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Démarrage massif de la tournée européenne d’Orange Goblin à Gand

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Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles dans cette fin du monde qu’on aurait aimé un peu plus thermonucléaire et moins financière bidon. Par exemple, l’annonce d’Orange Goblin commençant sa tournée européenne par la ville de Gand est une merveilleuse nouvelle pour tous les amateurs de stoner burné qui rajoute plus qu’il n’en faut de larges gorgées de heavy metal dans ses compositions. Avec ses dix-huit ans d’existence, Orange Goblin figure même parmi les pionniers du stoner, avec Fu Manchu, Kyuss, Monster Magnet ou les légendaires Heads. On est désormais habitué à ces figures hautes en couleur que sont Ben Ward (chant), Martyn Hillard (basse), Chris Turner (batterie) et Joe Hoari (guitare), qui remplace depuis 2004 le premier guitariste de la formation, Pete O’Malley.

Orange Goblin a acquis sa réputation grâce à un jeu de scène percutant où s’illustre le géant Ben Ward, montagne de muscles et de cheveux tatoué comme un guerrier maori et plus charismatique que le pape. Orange Goblin a toujours parfaitement réussi la coexistence entre sonorités stoner un rien psychédélique (les albums des débuts) et un heavy metal traditionnel impeccablement construit et bardé d’un son énorme. Les amateurs de décibels en rut peuvent se tourner en toute confiance vers les sept albums des londoniens fous : “Frequencies from planet ten” (1997), “Time travelling blues” (1998), l’excellent “The big black” (2000), “Coup de grâce” (2002, produit par John Garcia de Kyuss et Hermano), “Thieving from the house of God” (2004), “Healing through fire” (2007) et le petit dernier “Eulogy for the damned” (2012), prétexte à la tournée qu’Orange Goblin est en train d’accomplir.

En effet, Orange Goblin vient de finir la mise en coupe réglée des États-Unis et passe à la phase européenne de son plan de destruction massive. Par chance, la première date est à Gand, ce qui signifie que la Belgique va accueillir un groupe tout frais, prêt à en découdre et motivé comme pas deux. Ensuite, ce sera au tour de l’Allemagne, la France, la Suisse, l’Italie, les Pays-Bas et la Scandinavie en juin, juillet et août. Le groupe est prévu pour revenir le 21 juin à l’Entrepôt d’Arlon et à l’Ieperfest d’Ypres le 11 août. Les distraits qui ont raté Orange Goblin à Gand savent donc ce qu’il leur reste à faire.

Il s’était passé cinq ans entre “Healing through fire” et “Eulogy for the damned”, ce qui commençait à faire long. Ayant déjà vu Orange Goblin trois fois, je me languissais à l’idée de le revoir un jour. Enfin maintenant, mes fantasmes vont pouvoir être satisfaits et je pars sereinement vers Gand en cette fin de journée du vendredi. Les combats se déroulent à la maison de la jeunesse du Minus One, dans un coin paumé de Gand. Heureusement le vaillant GPS m’amène à destination, ce qui me fait traverser les endroits les plus glauques de Gand, docks, usines désaffectées, palais de justice ultramoderne. C’est d’ailleurs à proximité de ce palais de justice que se trouve le Minus One, que je vous annonce déjà comme l’endroit le plus introuvable du monde. Garé à proximité, je tourne autour à pied pendant près de vingt minutes. Au moment où j’allais rassembler ma piètre connaissance de la langue de Guido Gezelle pour demander à un autochtone (très douteux dans le quartier, d’ailleurs) où se trouve cette salle, je la découvre par hasard, planquée près d’un terrain vague où quelques immigrés font des rodéos sur des mobylettes. J’ai le temps d’aller garer ma voiture à proximité car l’endroit où je l’avais mise au début était l’annonce manifeste d’une tentative d’effraction par des gangsters ou des maques locaux.

Le Minus One peut accueillir environ 200 personnes, une capacité qui sera pleinement atteinte au cours de la soirée, comme quoi il y a des gens sur cette Terre qui savent où se trouve le Minus One. Lorsque le premier groupe Black Swarm arrive sur scène à 20h15, les vingt clampins dans la salle sont rejoints par une cinquantaine d’autres spectateurs arrachés du bar pour venir écouter la musique.

Ce petit combo flamand dispense 25 minutes d’un guilleret mélange de death metal et de hardcore. Ne voyant qu’un guitariste, un bassiste et un batteur sur scène, je me demande si le set ne va pas être uniquement instrumental au moment où je sens une bousculade derrière moi. C’est l’imposant chanteur qui vient de monter sur scène en ayant traversé le public. Habillé comme un mur, il va vite finir torse nu et effectuer tout le concert au milieu du public, beuglant comme une forcené et offrant au monde un magnifique bide à bière soigneusement entretenu par la Pils locale. Ce groupe assez saugrenu (le batteur est en chemise à carreaux, le bassiste pourrait figurer dans un groupe de punkabilly et le guitariste a une tronche de djihadiste afghan) chauffe copieusement la salle avec son deathcore velu et primitif, sous le regard intéressé de Ben Ward, venu observer le concert des coulisses.

