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Dour Festival 2014 (Jour 1) : en route avec Détroit, Soulfly et Blood Red Shoes

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Malgré la concurrence des Francofolies et de Tomorrowland, le Dour Festival a fait le plein pour sa vingt-sixième édition, battant au passage des records d’affluence (et de chaleur) tout en confortant sa position de défenseur des musiques alternatives. C’est parti pour un tour d’horizon non exhaustif d’un événement pas comme les autres… Couvrir le Dour Festival, c’est un peu comme revenir à la maison une fois par an pour célébrer une fête de famille. On revoit avec plaisir les mêmes visages, les mêmes sourires et on sait que l’on sera accueillis à bras ouverts dans un stand presse auquel il n’aura manqué que l’air conditionné cette année. Il est vrai que les températures tropicales de jeudi et vendredi vont en faire souffrir plus d’un. Mais lorsque l’on sait ce que la météo peut parfois nous réserver (rappelez-vous le déluge permanent de 2012 et la mer de boue qui a suivi), on ne va pas faire la fine bouche.

Petit tour du propriétaire pour se rendre compte que la Jupiler X Marquee a changé de nom et a été rebaptisée Jupiler Boombox avec un style musical adapté en conséquence. Parallèlement, le site a été agrandi avec l’ajout d’un nouvel espace, Le Terril, pour les festivaliers à la recherche d’un moment de détente, situé non loin d’un Dub Corner désormais permanent. La Cannibal stage a également changé de place, contribuant à l’équilibre du site.


Et c’est d’ailleurs sur cette scène que le premier coup de batterie de notre festival a eu lieu à 13h20 sonnantes, juste après la présentation signée l’increvable Jacques de Pierpont en short, comme le veut la tradition. Sur les planches (et pas entre six), Corbillard dont le punk rock en français dans les textes mettra instantanément l’événement sur orbite. Visuellement, leur concept morbide et délirant à la fois (gerbes de fleurs et stèles sont disséminées entre les instruments) va à l’opposé d’une musique funèbre. Sauf si vous projetez de diffuser Bérurier Noir ou Les Garçons Bouchers pour votre dernier voyage.

Bien que des semblants de mélodies à la Green Day ou Mano Negra fassent leur apparition ça et là, on leur reprochera tout de même les paroles noyées sous les décibels. Elles doivent pourtant être bardées d’humour, si l’on se base sur les titres de leurs disques et le contenu de leur site internet. En face, au Dance Hall, The Tangerines (dont les soundchecks nous avaient donné envie d’en savoir davantage), vont agréablement nous surprendre. Toutes aussi bruyantes mais moins urgentes et surtout plus variées, les compositions des Montois vont leur permettre d’étaler leurs influences psyché guitares en avant, rehaussées par des projections hautes en couleurs. Il est plus que temps de se plonger dans leur premier album, “Somewhere Behind The Noise”.

“Wij zijn Leaf House van Luik”. C’est en ces termes pour le moins surprenants que le groupe emmené par Romain Cupper va ouvrir La Petite Maison dans la Prairie, un endroit que l’on allait abondamment fréquenter quatre jours durant. Si la voix et la basse renvoient timidement à Vampire Weekend, leur environnement moins festif aux sonorités expérimentales ont tôt fait de nous emmener dans la même veine qu’Animal Collective, mais en nettement plus accessible. Ceci dit, la moiteur du chapiteau aura raison de nous. Pendant ce temps, le ska coloré de Rocket Ship domptait un public encore relativement frais.

Le Dance Hall accueillait ensuite les Français de Cheveu dont l’intro mettra du temps à se dessiner avant de laisser le groupe partir dans des délires sonores pas toujours évidents à suivre. La voix trafiquée reste sous-utilisée (on pense davantage à des onomatopées illustrant une sorte de propagande) alors que des beats électro sur des parties de synthé accentuent le caractère saccadé des compositions.

