laquelle le groupe ne ménagera pas ses efforts. Le triomphe que les musiciens recevront lors d’un second retour muet sur scène démontrera combien les spectateurs leur seront reconnaissants. Sigur Rós n’a rien perdu de sa superbe. Que du contraire…

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Photos © 2013 Olivier Bourgi

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