L’indie PIAS Nite fait la fête à dEUS
Lorsque l’on évoque les PIAS Nites, on pense bien évidemment au dynamique label qui les a initiées voici cinq ans. Mais on pense également à une vitrine non exhaustive de ce qui se fait de mieux dans le paysage musical indépendant actuel. Ainsi, la soirée rock de cette année rassemblait à Tour & Taxis ce samedi 15 mars des artistes aussi essentiels que dEUS, Girls In Hawaii et John Grant, parmi une kyrielle d’autres… Comme chaque année, les petits plats avaient été mis dans les grands pour accueillir une foule massive dans les meilleures conditions. Nombreux bars, curiosités gastronomiques, PIAS shop et surtout un son impeccablement réglé malgré la vaste étendue du lieu.
Le temps de se mettre en place, c’est dans le Shed 2 Bis (la petite salle) que tout a commencé pour nous avec East India Youth, le projet du jeune anglais William Doyle que l’on avait déjà eu l’occasion de voir à l’œuvre en support de
Factory Floor en octobre dernier. Depuis, son premier album, “Total Strife Forever”, est sorti et a récolté des critiques positives quasi unanimes. Regard fixé sur sa console, le bonhomme s’applique à distiller des sons lancinants qui forment la longue intro de sa prestation. Sa voix affirmée et ses influences psyché planantes posées sur une rythmique infernale donnent à ses compositions une vision pop futuriste qu’une basse ronflante viendra encore gonfler.
Dans le Shed 3 (la salle principale), The Spectors avaient déjà entamé leur prestation. Celle-ci, à peu de choses près calquée sur celle qu’ils avaient proposée la veille en première partie de
Cults à l’AB, leur permettra de poursuivre la promotion de leur EP dont ils vont écouler quelques exemplaires avant sa date officielle de sortie. Outre des extraits de ce disque et leur cover de Brian Jonestown Massacre, ce sont peut-être bien les titres inédits qui font la meilleure impression, à l’instar du final “Wish Me Away” qu’ils n’avaient pas eu le temps de jouer le jour précédent. Mais pour ce faire, ils ont dû laisser tomber “Light Stays Close”. Pas facile d’avoir un set de 35 minutes lorsque l’on vous demande d’en jouer 30…
Retour dans le Shed 2 Bis où le retard s’accumulait puisque l’on est arrivé en plein soundcheck de Champs alors que les deux frangins originaires de l’Île de Wight étaient sensés déjà avoir entamé leur prestation, la première depuis la sortie de leur album “Down Like Gold”. Accompagnés de trois musiciens, ces adeptes d’une country folk basée sur des harmonies vocales vont s’atteler à captiver l’assemblée. Ceci dit, la voix particulière du chanteur et les ambiances quelque peu déprimantes de leurs compositions ne vont pas leur faciliter la tâche. Jusqu’à ce que le bassiste se réveille et avec lui le reste du groupe pour une direction plus pêchue. Un peu tard toutefois car le Shed 3 nous attendaient pour la suite du programme.
Et la suite, c’était Milky Chance dont le single “Stolen Dance” tourne en boucle sur les ondes actuellement. Contrairement aux apparences, il s’agit d’un duo allemand qui a apprivoisé les guitares flamenco pour un résultat rafraîchissant, même si parfois un peu répétitif (l’intro du set aurait sans doute pu être raccourcie). Alors que le chanteur guitariste à la voix rauque (on pense à Marcus Mumford) donne une vision hispanique aux compositions, son compère emballe savamment celles-ci au moyen d’un laboratoire électronique mobile et des percussions ciblées. Et lorsqu’un invité vient poser son harmonica, on passe dans une catégorie lorgnant vers un folk irlandais teinté d’une touche ibérique. Inutile de vous dire que leur single en final provoquera des déhanchements de la part d’un public sous le charme.