En tout cas, un qui n’a pas de problème capillaire, c’est Giacomo Panarisi, le charismatique leader des délirants Romano Nervoso. Tout de blanc vêtu et paré d’un maquillage bleu à paillettes tranchant avec une barbe abondante, il va assurer le boulot, comme à sa bonne habitude. On ne peut en effet rester de marbre devant ce personnage haut en couleurs alors que le rock ‘n’ roll spaghetti (le terme vient du groupe) distillé par les musiciens achève le travail. Ajoutez à cela une touche de patriotisme (ils ne se séparent jamais d’une plaque de direction mentionnant le nom de leur patelin d’origine, La Louvière) et d’humour (le toujours succulent “Mangia Spaghetti” ou leur surprenante cover d’“Aline” en italien) et on obtient un des groupes belges les plus originaux de sa génération.

Pendant ce temps, Son Lux avait déjà entamé son set à La Petite Maison dans la Prairie. Le prodige New Yorkais, de retour dans un festival belge quelques jours après son passage aux Ardentes, a présenté à un public attentif ses titres à la complexité presque maladive mais dont les arrangements, aussi déstructurés soient-ils, parviennent à les rendre lumineux. Mélodieux avant d’être démonstratif (on appréciera tout de même la manière dont il joue d’un synthé quasiment posé sur sa tranche), on ressent une influence à la Alt-J si ces derniers avaient écouté la pop de Soft Cell, par exemple.

Un autre groupe qui affectionne tout particulièrement les nappes synthétiques, Future Islands, se produisait justement au Dance Hall. Il s’agit d’une sorte de conte de fées car Samuel T. Herring, la tête pensante du groupe, tente en vain d’imposer sa musique depuis 2006. Puis, avec “Singles”, un troisième album au nom prédestiné sorti sur l’influent label 4AD en mars dernier, voilà que tout s’éclaircit. Sans grande surprise, la set-list sera en grande partie puisée dans cette plaque, avec quelques moments éblouissants, “Seasons (Waiting On You)” et “Light House” en tête.


Visuellement, cela vaut le détour car le leader adopte un déhanché bien à lui lorsqu’il se laisse emporter, même si cela frise parfois le ridicule (ou le suggestif). Il a de plus une voix caractéristique que l’on irait presque chercher du côté d’Errol Brown, le chanteur de Hot Chocolate. Malheureusement, sur les titres plus lents, la magie retombe quelque peu, d’autant que, pour la première fois de la journée, le son sera réglé de manière approximative. Ils seront au Botanique le 30 octobre prochain pour un second round qui s’annonce chaud.

La suite allait nous emmener pour la première fois de la journée sur la Last Arena (la scène principale en plein air pour les non initiés) avec le duo infernal Blood Red Shoes, dont le quatrième album est sorti au printemps. Entamé avec “Welcome Home”, le titre instrumental en intro de ce disque qui n’est pas loin d’en constituer un des sommets, le set se poursuivra avec deux autres bombes, “I Wish I Was Someone Better” et “Don’t Ask”. Steven Ansell frappe comme un dingue sur sa batterie mais cela ne va pas suffire à rattraper l’apparente nonchalance de sa compagne Laura-Mary Carter. Celle-ci porte une robe noire et on se demande presque si cela ne cache pas autre chose.

Ses riffs de guitare semblent en effet exécutés de manière machinale et son chant n’atteint plus les sommets d’intensité de rigueur il n’y a pas encore si longtemps. Et si l’on y ajoute les compositions assez faiblardes du petit dernier, on est à même de se demander si l’on n’est pas en train d’assister au chant du cygne d’un groupe qui nous avait pourtant donné une grosse claque lors de son passage ici-même, en 2011. L’avenir nous l’apprendra mais on ne peut s’empêcher de se montrer quelque peu déçus, malgré quelques sursauts qui font tout de même mine d’entretenir la flamme (“Heartsink”, “An Animal”, “Light It Up”).

