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Dour Festival 2014 (Jour 4) : Phoenix, Blonde Redhead et Kaiser Chiefs pour finir en beauté

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Une fois de plus, notre séjour à Dour aura filé. Mais avant de tirer un trait sur cette édition anniversaire (a-t-on déjà signalé que le festival fêtait cette année son quart de siècle d’existence ?), il restait encore un quatrième jour à l’affiche aussi éclectique que les trois précédents.

Si la pluie de la nuit a rendu le site légèrement boueux (rien à voir toutefois avec les marécages d’il y a deux ans), c’est sous un grand soleil que la majorité de la journée de ce dimanche s’est déroulée. Pourtant, la tenue des deux nanas de Deap Vally était moins affriolante que l’année dernière au Pukkelpop, même si les paillettes qui ornaient celle de la batteuse lui conféraient un style particulier. Les Thelma et Louise du blues rock garage californien ont mis en avant les sons bruts et crasseux qui forment l’ossature de “Sistrionix”, leur premier album. Le souci, c’est qu’elles ne sont qu’à deux et que tout finit par sonner dans la même veine. Un set sexy, mais pas excitant…

Londoniens malgré les apparences et un leader qui parle un français impeccable, Breton s’apprêtaient à donner une prestation aussi exemplaire qu’inattendue. Repérés en 2012 grâce à un premier album, “Other People’s Problems”, pour lequel ils ont laissé libre court à leur imagination débordante et aux bidouillages sonores (ce n’est pas pour rien qu’ils ont baptisé leur QG – une banque désaffectée – Breton Labs), ils sont revenus cette année avec une deuxième plaque qui doit beaucoup à Foals. Musicalement, on a l’impression qu’ils ont étudié la formule du groupe d’Oxford en y injectant des samples (“Legs And Arms”, “Envy”), le chanteur Roman Rappak adoptant même la fameuse mèche de Yannis Philippakis. Mais cela fonctionne et les titres plus anciens bénéficient de ce fait d’une relecture intéressante, le tout avantageusement mis en avant par des projections dynamiques. Une excellente surprise.

Sous la Cannibal stage, les Gallois de Skindred étaient attendus par un public de connaisseurs car ce n’est pas tous les jours qu’un groupe joue une sorte de reggaeton hardcore (ou de rasthardcore, c’est selon), emmené par un chanteur black à dreadlocks. Celui-ci, Benji Webbe, porte ce soir une paire de lunettes blanches, une veste rouge et sur son pied de micro est curieusement accroché un drapeau de l’Union Jack. À ses côtés, un guitariste à la barbe longue. Dès les premières notes, c’est le feu et les adeptes du style se bousculent pour occuper à leur manière l’espace devant la scène, transcendés par la voix de leur maître et les rythmes incendiaires de ses acolytes.

Au même moment, un autre groupe original officiait à la Petite Maison dans la Prairie, King Khan & The Shrines. Dans son style bien à lui, le chanteur moustachu arbore un top mauve à paillettes et un énorme blaireau en guise de couvre-chef. Il est à la tête d’une troupe d’une dizaine de musiciens chevronnés (dont une petite fille qui agite un tambourin et un trio de cuivres déguisés en mariachi). Le tout sonne très psyché soul et est assez atypique mais il faut admettre que l’on se laisse facilement prendre au jeu.

Retour sous la Cannibal stage où les soundchecks de Punish Yourself laissaient présager un set spectaculaire. Ces adeptes du festival de Dour (où ils viennent camper même lorsqu’ils ne sont pas à l’affiche), de la fête d’Halloween et de peinture fluo se chargent eux-mêmes de régler leurs instruments. L’effet de surprise visuel passe donc au second plan mais ils ont plusieurs autres tours dans leur sac, grâce notamment à un couple de danseurs / comédiens qui vont, entre autres, jouer du ruban, adopter des positions suggestives ou se battre à coup de disqueuses, générant des étincelles dignes d’un atelier de soudure. Ce qui fait que leur métal industriel brut entre Nine Inch Nails et Nitzer Ebb passe malgré eux au second plan.

Bref, la prestation (ou en tout cas ce que l’on en a vu) de Connan Mockasin va en conséquence nous paraître sage et sans relief (on n’oserait pas dire moins barbare) alors que les spectateurs présents nous ont pourtant affirmé le contraire. Apparemment, le troubadour néo-zélandais aux cheveux peroxydés et à la chemise à fleurs a un humour assez corrosif dont il va user et abuser. Une salle lui conviendrait mieux, raison de plus pour ne pas le louper lors de son prochain passage.

Sur la Last Arena, Kaiser Chiefs allaient mettre tout le monde d’accord. Ricky Wilson a beau avoir avoué que sa participation en tant que membre du jury de The Voice UK n’avait que pour seul et unique but de vendre plus d’exemplaires du nouvel album de son groupe, il reste un personnage attachant. Le pire, c’est que cela a marché (“Education, Education, Education & War” a été numéro un des charts dès sa sortie… programmée le lendemain de la finale de l’émission). Mais cet album est un retour en forme, malgré le fait que le batteur et membre fondateur Nick Hodgson ait quitté le navire en 2012.

