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Vin blanc et Deerhoof : le VK transformé en laboratoire d’expérimentation rock

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J’ai assisté en cette soirée printanière à un concert du groupe américain Deerhoof dont la première partie était assurée par le nouveau projet solo de Joe Haege. Joe n’est pas le dernier venu de la scène alternative de Portland, son projet porte le nom de Vin Blanc/White Wine. Cette belle soirée se passe au Vaartkapoen de Molenbeek, vénérable institution (le V.K.) qui, chaque année depuis 25 ans, vous propose une programmation qui peut la faire rivaliser avec celle de l’A.B., du Botanique ou du Magasin 4. Ce soir, un concert rock alternatif et expérimental. Au V.K, on n’est jamais déçu. L’accueil est parfait, les prix sont très démocratiques, le son est très bon et la programmation soignée et éclectique. La salle est loin d’être sold out, mais un public de connaisseurs est présent. Le concert débute par Vin Blanc/White Wine, le projet solo du très sympathique musicien Joe Haege (31Knots, Tu Fawning, Menomena). Ce petit prodige originaire de Portland est influencé par Peter Gabriel, Tim Cappello, Pet Shop Boys, Depeche Mode, Glen Branca, Billy Joel et Sam Cooke. Avec son collègue, il va nous interpréter : “Tiger”, “Party”, “Make Do”, “Glassy Eye”, “To Be A Mess” et “Enables” qui sont des morceaux issus de son album “In Every But One” sorti en juin 2013. Il assure la première partie de la tournée européenne du groupe Deerhoof. Joe, avec son rock alternatif et expérimental basé sur des boites à rythmes et des samplers, est juste accompagné de sa guitare, de sa voix et de percussions (le second musicien). Il nous fait quand même de belles mélodies pop, parfois hip-hop. L’univers musical est assez hétéroclite, déroutant, mais sa belle voix nous guide parmi la foison des sons divers qui amènent de sacrées mélodies.

Deerhoof est un quartette expérimental de San Francisco, composé de Satomi Matsuzaki (basse et chant), John Dieterich et Ed Rodriguez aux guitares et Greg Saunier à la batterie. C’est un groupe de rock indépendant formé en 1993 à San Francisco. J’ai découvert Deerhoof au hasard d’un concert du groupe Congotronics Vs Rockers, formé de dix musiciens congolais et dix musiciens européens et américains travaillant à l’élaboration d’un répertoire commun et original qui jettera des passerelles entre leurs univers respectifs. La création mondiale du projet a eu lieu au Cirque Royal de Bruxelles, le 12 mai 2011 en ouverture des Nuits du Botanique. J’ai revu Deerhoof par la suite à deux reprises et j’ai été conquis par l’atmosphère créée par ces quatre musiciens originaux. Vous ne resterez pas insensible au jeu de scène particulier et à la voix cristalline de Satomi, au battage fou de ses fûts par Greg et aux improvisations des guitares de John et Ed. Ils n’ont pas de nouvel opus à nous présenter. Ils vont nous interpréter de manière brillante pendant 60 minutes des morceaux sortis de leur discographie bien remplie (15 albums studio).

On débute avec “Fresh Born” qui est extrait de l’album “Offend Maggie” sorti en 2008. Cela commence en douceur pour s’envoler ensuite dans une cacophonie de sons et d’improvisations expérimentales qui font le charme du groupe. J’ai d’ailleurs à ma gauche, un chauffeur de salle prestigieux en la personne de MacCloud Zicmuse, chanteur déjanté et bricoleur du défunt groupe Hoquets. Je peux vous dire qu’en avant-scène, la soirée va être haute en couleur et très zygomatique avec ce loustic qui a d’ailleurs joué avec Deerhoof dans Congotronics Vs Rockers. On poursuit avec “We Do Parties”, un premier extrait de l’album “Breakup Song” sorti en 2012 suivi de “Flower”. On passe ensuite à un cover de Mikis Theodorakis assez déroutant “Let’s Dance The Jet”, présent sur l’album “Deerhoof Vs. Evil” de 2011.

Avec “The Perfect Me”, issu de l’album “Friend Opportunity” sorti en 2007, la rythmique est effrénée, mais le groupe a un son plus pop et plus abordable. L’album a été élaboré après le départ de Chris Cohen, ils étaient alors redevenus un trio. On peut dire que Deerhoof avec sa musique expérimentale est un laboratoire où la moindre idée peut prendre corps. C’est sans doute cela qui rend le groupe si attachant. Un nouvel extrait de l’album “Deerhoof Vs. Evil” de 2011 avec “I Did Crimes For You”. Ce morceau cacophonique et totalement expérimental est de toute beauté et je l’apprécie. On poursuit avec “Buck And Judy”, un extrait de l’album “Offend Maggie” de 2008. La maitrise technique des sons décousus se concrétise avec cette chanson au sommet de l’art de nos Américains préférés.

Un extrait de l’album “Milk Man” va suivre avec “Giga Dance”, un peu punk, brouillon, mais hautement recommandable. On reste dans le dur en passant à “Pinhead”, un époustouflant et osé cover de The Ramones. Un peu un retour aux sources pour moi. On voyage encore dans l’univers très prolifique de Deerhoof avec “Twin Killers”, extrait de l’album “The Runners Four” paru en 2005. C’est sans doute l’album le plus long (20 pistes) de la carrière du groupe. Le morceau est court et reprend à son compte l’héritage bruitiste de Sonic Youth. La voix enfantine et cajoleuse de Satomi est là pour vous séduire, c’est déjà fait depuis longtemps. Retour en 2012 avec “Bad Kids To The Front”, extrait de “Breakup Song”, pour moi l’album le plus parfait et le plus abouti de Deerhoof qui est au sommet de son art. Les sons de guitares sont acérés, les structures chamboulées et les mélodies enfantines nous caressent les tympans avec une grâce casse-gueule et jouissive. La jouissance continue avec “Breakup Songs”, improbable et de toute beauté. Une petite dernière pour terminer en beauté avec un extrait de l’album “Apple O'” de 2003, “Dummy Discards A Heart”. Il faut vous dire que les chansons changent parfois de rythme, de tempo et de mélodie plusieurs fois par minute, ce qui empêche certainement l’ennui.

Quelques minutes d’applaudissements et en rappel on a droit à “Flower”, issu de l’album “Holdypaws” sorti en 1999. Malgré l’insistance du public assez chaud, le groupe ne reviendra plus. Je peux vous signaler que la soirée a été magnifique avec une interactivité complète entre les artistes et le public.

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