La puissance allait rester de mise pour la suite puisque Soulfly étaient annoncés sur la Last Arena. Oui, le groupe formé par Max Cavalera après son départ de Sepultura existe toujours et continue d’enregistrer des albums sur base régulière, entre les innombrables projets de son leader (dont Cavalera Conspiracy et Killer Be Killed). Un leader qui a tout de même pris un coup de vieux et qui commence à présenter un certain embonpoint. Il ne bouge en effet plus beaucoup et se contente de triturer fermement sa guitare customisée à l’image de son pantalon bariolé tout en se concentrant sur son chant. Même si, en ce qui le concerne, on devrait plutôt parler d’hurlements…


Ceci dit, il n’a pas oublié comment travailler la foule (“Put your hands in the sky” sera une de ses expressions favorites), la commandant au doigt et à l’œil, au moment de former un double circle pit par exemple. Parallèlement, la bonne surprise viendra du fait que la génération Cavalera suivante est déjà au point. Il suffit de voir comment son fils de 21 ans, Zyon, dompte ses fûts pour s’en convaincre…

Au rayon set-list, “Blood Fire War Hate” entamera les festivités en force et l’intensité ne faiblira pas au travers de titres couvrant la carrière du bonhomme, s’arrêtant notamment sur quelques classiques de Sepultura (“Arise”, “Refuse/Resist”) qui raviveront des souvenirs à un public chaud comme la braise. N’ayant aucunement peur du ridicule, il enfilera même un chapeau des Diables Rouges en fin de set. On ne s’ennuie jamais à un concert de Soulfly.

On a ensuite tenté l’expérience Trash Talk, un groupe qui porte admirablement bien son nom. Entre une puissance sonore démesurée, un leader frappadingue et des spectateurs qui le sont tout autant, aucune chance de s’embêter, à l’inverse du service de sécurité qui a été assez malmené sur ce coup-là.

La dernière fois que Bertrand Cantat a joué à Dour, c’était en 2002 avec Noir Désir et on ne peut pas dire qu’il s’agissait d’un moment mémorable. Depuis, beaucoup de choses se sont passées mais la bonne nouvelle est qu’il revit musicalement au travers de son association avec le (contre)bassiste Pascal Humbert pour le projet Détroit. Même s’ils se connaissent et travaillent ensemble depuis longtemps, les deux hommes ont insufflé une nouvelle dynamique à leurs carrières respectives et l’album “Horizons” n’en est que la pointe de l’iceberg.

Ils ont en tout cas débuté leur prestation simplement à deux sur scène, avec un “Droit dans le soleil” criblé d’approximations. Le public de Dour impressionnerait-il les deux compères ? Heureusement, l’excellent “Ma muse” et un prenant “Le creux de ta main” vont bien vite remettre les pendules à l’heure et le concert sur les bons rails par la même occasion même s’il faudra attendre une version réarrangée de “Le vent nous portera” pour définitivement les sentir à l’aise. Entre-temps, aussi bien “Lazy” que “Le fleuve” vont tirer en longueur (l’harmonica sur ce dernier sera particulièrement pénible). Un peu plus tard, “Sa Majesté” tombera dans les mêmes travers.

Vous l’aurez compris, les titres proposés vont se partager équitablement entre le back catalogue de Noir Désir et celui de Détroit. On vous laissera seuls juges mais, avec le recul, il s’agissait d’un choix aussi discutable que judicieux, quitte à terminer en cover band de luxe (à ce propos, le riff de “Tostaky” laissait à désirer, au contraire du pogo qu’il a généré). Le groupe s’octroiera même le luxe d’un rappel alors que son horaire était déjà largement dépassé. “Comme elle vient” achèvera le travail d’une manière nette et précise. Un set de festival que le groupe adaptera sans aucun doute lors de leurs prochains passages à l’AB les 7 et 8 octobre prochains.

C’est assis dans l’herbe avec une température enfin respirable que notre première journée s’est terminée au son de Bonobo, plus trip hop qu’électro, plus langoureux que remuant avec un visuel époustouflant et une surprenante variété d’instruments. On pense notamment à une flûte traversière dont le son se mariera à merveille avec l’environnement du natif de Brighton. Pendant ce temps, des hordes de campeurs investissaient le site en direction des chapiteaux aux beats assourdissants pour donner vie au monde de la nuit. La nôtre allait au contraire commencer dans le calme…

Photos © 2014 Olivier Bourgi

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