Nuits du Bota 2014 : pas (encore) de couronnement pour Royal Blood
Les organisateurs des Nuits du Bota ont fait fort en réunissant sur la même scène deux groupes prometteurs qui font depuis peu les choux gras de la presse musicale spécialisée britannique, Royal Blood et The Amazing Snakeheads. La soirée du jeudi 22 mai s’annonçait donc chaude à l’Orangerie.
Mais avant, ce sont des Canadiens et plus précisément des Québecquois qui ont eu le plaisir d’arbitrer cette lutte au sommet. Solids, c’est un peu le Black Box Revelation local même s’ils doivent sans doute s’inspirer davantage de leurs compatriotes Death From Above 1979. À la différence près que leur son brut est tempéré par une volonté de conserver une ligne mélodieuse, même si celle-ci se retrouve souvent noyée sous une couche de feedbacks.
Le batteur Louis Guillemette ressemble à s’y méprendre à Dave Grohl et la manière dont il frappe sur ses fûts sans compter en arborant un sourire béat n’est certainement pas sa moins grande qualité. À sa droite, le guitariste Xavier Germain Poitras (de succulents noms que l’on se serait voulu de ne pas partager) porte un t-shirt de Parquet Courts, preuve supplémentaire de la direction crasseuse empruntée alors que sa voix rappelle celle de Dexter Holland aux débuts d’Offspring. Ceci dit, on ne comprend pas pourquoi ils se bornent par moments à allonger leurs morceaux alors que justement, c’est dans l’urgence qu’ils sont les plus convaincants.
The Amazing Snakeheads, trio de Glasgow renommé pour ses prestations live incendiaires, a récemment été enrôlé par le très sérieux label indépendant Domino qui a sorti le mois dernier « Amphetamine Ballads », son premier album. Loin d’être des débutants, les trois membres du groupe sont tous proches de la trentaine et ont dès lors un passé musical que certains de leurs compères n’ont pas au même stade de leur carrière.
On a tout de même été surpris en les voyant débarquer sur scène. Tout proprets et arborant un mini tatouage, on les imaginait plus rebelles. Et le fait qu’ils se retrouvent torse nu après quelques titres n’allait pas parler en leur faveur avec leur corpulence de spaghetti. Heureusement, le physique n’est pas tout et, musicalement, leur blues rock sexy allait instantanément envoûter la salle. Imaginez du Jon Spencer Blues Explosion avec des mélodies à la Doors dont les compositions imprévisibles et bourrées de breaks viennent vous caresser l’échine, le tout contées (ou hurlées, plutôt) par une voix rauque à la Tom Waits.
On retiendra également un surprenant duo avec une jeune fille (qui s’avère visiblement être la copine du chanteur) dont la tessiture correspond exactement à celle de Patti Smith. On leur reprochera peut-être le fait d’être un peu éméchés au point de ne piper mot entre les morceaux, laissant une impression de silence froid parmi les spectateurs. Mais dans le même temps, on a pu se régaler avec le non officiel quatrième membre du groupe, roi du tambourin et des maracas mais beaucoup moins convaincant au saxo.
Royal Blood (from Brighton) ne se sont formés que l’an dernier mais leur ascension poursuit une courbe ascendante qui les a vus notamment récolter une nomination dans le célèbre Sound of 2014 de la BBC avant de participer au récent NME Awards Tour en compagnie d’Interpol et de Temples. Il est vrai que le petit coup de pouce de Matt Helders, le batteur d’Arctic Monkeys, n’est sans doute pas étranger à cet engouement. Il a en effet arboré un t-shirt à leur effigie lors de leur prestation en tête d’affiche du festival Glastonbury, avant même la sortie de leur premier single.
Ce soir, ils ont curieusement pris possession de leurs instruments au son du « 99 Problems » de Jay-Z, ce qui ne correspond en rien à leurs univers. Au contraire, on revient dans la mouvance du duo crasseux à la complémentarité insolente (White Stripes, Black Keys et consorts). Sauf qu’ici, Mike Kerr, le chanteur, joue de la basse (ou d’une guitare à quatre cordes, considérant les riffs qu’il en extrait) pour optimiser la rythmique de Ben Thatcher, son complice batteur.
Vocalement (et malgré un nez encombré qui a contraint une bénévole à se presser dans une pharmacie de garde avant le concert), on vogue entre le timbre volontairement rétro de Jack White et celui, plus menaçant de Josh Homme sans jamais toutefois tomber dans le stoner, même si on le frôle quelquefois. Outre les rares titres déjà sortis en single, ce sont majoritairement de nouvelles compositions qui ont orné leur set, avec des appréciations diverses mais bien souvent répétitives. Si celles-ci se retrouveront vraisemblablement sur leur premier album (pas encore annoncé), on est tout de même dubitatif quant à l’empreinte qu’ils laisseront à terme sur le paysage musical. Pour le moment en tout cas. En attendant, laissons-leur le bénéfice du doute et accumuler de l’expérience.