Une activité fébrile règne lors du changement de matériel qui annonce l’arrivée d’Asteroid, groupe suédois donnant habilement dans le stoner psychédélique. Les musiciens du groupe installent leurs pédales et amplis dans un fatras de câbles, de tapis persans et d’instruments (Gibson Flying V rutilante, basse Fender vintage). Le trio démarre son show à 21h05 et c’est l’occasion de faire connaissance avec un excellent combo psychédélique forgeant des riffs costauds et aériens. Robin Hirse (chant et guitare), Johannes Nilsson (basse et chant) et Elvis Campbell (un batteur filandreux et longiligne qui remplace le premier cogneur Martin Ström depuis 2007) se sont formés en 2003 à Örebro, en plein centre de la Suède habitable, c’est-à-dire le tiers sud. En dix ans d’existence, ils n’ont curieusement fait que deux albums, dont le dernier remonte quand même à 2009. Sur scène, les types affichent des looks qui semblent s’être arrêtés à avril 1973 : pantalon bouffant genre spahi, veste noire en toile décorée de motifs blancs, pilosité de hippies béats. C’est vrai que le style d’Asteroid rappelle les grands anciens suédois du rock des Seventies (November, Culpeper’s Orchard, Life, Panta Rei, Storm). Surtout, les types sont d’excellents techniciens. Le guitariste sautille et plaisante avec qui veut l’entendre. Le bassiste tripote son instrument comme une guitare et fait véritablement office de guitariste rythmique, ouvrant la voie à des solos astraux de Robin Hirse. Derrière, le batteur a l’air complètement stoned mais il est toujours sur les bons coups rythmiques. Le groupe parvient à effectuer son set sans encombres malgré le léger retard du planning, jusqu’à ce qu’une alerte incendie vienne mettre fin à la prestation en toute fin de show. Il n’y a pas le feu, nous ne sommes pas au casino de Montreux en décembre 1971 lors d’un concert de Frank Zappa mais il faut quand même remarquer qu’Asteroid terminait son show sur un morceau de sa composition appelé “Fire”, ça ne s’invente pas. Le véritable responsable de ce micmac est le volume inconsidéré de fumée balancée par le fumigène, sensé créer une atmosphère mystérieuse, comme dans les films de Roger Corman. Aujourd’hui, c’est réussi…

Heureusement, tout rentre dans l’ordre pour le set d’Orange Goblin, qui intervient à 22h30. Ici, pas de transition en douce, la tempête s’abat d’office sur le public dès les premières secondes. Ben Ward, tee-shirt des Damned sur le dos, incendie immédiatement la salle avec sa présence et sa gouaille de grizzly sous caféine. A ses côtés, Martyn Hillard et Joe Hoari tressent des lignes en fer forgé, déversant des kilotonnes de décibels, canalisés par la frappe sidérurgique de Chris Turner, dont la barbe blanchit doucement avec le temps mais qui flingue toujours derrière les fûts. Avec deux des plus méchants titres du nouvel album en guise de démarrage, Orange Goblin cadre immédiatement les propos : ça va démastiquer les tronches pendant une bonne heure et demie.

Je suis contre la scène et je vais subir bravement les assauts des pogoteurs tout en headbanguant comme un damné, complètement emporté par la furie ambiante. Ce qui se passe derrière moi, je n’ose même pas l’imaginer. Je sens parfois des types s’agripper contre mon dos pour ne pas être emporté par le tourbillon des corps promenés d’un bout à l’autre de la salle. Et devant ce chaos, Ben Ward, aiguillonné par cette première date de la tournée, harangue le public, va au contact des poignées de main (il me broie les phalanges une bonne demi-douzaine de fois pendant le show, me donnant même une cannette de bière en remerciement de mon enthousiasme de fan dévoué).

Côté set list, les hommes du Goblin ont dressé la grande table avec un florilège allant chercher au moins un titre dans chacun des sept albums du groupe. Dès le quatrième morceau, Orange Goblin replonge dans son premier album, avec les volutes psychédéliques de “Saruman’s wish”, bien sûr lestées par des assauts plombés de la guitare de Joe Hoari, aussi petit que Ben Ward est immense. On retrouve aussi avec plaisir trois titres enrichis en plutonium venant du très hardcore album “Coup de Grâce”, dont l’herculéen “Your world will hate this” qui termine le show principal. Au passage, les hommes d’Orange Goblin ont rendu hommage au grand Jeff Hanneman, guitariste de Slayer décédé en mai dernier des suites d’une piqûre d’araignée tropicale (quelle perte!) et ont placé un petit extrait du “Seek and Destroy” de Metallica dans un de leurs morceaux, histoire de bien insister sur l’aspect destructeur de leur show.

Le rappel déploie l’artillerie lourde avec un trio de classiques des premiers albums : le roboratif “Blue snow”, l’hyperactif “Quincy the pigboy” et l’impérial “Scorpionica” qui termine d’aplatir ce qui restait encore debout après 90 minutes de pilonnage sonore intensif. Après être sorti des ruines de la salle, je me retrouve à discuter le coup devant le stand du merchandising avec les gars d’Asteroid, tout admiratifs devant mon tee-shirt Captain Beyond, qui fait toujours un bel effet parmi les musiciens de stoner. Si vous vous demandez pourquoi, vous n’êtes pas stoner, mais vous pouvez vous rattraper en écoutant le premier album de Captain Beyond.

Set list Asteroid : Karma / Disappear / Sim-sala-bim / Move a mountain / The exit / Garden / Water / Lady / Time / The big trip beyond / Fire

Set list Orange Goblin : Red tide rising / Round up the horses / Acid trial / Saruman’s wish / Cozmo bozo / Getting high on the bad times / The filthy and the few / They come back (harvest of skulls) / Time travelling blues / Some you win, some you lose / Made of rats / Aquatic fanatic / Your world will hate this // Rappel : Blue snow/ Quincy the pigboy / Scorpionica

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