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DEEP PURPLE joue au Lotto / ‘They Burned Down The Gambling House’

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Mercredi 2 avril 2014. Après la Serbie, la Roumaine, Israël et le Luxembourg, le “Now What ?! World Tour” fait un arrêt ludique au Lotto Arena de Merksem. Et lorsque Deep Purple joue au Lotto, il y a des milliers de gagnants. Ce soir, le poste de chauffagiste a été assigné aux Gantois d’Horses On Fire. Le groupe qui avait, semble t’il, enchanté les oreilles mon ami François lors de son
passage
à l’Ancienne Belgique en avril 2012, se produit aujourd’hui devant un parterre constitué de vétérans des seventies accompagnés de leurs enfants et de leurs petits enfants, de bourgeois en goguette exaltés à l’idée d’emmener bobonne assister à son premier concert rock’n’roll et d’une petite poignée de métallurgistes qui n’ont pas oublié que, toute la musique qu’ils aiment, elle vient de là, elle vient de Deep Purple. Si l’on ne tient pas compte de ces derniers, qui squattent les nombreux bars de la salle en attendant le plat de résistance, la foule hétéroclite semble plutôt réceptive à la musique de la formation flamande (qui, comme il se doit, communique exclusivement dans l’idiome local). En vilain petit canard, je temporiserai un peu les ardeurs enthousiastes de mon estimé collègue de plume. Car si le groupe est assez sympathique, il n’y a quand même pas vraiment de quoi carboniser un canasson dans ce Rock Vintage convenu et trop propre sur lui (NDR : toutes les coupes de cheveux sont exemplaires) interprété par des musiciens, certes doués, mais tellement statiques que l’on se demande parfois s’ils sont éveillés. Pas vraiment mon bol de waterzooi !

20h58. Extinction des feux. Les héros du jour déboulent sur les planches de l’Arena après une intro qui me semble un peu trop guerrière pour un groupe aussi décontracté que Deep Purple (NDR : “Mars, The Bringer Of War” de Gustav Holst). Ian Gillan est vêtu d’un amusant T-shirt ‘imitation smoking’ qui confirme son double statut de clown et de Monsieur Loyal. Roger Glover a toujours l’air aussi cool avec sa barbe blanche et son bandana et je me surprend à penser que, si l’on m’offrait l’opportunité de choisir le look de mes 69 ans (NDR : Glover est né en 1945), j’opterais sans hésiter pour celui du bassiste légendaire. Malheureusement, avec 102 kg de bide et une calvitie culminant à 1m75 d’altitude, je risque de devoir me résigner à devenir le sosie de mon géniteur.

Avec ses circonvolutions semi-progressives et ses vocaux nonchalants, “Après Vous” n’est sans doute pas le meilleur des titres qui soit pour ouvrir un concert. Toutefois, il a le mérite de mettre d’emblée les points sur les ‘i’ : Deep Purple a un nouvel album à vendre ! Promotion oblige, il en interprétera cinq extraits au cours de la soirée. Étant donné l’âge plus que respectable de ses musiciens, le groupe aurait pu décider de partir en pilote automatique et de ne jouer que ses plus grands classiques. Le choix des titres suivants, “Into The Fire” et “Hard Lovin Man” démontre qu’il n’en est rien. Car s’ils sont issus de la période classique du groupe (NDR : tirés du fabuleux “In Rock” de 1970), ils ne sont pas vraiment les compositions les plus incontournables et les plus faciles à apprécier de son répertoire.

Le troisième titre est déjà terminé et Gillan ne s’est toujours pas adressé au public. Quant à Roger Glover et Steve Morse, ils semblent vouloir éviter l’avant-scène. Ajoutons à cela qu’en ce début de soirée, Ian Gillan a les traits un peu tirés et qu’il manque cruellement de souplesse. Ses quelques tentatives de chorégraphies tiennent plus de la crise d’épilepsie que de la cabriole (NDR : je vous l’accorde, on verra comment seront mes entrechats lorsque comme lui, j’entamerai ma septième décennie !). Les héros que je croyais immortels auraient-ils prix un léger coup de mou ?

Alors qu’en chroniqueur consciencieux, je m’apprête à tenter de retranscrire le sentiment de déception qui m’assaille dans un carnet de notes, Purple sort sa carte “Fireball” et nous balance un “Strange Kind Of Woman” des familles. Comme un seul homme, Merksem sort de sa léthargie pour faire frétiller les vestiges de son appendice caudal. Ça y est, la mayonnaise vient enfin de prendre !