Puisque ce n’était pas l’endroit privilégié pour apprécier à sa juste valeur Melanie De Biasio dont l’univers jazzy demande plutôt un environnement feutré, on en a profité pour se restaurer (non, pas d’insectes pour nous mais un luxueux hamburger…) en attendant la montée sur scène de Girls In Hawaii. Les p’tits gars de Braine-l’Alleud sont revenus plus forts et déterminés que jamais suite au coup du sort qui les a frappés de plein fouet en 2010. En quelques mois, le return positif du poignant “Misses”, l’accueil chaleureux du public du Pukkelpop et la sortie de l’excellent “Everest” leur ont permis de regarder de nouveau vers l’avant. Ce ne sont pas les fidèles qui ont assisté à leur
double prestation bruxelloise de novembre dernier qui diront le contraire.
Entamée en douceur avec un convaincant “The Spring”, leur prestation va allègrement dépasser les soixante minutes qui leur avaient été attribuées au départ. Une sorte de répétition générale avant leur passage à l’Olympia de Paris quelques jours plus tard. Un set qui couvrira intelligemment la carrière du groupe, de “Found In The Ground” à “Rorschach” (que l’on n’aurait jamais imaginé voir aussi bien fonctionner sur scène et dont le clip a été tourné ici même à Tour & Taxis) en passant par un speedé “Time To Forgive The Winter”, un efficace “Not Dead” et un excellent “Birthday Call” qui montrera à quel point le batteur remplaçant maîtrise son sujet. Ajoutons-y au passage un nouveau titre (“Connections”) basé sur des parties rêveuses et des envolées typiques. Ils s’octroieront même un rappel qui culminera avec “Flavor” dont la puissante version transcendera les musiciens.
Les horaires étant pour le moins en décalage complet, un petit tour s’imposera dans le Shed 2 Bis pour la fin du set de John Grant que l’on regrettera de ne pas avoir rejoint plus tôt. En effet, la voix chaude du bonhomme couplée aux explosions sonores et aux parties de piano prenantes va nous laisser pantois. A impérativement cocher dans notre agenda lors d’un prochain passage par ici.
En 1994 sortait sur un petit label namurois le premier album d’un groupe anversois en qui personne ne croyait. L’Histoire démontrera pourtant que “Worst Case Scenario” de dEUS allait être le point de départ des golden nineties de la métropole anversoise et l’éclosion d’un groupe au succès international. Tout ça grâce à Bang! qui, pour la petite histoire, rejoindra le groupe Pias en 2008. Pour fêter l’événement, Tom Barman et ses compères donnaient ce soir un concert exclusif pour la Belgique.
Présenté comme la célébration des vingt ans de ce premier album, on s’attendait à voir le groupe en interpréter son intégralité ou tout au moins y plonger généreusement. Mais il n’en a rien été. Il faudra même attendre le tout dernier morceau pour avoir droit au seul extrait de cette plaque, le classique “Suds & Soda”, qui ravagera sans surprise tout sur son passage. Vu qu’ils n’ont joué aucun nouveau titre non plus (mis à part une cover du “Oh Well” de Fleetwood Mac), c’est à un set best of dans la même veine que celui présenté aux Ardentes l’an dernier qu’ils ont proposé.
On a ainsi pu se rendre compte de la qualité constante des compositions de l’ami Tom qui était en grande forme, à l’instar d’un démonstratif Mauro Pawlowski et d’un Klaas Janzoons plus multi-instrumentiste que jamais. Si “Slow” a commencé les débats sur un mode mineur (cela manquait singulièrement de puissance), “The Architect” et “Oh Your God” allaient bien rapidement faire saigner nos oreilles. Et à partir de ce moment, plus rien ne pouvait arrêter la machine : “Instant Street” et son violon accéléré, “Little Arithmetics” et son final stroboscopique, “Quatre Mains” et son style Gainsbourgien. On continue ? Le très orchestral “Keep You Close”, le toujours aussi bouleversant “Nothing Really Ends” ou encore “Bad Timing” d’une intensité rare.
Et encore, on ne vous parle pas des rappels (“Sun Ra”, “Theme From Turnpike” un rien moins flippant que d’habitude et “Roses”) avant que des milliers de paillettes dorées ne soient projetées dans les airs lors du précité “Suds & Soda”. Vingt ans, pas une ride et une conclusion parfaite pour cette PIAS Nite version rock qui a tenu toutes ses promesses. Rendez-vous l’an prochain pour une nouvelle célébration d’un label de plus en plus incontournable.