Des Belges chez les Ch’tis à Boulogne-Sur-Mer
Eh bien oui, je me suis rendu un peu loin chez nos voisins les Ch’tis pour aller y voir un groupe que je tardais à revoir et qu’il y avait très longtemps que j’avais vu : les très attachants artistes qui forment Girls In Hawaii. Le Poulpaphone Festival est organisé depuis neuf ans et propose sur deux jours, pour un prix très démocratique, des groupes rock connus et de réelles découvertes. Pour ce vendredi, il y avait Cats On Trees, Mascarade, Mc2, Willy Moon, Girls In Hawaii et Puggy en tête d’affiche. Le festival Poulpaphone est à sa neuvième édition et se passe sur le site de Garromanche, il s’agit d’une organisation du Comité d’agglomération du Boulonnais. L’accueil du public est exemplaire surtout si vous dites que vous venez de Belgique. Ils sont très bien nos lointains cousins Ch’tis du Nord. Je ne regrette pas d’avoir fait 250 km de routes, de bouchons et trois heures de trajet pour me retrouver dans un festival bien organisé et de taille humaine. Il y a deux scènes : une découverte La Satellite pour Cats On Trees, Mascarade, et Mc2 et la scène principale L’Escale où vont se produire Willy Moon, Girls In Hawaii et Puggy.
Le timing est bien respecté et le premier groupe à se présenter sur la scène découverte, et c’en est vraiment une, est Cats On Trees, un duo toulousain formé de Nina Goern, une pianiste à la voix cristalline haute perchée et de Yohan Hemequin un batteur issu de la musique métal. L’association la plus naturelle est un duo batterie/guitare, mais ici ce n’est pas courant, c’est un duo piano/batterie. Le groupe voit le jour en 2007 et vient nous présenter l’album “All Is Fine” qui sort fin octobre. La complicité est totale entre les deux félins qui ne sortent pas les griffes, mais de douces mélodies bien ficelées. La voix de Nina est particulière et vous marque bien les tympans sans vous les agresser. Les White Stripes vous balancent leur énergie et nos doux félins des morceaux bien ficelés non dénués d’intérêt. La voix de Nina est précise et vous fait penser à la chaleur dégagée par la voix d’Agnès Obel. La batterie sait se faire agressive également, mais sans choquer les tympans délicats. Assurément la découverte et la sensation de la soirée. J’espère bientôt les voir en concert dans notre plat pays. Si ce groupe est très bien entouré et guidé, il peut faire un malheur et très vitre rejoindre le haut du pavé et jouer dans des salles prestigieuses.
Ce très bon moment passé, je me dirige vers l’autre scène pour la prestation d’un rockeur Néo-Zélandais très attachant et très rock’n’roll : Willy Moon. Les cheveux gominés, le look très années 50, les santiags et le blouson noir de rigueur, Willy est très à l’aise sur scène. Il est, comme à l’habitude, accompagné de ses deux musiciennes très sexy, une à la batterie et l’autre, du nom de Megan Fox, à la guitare. Une machine, située à côté de la batteuse très efficace, va vous délivrer des beats électro et hip-hop. Willy, guitare en mains, va nous présenter son premier morceau “Shakin'”. Sa voix nous vient du fin fond des années 50 et est accompagnée d’un son de guitare très rétro. C’est une reprise du classique rhythm’n’blues “I’m Shakin”, que Jack White reprenait lui-même en 2012 sur son album solo. Pour “She Loves Me”, la voix de Willy est découpée et hachée comme au temps du grand Buddy Holly. Willy fait quand même mouche. Il se place dans les pas du groupe Suicide avec un son de basse vicieuse, ici rendue par une machine. “Shakin All Over” est une petite nouvelle dans le répertoire de Willy, c’est la reprise d’un standard écrit par Johnny Kidd And The Pirates en 1960. Cette chanson passée à la sauce très moderne de Willy prend un autre sens, c’est de toute beauté. Avec “Fire”, bien sûr Willy on sait que tu vas le mettre ce feu, et tu l’as mis depuis le début de ton concert et tu le sais bien. La chanson “Railroad Track” est basique, la voix de Willy, la guitare et quelques beats électro et c’est très efficace. C’est le même pour “What I Want”.
“I Put A Spell On You” est une fidèle reprise d’une chanson rhythm’n’blues de 1956 de Screamin’ Jay Hawkins. Willy a utilisé les moyens de maintenant pour recréer les hoquets de voix de l’époque. La guitare se fait dominatrice. Sur “Workin For The Compagny”, le déhanché de Willy est permanent. Il se joue de sa guitariste. Avec “I Wanna Be Your Man”, il a remis à jour la simplicité du rock’n’roll avec une petite claque de guitare dans le visage. “My Girl” est une chanson au refrain accrocheur et aux beats puissants. Dans “Get Up (What You Need)”, la machine lance les sons électro, la voix et la batterie sont puissantes. Cette chanson est novatrice grâce aux beats électro. “Yeah Yeah” est le hit de Willy Moon. Cela bouge pas mal et est très actuel. Allez voir la vidéo qui fait le buzz sur internet. Cette chanson termine très bien ce concert. C’est la seconde fois que je vois Willy en concert, ses chansons sont très courtes, simples, directes et rock’n’roll à la manière percutante des Ramones, celles-ci durent à peine plus de deux minutes. Je pensais avoir un duo comme à Taratata avec le groupe Puggy avec la splendide reprise des Rolling Stones, “Paint’ It Black”, mais cela n’était pas prévu au programme, c’est dommage. Pour cause de timing trop serré, je n’ai malheureusement pas pu voir Mascarade et MC2, mais ce n’est que partie remise.