Gillan profite de l’effusion générale pour tenter un premier dialogue : ’Nous avons eu une belle journée printanière, pourtant, je sens qu’il y a quelque chose de maléfique là-derrière : c’est sans doute Vincent Price’. Amusante introduction pour “Vincent Price”, l’un des meilleurs titres du “Now What ?!” de 2013. Les sonorités glauquissimes des claviers de Don Airey nous replongent instantanément dans l’ambiance fétide des films horrifiques auxquels a participé l’acteur américain qui a prêté son nom au titre. Ian Gillan, qui s’est éclipsé derrière les haut-parleurs durant les sublimes échanges guitares/claviers, brandit une tête coupée (NDR : en plastique, rassurez vous) pour ajouter un petit grain de délire ‘Alice Cooperien’ à la terreur ambiante.

Le frontman affiche un sourire béat au moment d’introduire le solo de guitare d’un Steve Morse qu’il surnomme amicalement ’The Aviator’. Ce dernier nous fait effectivement planer en se lançant dans une série de loopings instrumentaux qu’il entame par “Contact Lost” (“Bananas”, 2003) et termine par “The Well Dressed Guitar” (“Rapture Of The Deep”, 2005). Entre les deux, il fait encore un détour par le sublime “Uncommon Man” extrait du dernier album et par quelques démonstrations techniques qui, si elles constituent le plus souvent des moments de pur plaisir, nous donnent parfois l’impression qu’il tente de communiquer en utilisant l’alphabet codé inventé au dix-huitième siècle par son homonyme Samuel Finley Breese Morse (un ancêtre ?). Le guitariste termine sa séance de ‘paluchage’ avec une corde cassée. La chose semble avoir fait forte impression sur la gent féminine puisqu’avant de pouvoir passer à la suite, Ian Gillan se voit obligé de ramasser à ses pieds un impressionnant soutien-gorge (bonnet D minimum).

Avec “The Mule”, c’est au tour de Ian Paice de briller. Ce dernier cogne comme un damné dès l’entame du titre et redouble d’intensité lorsque ses collègues se retirent pour le laisser naviguer en solitaire. Inutile de dire que la démonstration est époustouflante. Le terme ‘briller’ utilisé plus haut n’était pas innocent, puisque la seconde partie du solo se fait dans le noir total. Seules les têtes des baquettes du cogneur sont allumées. Pour la petite histoire, des baguettes lumineuses, identiques à celle utilisées par Paice sont en vente au stand merchandising du groupe, pour la modique somme de 100,00 EUR.

Gillan s’empare du micro pour dédier “Above And Beyond” à Jon Lord (NDR : qu’il appelle affectueusement Our beloved Jon Lord). Les écrans géants diffusent d’émouvantes photos du regretté claviériste. Assez logiquement, le titre est enchaîné avec un solo de Don Airey. Fan du claviériste depuis la sortie de son album “K2 – Tales Of Triumph And Tragedy” en 1988, j’attends ce moment avec impatience. Cependant, les cavalcades synthétiques sont de courte durée et me laissent sur ma faim. La frustration s’éclipse lorsque le groupe entame un “Lazy” divertissant, sur lequel Ian Gillan s’essaie à l’harmonica. Après “Hell To Pay” (le dernier extrait de “Now What ?!” de la soirée) Airey nous fait le plaisir de réitérer l’expérience du vagabondage solitaire. Le claviériste est tout simplement lumineux lorsqu’il ballade la salle au gré de ses humeurs en passant de Chopin au blues. Un pur régal.

Deep Purple termine sa prestation en enchaînant une triplette infernale : “Perfect Strangers” fait remuer la foule, “Space Truckin’” l’envoie sur orbite et “Smoke On The Water” lui porte le coup fatal. Les cinq compères gagnent l’avant-scène pour saluer l’arène et la remercier de son accueil chaleureux. Le groupe s’éclipse après avoir distribué ce qui lui reste d’onglets et de baguettes.

’We Want More’ ! Le cri est impératif et le rappel obligatoire. Purple nous offre encore “Hush” enchainé à un fantastique maelstrom sonore concocté par Roger Glover (soutenu rythmiquement par Ian Paice). Alors que nous n’y croyons plus, le groupe au complet réinvestit les planches pour un dernier “Black Night” ferme et définitif. Un ultime au-revoir et la salle s’illumine.

Soyons honnêtes : ce ne fut sans doute pas le meilleur concert donné par Deep Purple dans notre pays. Tant pis, j’ai quand même pris mon pied !

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