Dans l’univers de Jacco GARDNER
Bien qu’elles soient notre quotidien depuis une bonne semaine, on n’a pas hésité bien longtemps à faire une petite infidélité aux Nuits Botanique ce dimanche 12 mai. Il était en effet impensable de louper la venue de Jacco Gardner au Club de l’Ancienne Belgique, une salle digne de mettre en avant les compositions magiques de son premier album, “Cabinet Of Curiosities”. Après s’être difficilement frayé un chemin entre les hordes de jeunes filles fans de Puggy qui se pressaient sur le trottoir de l’AB (ils jouaient dans la grande salle), direction le premier étage où les Anversois de Bed Rugs se préparaient à monter sur scène pour assurer l’avant-programme du jeune hollandais. Pour l’anecdote, lorsqu’ils ont participé à la finale du Humo Rock Rally en 2008, ils s’appelaient encore The Porn Bloopers. Quatre ans, un changement de nom et une rencontre avec Pascal Deweze (Metal Molly, Sukilove, Broken Glass Heroes,…) plus tard et les voici en train de promotionner leur premier album, “8th Cloud”.
Articulé autour de deux chanteurs guitaristes (dont un particulièrement fan de douze cordes) aux voix admirablement complémentaires, le groupe propose un rock largement inspiré du mouvement psychédélique né au beau milieu des années 60. Au programme, de longs morceaux truffés de parties instrumentales développées qui font par moments penser à une jam expérimentale (il ne manque que le sitar). On finit par se laisser emporter par des compositions très matures dont les effets sonores doivent donner la pleine puissance de leurs pouvoirs sous influence. Une suggestion un peu trop suivie à la lettre par ce spectateur aux yeux injectés qui a fini par s’étaler tête la première sur la scène en toute fin de première partie…
Il se pourrait bien que 2013 soit l’année des artistes made in Holland. Alors que The Child Of Lov recevait le Philip Hall Radar Award lors des récents NME Awards (trophée qui récompense l’artiste prometteur de l’année), Jacco Gardner sortait son premier album, “Cabinet Of Curiosites”. Une pièce maîtresse qui puise son inspiration dans la pop insouciante des golden sixties. Il avait déjà joué à guichets fermés chez Madame Moustache en février dernier, le sold out de ce soir à l’AB Club ne s’apparentait donc qu’à une demi-surprise.
Le groupe (qui met un point d’honneur à s’occuper des soundchecks) montera sur scène au son d’une douce comptine qu’à magistralement prolongée la plage titulaire instrumentale de l’album. Une mise en place idéale pour une soirée placée sous le signe de la mélancolie. Les impeccables “Clear The Air” et “The One Eyed King” viendront ensuite parfaitement s’emboîter dans l’atmosphère ambiante, notamment grâce au timbre de voix troublant du bonhomme. Celui-ci, faussement timide, n’a manifestement pas encore tout à fait pris conscience de l’impact qu’il peut avoir sur le public. Il va commencer à communiquer de manière très gutturale dans sa langue natale, avant de bien vite switcher vers l’anglais.
Derrière lui, son batteur a toujours ce look rock ‘n’ roll qui lui colle à la peau, chevelure abondante, barbe généreuse et inamovibles lunettes de soleil en tête. Le guitariste et le bassiste passent quant à eux plus inaperçus (d’un point de vue visuel en tout cas). Mais ce qui donne une plus-value réelle aux compositions, ce sont les projections vintage sur l’écran à l’arrière de la scène. Celles-ci, entre animation et mini histoires (ir)réelles, vont permettre aux spectateurs de développer leur imagination.
Les envolées au clavier délicieusement sucrées de “Summer’s Game” vont introduire un rêveur “Puppets Dangling”, sans doute le meilleur extrait de la plaque. Un début de toute beauté qui sera toutefois tempéré par une version assez banale de “Lullaby”. Un avertissement sans frais car la marche en avant vers la recherche de la pop song parfaite reprendra de plus belle (“Watching The Moon”, “The Riddle” aux relents Beatles psyché). Même “House On The Moon” (la face B du single “Clear The Air”) fera figure de solide morceau.
On pourrait peut-être lui reprocher de polir un peu trop ses compositions, au point de les faire ressembler en live à de parfaites interprétations des versions du disque. Soit la balance de l’AB Club est parfaite, soit il y a une volonté dans son chef de prendre le moins de risques possibles. On verra comment il s’en tirera cet été en festival (il sera notamment à l’affiche des Ardentes et de Dour) mais cette remarque ne nous empêchera toutefois pas de nous délecter de la fin de son set, notamment grâce à l’orchestral “The Ballad Of Little Jane” alors que le très riche “Chameleon” clôturera momentanément les festivités.
A ce moment de la soirée, tout l’album avait déjà été joué mais le groupe reviendra pour deux titres supplémentaires, dont une cover bien en verve de Billy Nicholls, “Always On My Mind”, agrémentée d’un clip carré blanc d’une efficacité redoutable. Après trois mois, “Cabinet Of Curiosities” reste aussi frais qu’à la première écoute alors que la scène ne l’altère en rien. De bon augure pour les référendums de fin d’année…