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The BREEDERS en mode Last Splash, 20 ans plus tard…

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Bon sang que le temps passe vite… Vingt ans déjà que les Breeders sortaient “Last Splash”, un album qui fait aujourd’hui figure de classique emblématique d’une période où les guitares crasseuses régnaient en maître. Un anniversaire que Kim Deal voulait célébrer à tout prix en réunissant les protagonistes de la plaque en question pour un baroud d’honneur sur scène. Tout ce beau monde s’est donc retrouvé dans une Ancienne Belgique pleine à craquer ce dimanche 2 juin. Si les natifs de Boston n’avaient jamais foulé la scène de l’AB, il en est autrement pour Reiziger, le groupe choisi pour assurer la première partie. En effet, les Louvanistes s’étaient déjà produits ici même en 2002. Depuis, ils ont observé un long hiatus avant de se reformer et d’enregistrer un nouvel album (“Kodiak Station” est sorti en février dernier).

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont abondamment écouté Sonic Youth, tant les guitares saturées confrontées à des mélodies sous-jacentes sont légion. La voix du chanteur, ou plutôt la manière de s’exprimer (il déclame plus qu’il ne chante), renvoie également au cultissime groupe New-Yorkais. On n’ira toutefois pas jusqu’à y voir un parallèle dans le line-up (ils emploient également une bassiste), surtout que par moments, on se retrouve plutôt dans l’intéressante période grunge emo de Nada Surf au milieu des années 90.

Petite mention aux projections diffusées sur le grand écran à l’arrière de la scène, qui vont apporter un certain dynamisme au set. Bien que les âmes sensibles seront tentées de détourner le regard à plusieurs reprises, notamment lorsqu’une pupille en gros plan sera caressée par des doigts. Une manière comme une autre de focaliser l’attention sur les musiciens qui récolteront leur petit succès. La preuve que ces voyageurs ne sont pas encore arrivés au bout de leur chemin…

Ce n’est pas la première fois que Kim Deal se la joue nostalgique en interprétant l’intégralité d’un album vieux de deux décennies. Rappelez-vous, en octobre 2009, elle l’avait déjà fait au sein des Pixies avec “Doolittle” à Forest National. Mais ce soir, c’est un de son groupe qu’elle va faire revivre, et avec beaucoup d’à-propos.

Si “Pod” en 1990 avait été un brouillon critique (et un des albums préférés de Kurt Cobain), “Last Splash” sera le disque qui mettra les Breeders sur le devant de la scène, éclipsant par la même occasion le lancement de la carrière solo de Frank Black. Ne parlons pas des deux suivants (“Title TK” en 2002 et “Mountain Battles” en 2008) car l’Histoire ne s’encombrera guère d’eux.

Dans le public, les cheveux ont grisé ou sont tombés, les bedons se sont développés et les rides se sont creusées. Mais sur scène également, le temps a laissé des traces. Kim et sa sœur jumelle Kelley Deal, qui fêteront leurs 52 ans dans quelques jours, n’ont plus leur physique d’antan. Seule Josephine Wiggs (très garçon manqué) échappe à la règle, alors que le batteur Jim Mcpherson ne se défend pas trop mal non plus. A leurs côtés se trouve une claviériste de tournée qui arbore fièrement le t-shirt officiel de la tournée anniversaire.

Avant de lancer les festivités, Kim Deal prendra la parole dans un néerlandais plus qu’approximatif pour signaler que le concept de la soirée tournerait autour du disque de 1993 qu’ils allaient jouer dans son intégralité et dans l’ordre. Mais c’est lorsque les musiciens vont se mettre en action que la fête va réellement commencer, avec une énergique version de “New Year”.

On va d’un coup se retrouver balancé vingt années en arrière lorsque l’on se passait le CD en boucle dans notre chambre d’ado. On sait que juste après, le hit single “Cannonball” va immanquablement faire exploser la salle. Mais, bizarrement, les pogos ne seront pas légion. Un public trop âgé ou une bombe lâchée trop tôt ? Un peu des deux sans doute… Mais on va se rendre compte que pas mal de spectateurs sont venus pour apprécier le moment. Il faut dire que le début de “Last Splash” est tout simplement parfait. “Invisible Man” montre à quel point la voix particulière presque garçonne de Kim n’a pas bougé alors que “No Aloha” va voir le public s’égosiller tout au long de l’intro.

Mais la curiosité de cet album réside dans le fait qu’il est truffé d’instrumentaux dont l’utilité peut paraître futile sur disque mais qui vont prendre tout leur sens sur scène. “Flipside” et “S.O.S.” vont se retrouver redynamisés (avec une basse dominante) alors que la version brute de “Roi” vaudra le déplacement. Le seul point faible de la soirée sera sans surprise “Mad Lucas”, qui clochait déjà en 1993 et qui est le moment propice pour aller faire un tour programmé aux toilettes en prenant garde de ne pas traîner afin de ne pas louper l’excellent “Divine Hammer” aux harmonies vocales émanant des deux jumelles.

A ce propos, la chaude et douce voix de Kelley Deal va faire des merveilles sur “I Just Wanna Get Along” et, plus tard lors des rappels, sur la reprise du “Happiness Is A Warm Gun” des Beatles. Au rayon des aléas du direct, pointons les ratés répétitifs de Kim à l’entrée de “Do You Love Me Now ?” alors que l’entêtant “Drivin’ On 9” et sa vibe country au violon omniprésent surprennent toujours autant. Le groupe va même pousser le vice jusqu’à interpréter la quarantaine de seconde de “Roi (Reprise)” avant de chaleureusement remercier le public d’avoir participé à la célébration.

Mais la soirée n’était pas encore finie pour autant. Kim Deal avait promis une immersion dans la période entourant l’album en question et le groupe allait tenir parole. A commencer par cette version de “Shocker In Gloomtown” (un titre de Guided By Voices dont Jim Mcpherson a longtemps été le batteur) à l’intro imparable. “Head To Toe”, la plage titulaire du EP sorti en 1994, sera le moment le plus Pixies de la soirée, même si ce titre a été composé par Josephine Wiggs (l’énergie du morceau renvoie aux meilleurs moments de “Surfer Rosa”).

“Safari”, le titre principal d’un autre EP du groupe, sorti en 1992, sera sans doute le moment le plus dispensable des rappels. Ce passage sera bien vite oublié avec les vocalises de “Oh!” et l’efficacité de “Lime House”, deux extraits de “Pod”. Un album encore représenté lors du second rappel (le lancinant “Iris”) à tel point que l’on se demande quelle direction cette plaque prendrait avec le line-up présent sur scène ce soir. Bizarrement, c’est au son de “Don’t Call Home” que les lumières se rallumeront pour de bon.

Contrairement à ce qu’une réécoute distraite avait laissé supposer, “Last Splash” a plutôt bien vieilli. A moins que ce ne soit l’interprétation de ce soir qui lui ait permis de souffler ses vingt bougies avec classe. Ceci dit, on ne voit pas de quelle manière les Breeders pourront s’en échapper pour évoluer. Mais ça, c’est une autre histoire…

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