Nuits du Bota 2013 : SAVAGES, belles et rebelles
Les Nuits du Bota touchent à leur fin (du moins dans leur formule régulière) mais cela ne nous empêche pas d’être une nouvelle fois à pied d’œuvre ce lundi 13 mai pour vous ramener nos impressions sur un groupe dont on parle beaucoup de l’autre côté de la Manche, Savages. Les quatre belles venaient présenter leur première plaque, “Silence Yourself”, sortie une semaine auparavant. Johnny Hostile, le type au succulent pseudo qui allait assurer la première partie, n’est pas là par hasard. Il s’agit ni plus ni moins du mari de Camille Berthomier alias Jehnny Beth, la chanteuse des stars de la soirée. Un piston familial vraisemblablement décidé autre part que sur l’oreiller puisque les deux ont déjà officié ensemble sous le nom John & Jehn. Aujourd’hui, l’homme se produit seul dans un environnement pour le moins sombre. Peu ou pas de lumières si ce n’est un spot aveuglant derrière lui qui clignote de temps à autre (les photographes ne lui disent pas merci).
Il joue des accords de guitare d’une froideur intense tout en “chantant” au son d’une bande sonore du même acabit. De temps à autre, des cris stridents un rien énervants font sursauter l’audience et les effets de reverb dans la voix ne font qu’accentuer l’atmosphère glaciale qui fait immanquablement penser à Suicide et aux délires d’Alan Vega à la fin des années 70. L’éclair mélodieux viendra lorsque son épouse le rejoindra l’espace d’un titre proche de l’univers d’Anne Clark. Pas de doute, ce type est prêt pour jouer au Sinner’s Day, si toutefois il a lieu cette année et que les organisateurs sont à la recherche de sang frais…
Savages, ce sont quatre nanas originaires de Londres emmenées par une française d’origine (mentionnée ci-dessus) dont le but avoué est de remettre le post punk sur la carte musicale britannique. Désormais armées d’un premier album bizarrement baptisé “Silence Yourself” mais chaleureusement accueilli par la critique, elles partent à l’assaut du public européen au travers d’une tournée qui débutait ce soir au Bota.
Dans la continuité de la prestation de Johnny Hostile, la musique de fond diffusée lors des soundchecks sera sinistre, mais ce n’est que pour mieux pénétrer dans l’univers des filles avec un premier titre, “City’s Full”, interprété de manière énergique. Le timbre de voix de la frêle Jehnny Beth (physiquement, on pense à Dolores O’Riordan) rappelle à la fois celui de Siouxsie Sioux et de Patti Smith, alors que sa présence scénique approche la perfection. De son côté, Gemma Thompson décoche des riffs de guitare incendiaires que son physique ne laisse aucunement présager.
Le coup de baguette saccadé de la batteuse Fay Milton sera, lui aussi, omniprésent tout au long du set (le final explosif de “I Am Here”), au même titre que la basse envoûtante de Ayse Hassan (le presque gothique “She Will”). Ajoutez-y un nouveau titre (“Fuckers”) complètement prenant pendant lequel la chanteuse répète inlassablement “Don’t let the fuckers get you down” avec les reliquats de son petit accent franchouillard et on est en train de se demander si on n’assiste tout simplement pas à notre concert de l’année.
Malheureusement, l’intensité va baisser d’un cran avec “Strife” (malgré une excellente ligne de basse) et surtout un trop allongé “Waiting For A Sign” qui va finir par nous déstabiliser. On va alors se surprendre à observer les tenues des demoiselles plutôt que leurs instruments. La suite va voir se côtoyer le meilleur (“Flying To Berlin” qui tutoie l’univers plein de tension de Wire et de Gang Of Four) et le plus faible (“Shut Up”, trop disparate). Il est vrai que tenir à un rythme aussi effréné pendant un concert entier n’est pas à la portée de tout le monde.
Le tout se terminera au pugilat avec un “Husbands” (très inspiré des Yeah Yeah Yeahs à leurs débuts) propice à recevoir un déluge sonore et stroboscopique. Un concert un peu inégal, certes, mais quelque chose nous dit que pour leur visite au Pukkelpop, elles seront au point et feront chavirer le chapiteau qui leur servira de ring…