C’est pourtant avec un classique, “Everyday I Love You Less And Less”, que la machine va se mettre en route, non sans mal car le son n’est pas très puissant. Mais les bidons vont s’arranger rapidement, et la personnalité de Ricky Wilson (un autre frontman efficace et drôle comme celui de The Hives la veille) va faire le reste en travaillant la foule. Sans oublier des projections diablement efficaces déclinant le nom du groupe à l’infini. Quant au nouveau batteur, Vijay Mistry, il s’en sort plutôt bien, merci pour lui.

En une heure, le nombre de titres sera bien entendu limité mais force est de constater que les nouvelles compositions (un tiers du set tout de même) tiennent bien la distance, à commencer par “Coming Home” et “Misery Company”, alors que “My Life” sera bientôt un classique aux côtés de “Modern Way”, “Ruby” ou “I Predict A Riot”. Et la plaine a sauté à l’unisson pendant “Oh My God”, final habituel mais intemporel (bon, OK, on exagère un peu). Rendez-vous au Cirque Royal le 8 octobre pour une nouvelle soirée explosive en perspective.

Cela faisait un bout de temps que l’on n’avait plus entendu parler de Blonde Redhead. Leur dernière plaque, “Penny Sparkle”, date en effet de 2010 mais depuis la fin de sa tournée promotionnelle, c’était silence radio. Les retrouver annoncés à un festival en support d’un futur nouvel album (“Barragán” est prévu le jour de la rentrée) nous a donc rappelés à leur bon souvenir. Car le trio emmené par Kazu Makino et les jumeaux Pace a quelque chose de particulier. La voix frêle et nasillarde de la chanteuse, tout d’abord, mais également l’intensité des compositions.

Le souci, c’est que ce soir, malgré une prestation enlevée, il a manqué quelque chose. Peut-être n’auraient-ils pas dû jouer dans une pénombre permanente qui, si elle a favorisé l’atmosphère feutrée du set, n’a en rien facilité la vie des photographes. Ensuite, c’était le premier concert des deux seuls festivals européens à leur agenda cet été, après quelques dates isolées en Asie le mois passé. Pas simple de se remettre dans le bain dans ces conditions, surtout qu’ils ont joué trois nouveaux titres, “No More Honey”, “Mind To Be Had” et “Defeatist Anthem (Harry And I)” devant un public peu nombreux et assez dissipé. Malgré des sommets comme “Spring And By Summer Fall” ou “23” disséminés dans le set, on est restés quelque peu sur notre faim. Ils devraient pouvoir aisément se rattraper le 21 septembre prochain au Botanique pour leur vrai grand retour sur scène.

Les mauvaises langues et les éternels insatisfaits diront que les Français de Phoenix n’avaient pas la stature pour assurer la tête d’affiche d’un dimanche sur la Last Arena. Trop pop, trop propre, trop people, trop pistonné ou trop autre chose. Bon, d’accord, le chanteur Thomas Mars est marié à Sofia Coppola, ce qui a sans doute ouvert des portes au groupe désormais acclamé dans le monde entier, mais est-ce une raison pour s’attarder sur ce point ? Surtout que depuis une mauvaise expérience datant de… 2001 au Bota (avec Ghinzu en première partie pour l’anecdote), ils ont pris de la bouteille et l’ami Mars chante désormais juste.

Entamé avec “Entertainment” et des images du château de Versailles (leur jardin), leur set va se montrer consistant. D’un point de vue musical, tout d’abord. On se rendra compte de la machine à tubes que le groupe est devenue au fil des ans : “Lisztomania”, “Too Young”, “If I Ever Feel Better”, “1901”, on en passe et des meilleures. Au niveau visuel ensuite, en utilisant à merveille l’énorme écran géant derrière eux, couplé à des lumières intelligemment distillées. Enfin, l’occupation d’une scène qui, à aucun moment, ne va sembler trop grande pour eux (mention au batteur dont le jeu énervé dansant va faire un malheur). Sans compter que Thomas Mars est même devenu un vrai showman, n’hésitant pas à se mouiller et braver la foule pour se retrouver plus loin que la console technique. En d’autres mots, ils nous ont étonnés et n’ont pas usurpé leur position.

C’est donc ainsi que s’est terminé notre Dour Festival 2014, avec un petit pincement au cœur, comme à chaque fois. Mais ce n’est que pour mieux revenir l’année prochaine surtout que, dans le cadre de Mons 2015 : Capitale européenne de la Culture, une journée supplémentaire sera ajoutée. Rendez-vous donc du 15 au 19 juillet pour une vingt-septième édition qui s’annonce d’ores et déjà historique.

Photos © 2014 Olivier Bourgi

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