Je ne bouge plus aux barrières, je suis bien placé et j’attends avec impatience le groupe qui aurait dû être mis en tête d’affiche : Girls In Hawaii. Le troisième album au nom très évocatif d’“Everest” vient de sortir, c’est l’album de la remise en question et surtout du renouveau et un nouvel envol. En 2010, le groupe a malheureusement perdu son batteur dans un accident tragique et Antoine, un frère, mais le groupe, après un passage à vide, a su surmonter ses émotions, se reconstruire et nous faire un petit bijou de musique, un tournant même par rapport au second opus “Plan Your Escape” sorti en 2008. La tournée belge est sold out, les dates françaises sont également à guichets fermés. Le groupe est en tournée européenne et nous revient de Viennes pour cette date de Boulogne et ici, miracle, ce n’est pas complet. Le public est bien présent et au taquet pour accueillir ce groupe très attachant. Girls In Hawai est composé pour ce jour de Lionel Vancauwenberghe (chant et guitare), de son fidèle ami Antoine Wielemans (chant et guitare), de Brice Vancauwenberghe (guitare), de Daniel Offermann à la basse, de François Gustin au clavier et à la guitare et de Boris Gronemberger à la batterie.
Pour les fans de la première heure, les artistes vont commencer par un extrait du second album paru en 2008 avec “This Farm Will End Up In Fire” qui était le morceau d’attaque de cet opus. Pas déroutant pour un sou, on commence donc en grandes pompes. Les voix sont mélancoliques, la basse est sautillante. On passe de suite à du nouveau matériel avec “We Are The Living” et c’est ce qu’on demande, du neuf ! Le public est attentif et les artistes en forme. Lors de mon arrivée au festival, pour le sound check, j’ai entendu “Not Dead”. J’adore ce morceau, je ne vais pas dire qu’il vous glace le sang, mais c’est tout comme, c’est un véritable poème à leur ami, frère et batteur décédé. Cette chanson tourne également le groupe vers l’avenir, vers les sommets. Je l’ai donc écoutée avec recueillement. Un retour en arrière avec “Found In The Ground” extrait du tout premier album “From Here To There”, c’est d’ailleurs leur premier single et c’est moins déroutant pour les fans du début.
À la batterie, Boris Gronemberger a la lourde tâche de remplacer Denis Wielemans, décédé il y a trois ans. De toute évidence, Boris apporte sa touche personnelle aux morceaux des albums précédents comme “Fields Of Gold”, “Time To Forgive The Winter”, “The Fog” ou encore “Birthday Call”. Des titres familiers que l’on retrouve avec de nouvelles sonorités. Une nouvelle réinterprétation à laquelle François Gustin, autre nouveau venu au sein des Girls In Hawaii aux claviers, n’est pas étranger. Alliant énergie, constance et finesse de jeu, celui qui accompagnait Daniel Offermann et Denis Wielemans dans Hallo Kosmo trouve sa place au sein des Girls in Hawaii du renouveau irrémédiablement tourné vers l’avenir. Retour avec “Sun Of The Sons” vers un des tout grands morceaux des Girls, ce qui ravira bien sûr les fans de la première heure. On repasse vers les très bonnes sensations du dernier opus avec “Changes Will Be Lost”, “Switzerland” et le premier single “Misses”, il est pas mal dans son genre. C’est un hommage au disparu et c’est poignant. Avec “Rorscharch”, les Girls donnent plus dans les sons electro et fait valablement évoluer sa musique et c’est encore plus frappant en concert. “Birthday Call” est pour moi l’un des plus beaux et morceaux, le plus abouti de l’avant-dernier opus, c’est du grand Girls et surtout en live, mais cette chanson se refait une nouvelle jeunesse avec les nouveaux membres du groupe. “Flavor” va être le dernier morceau du concert tout en puissance et le point culminant de ces 50 minutes qui ont très vite passé. On se revoit bientôt au Cirque Royal pour un concert encore plus intense en émotions.
Le dernier groupe à passer, devinez qui c’est : Puggy. Ils ne sont plus à présenter. Ils vont comme d’habitude nous faire un show tout en puissance. La scène est petite, mais ils savent occuper l’espace et pendant une heure vont encore nous démontrer leur professionnalisme. Ils vont jouer : “Someone Make No Sound”, “Give Us What We Want”, “Gladys”, “To Win The World”, “Ready Or Not”, “How I Needed You”, “Goes Like This”, “Love That Feeling”, “When You Know”, “Teaser” et “Last Day On Earth”. Puggy, le lendemain, sera à Paris pour l’enregistrement au Zenith de l’émission anniversaire de Taratata. Il est tard, le groupe ne peut même pas entamer son rappel, vous n’avez pas le temps de respirer, ni de prendre un dernier verre, la sécurité vous met dehors, de la salle et du site, en moins de deux. Cela est fait gentiment, mais je trouve cela un peu gonflé, c’était pour moi le seul point négatif de ce festival très bien organisé. Je n’ai donc plus qu’à reprendre mon véhicule et à m’en retourner.