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Wovenhand ou comment ensorceler l’AB

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Fort d’une discographie pléthorique, ce vendredi 6 juin était le cinquième passage de David Eugene Edwards sur les planches de l’Ancienne Belgique avec son projet Wovenhand (si l’on y ajoute les prestations orthographiées sous Woven Hand). Précédé d’une envieuse réputation scénique, il a présenté à un public averti “Refractory Obdurate”, un nouvel album qui vaut clairement le coup d’oreille. Judicieusement, l’AB avait convié les Anversois de Flying Horseman pour introduire la soirée. Le groupe emmené par Bert Dockx a sorti fin de l’année dernière sa troisième plaque, “City Same City”, double et acclamée par la presse spécialisée. Et c’est vrai qu’il est nécessaire de laisser les compositions se développer patiemment en vue d’atteindre leur plénitude. Autant dire qu’une demi-heure risquait de ne pas être suffisante pour laisser leur univers se dévoiler.

Ceci dit, chacun des six musiciens est instantanément concentré sur son sujet. On appréciera particulièrement le bassiste qui triture son instrument avec un archet effiloché et les deux demoiselles claviéristes choristes qui amènent une certaine couleur à l’ensemble. Mais c’est surtout le leader qui capte l’attention avec une voix qui se situe quelque part entre Richard Hawley et Sivert Høyem (Madrugada) alors que ses riffs de guitare bonifient clairement les parties enlevées. On pense à la complexité affichée en son temps par Venus ou aux atmosphères sombres de Mark Lanegan, même si leur style singulier les classe à part dans le paysage musical noir jaune rouge.

À défaut de se prononcer simplement, “Refractory Obdurate” s’avère être un excellent septième album pour Wovenhand. Le groupe fondé par David Eugene Edwards lors d’un break de 16 Horsepower (définitivement consommé en 2005) enchaîne les productions au rythme métronomique d’un disque toutes les années paires mais ne chôme pas le reste du temps puisqu’il lui arrive aussi de composer des musiques de films. L’an dernier, il a également participé à l’enregistrement d’“American Twilight”, l’album du retour du groupe australien Crime & The City Solution.

Ce soir, il va se présenter sous un jour moins mystique que lors de son passage au Dour Festival en 2010 par exemple. D’abord, il va jouer debout, ce qui lui donne une toute autre prestance. Coiffé d’un inamovible chapeau sur une longue tignasse blonde et posté devant un double micro (dont un vintage abondamment utilisé qui lui donne cette voix caractéristique trafiquée et bourrée de reverb), il va se lancer d’emblée dans un nouveau titre, “Hiss”, après quelques incantations dont il a le secret.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela commence fort, surtout qu’une interprétation musclée de “Closer” va prendre le relais sans répit. Si sa communication avec le public sera dans un premier temps réduite à sa plus simple expression, son langage corporel et surtout la gestuelle de ses bras vont le voir s’exprimer bien davantage, au même titre qu’un jeu de guitare tout à fait personnel.

Le line-up du groupe, réputé pour sa géométrie variable, semble désormais avoir trouvé un certain équilibre avec d’excellents musiciens à la complémentarité évidente malgré des styles opposés. Il y a le guitariste latin lover avec son bandana (Chuck French), l’époustouflant bassiste au look de hard rockeur (Neil Kenner) et le batteur cogneur bucheron (Ordy Garrison) dont le point commun réside dans le fait qu’ils sont tous les trois disciples dévoués de l’ami Edwards. Ce dernier, véritable sorcier, n’a aucun mal à envoûter un public consentant et ravi d’assister à cette célébration.

Mis à part l’interprétation d’un titre de 16 Horsepower (“Outlaw Song”), le set principal se répartira entre les deux derniers albums du groupe. Ainsi, on aura l’occasion de se replonger dans “The Laughing Stalk”, sorti en 2012, avec notamment un “Maize” très indien (on imagine aisément le leader devant un tipi au beau milieu d’une réserve naturelle), un névrosé “Long Horn” qui se rapproche des débuts de Nick Cave et un métallique “King O King”, en tout cas dans sa philosophie.

Et c’est ce qui impressionne à l’écoute des extraits de “Refractory Obdurate”. Une puissance et une énergie qui se décuplent en live. Ainsi, “Masonic Youth” (oui, il a aussi de l’humour) et “Corsicana Clip” vont laisser des traces dans les tympans alors qu’“Obdurate Obscura” va nous emporter dans le même trip qu’eux. Le tout se terminera sur un rugueux “Good Shepherd” sans jamais avoir eu l’occasion de souffler.

Un concert sans temps mort, donc, qui connaîtra encore deux salves destructrices au travers du tantinet sombre “Glistening Black” et du plus ancien mais tout aussi chargé “Kicking Bird”. Difficile de sortir indemne d’une prestation aussi intense…

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