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Alestorm au Biebob : flots de bière et sudation généreuse

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Depuis une quinzaine de jours, des messages subliminaux sournoisement inclus sur “Sunset On The Golden Age”, la plaque flambant neuve des pirates écossais d’Alestorm, me pervertissent l’esprit et me poussent à agir de manière irraisonnée. Le premier de ces messages est clair et sans équivoque et je ne mets pas plus de trois seconde pour tomber dans le panneau : ‘Au diable le régime, fais-toi plaisir… reprend une bière !’. Le second, plus subtil, nécessite de nombreuses écoutes avant de s‘insinuer au plus profond de mon cerveau rudimentaire : ‘Tu dois absolument (re)voir Alestorm sur scène !’. Une fois imprimée dans mon subconscient, la ritournelle devient une obsession et je me surprends à surfer sur le site du Biebob pour commander une entrée. Trop tard. Le concert du 20 septembre est sold-out. J’ai loupé le coche. L’histoire s’arrête là ! Enfin, l’histoire se serait arrêtée là sans l’intervention miraculeuse de l’ami Mike ‘The Flying Dutchman’ De Coene. Le sympathique hollandais, responsable de la promotion du label Napalm Records pour le Benelux, me prend en pitié et tire quelques ficelles afin de caser mon nom, à la dernière minute, sur la guest-list d’Alestorm. Hissez ho ! Cap sur le Biebob !

Feux vert tardif et aléas familiaux du week-end obligent, l’après midi touche presque à sa fin lorsque je suis enfin autorisé à larguer les amarres pour quitter le port d’attache. Je manque donc l’intégralité de la prestation des fêlés Australiens de Troldhaugen et je me contente d’observer d’un peu trop loin les deux derniers titres interprétés par Crimson Shadows. La formation canadienne, dont le dernier album Kings Among Men est un détartrant pour molaires bougrement efficace, ne démérite pas sur les planches et remporte même un très franc succès.

Ce soir, le Biebob est plein comme un œuf et l’atmosphère y est irrespirable. Nombreux, cependant, sont celles et ceux qui préfèrent marquer leur territoire plutôt que profiter de l’intervalle qui sépare les prestations pour aller prendre un bol d’air dans la rue. Je parviens néanmoins à m’approcher un peu de la scène afin de pouvoir profiter du set de Brainstorm. Je l’avoue franchement, je n’attends pas grand-chose de cette formation allemande à laquelle, sans raison particulière, je ne me suis jamais vraiment intéressé. Avec le recul, j’admets volontiers m’être mis le doigt dans l’œil puisqu’Andy B. Franck et ses sbires me flanquent aujourd’hui un sympathique coup de latte dans l’arrière train. Formé en 1989, le quintette fait plutôt figure de patriarche sur cette affiche constituée de groupes relativement jeunes (NDR : Alestorm, la tête d’affiche, n’existe que depuis 2007). Le groupe distille un Power Métal mélodique ultra-carré, truffé de refrains accrocheurs et rehaussé de jolis plans de guitare. Le public du Biebob, qui a manifestement mieux suivi que moi la carrière des teutons, reprend en chœur la plupart des titres. Il faut dire qu’Andy B. Franck (ex-Symphorce, ex-Ivanhoe), non content d’être doté d’un organe vocal aussi puissant que mélodique, est aussi une sympathique bête de scène. Une révélation, donc ? N’exagérons rien ! Un très bon concert, tout simplement.

Il est 21h passée de quelques minutes et la tension monte d’un cran. Le stand merchandising d’Alestorm semble avoir été pris d’assaut et la moitié de la salle arbore désormais un t-shirt flambant neuf aux couleurs du gang écossais. Quelques irréductibles ont carrément choisi d’endosser un costume de pirate ; à chacun ses fantasmes, après tout. L’atmosphère se fait de plus en plus étouffante. C’est dans cette ambiance moite et suffocante que résonnent les premières notes de l’intro “Monkey Island”. Christopher Bowes (chant, keytar) qui a compris qu’il ne pouvait compter que sur lui-même pour s’aérer les parties intimes, investit les planches du Biebob emballé dans un kilt multicolore. Si, d’habitude, je trouve ridicule au possible cette propension qu’ont certains fans de métal à s’attifer d’un accoutrement qui, admettez le, les fait plus ressembler à une bande de travelos en jupe à carreaux qu’à la troupe terrifiante de William Wallace, je dois bien admettre que le petit pirate porte plutôt bien le costume de ses ancêtres et qu’il est franchement loin d’être ridicule.

Alestorm démarre son set avec “Walk The Plank”, le titre qui ouvre également Sunset On The Golden Age) et dont toute la salle semble déjà connaitre les paroles par cœur. Cependant, ce sont les premières notes folkloriques de “The Sunk’n Norwegian” et son fédérateur ‘One More Drink’ qui donnent le véritable départ du chaos festif. Le parterre du Biebob se métamorphose en une immense kermesse païenne où la bière coule à flots. Les corps ondulent, les bras se lèvent, les gorges hurlent et la salle est en nage. L’enchainement avec l’hymne à la boisson par excellence qu’est “Drink” semble pousser tous les bois-sans-soif de la salle à faire le plein de carburant éthylique et tout à coup, c’est l’anarchie. Nombreux sont les fêtards qui passent la durée du concert à faire l’aller-retour entre le bar et la salle, bousculant tout sur leur passage en renversant quelques dizaines de litres de breuvages houblonnés sur les t-shirts de celles et ceux qui ont le malheur de leur barrer la route. Quelques poseurs ont même enlevé leur t-shirt pour exhiber leurs torses semi-bodybuildés et leurs aisselles velues dégoulinantes de sudation. À l’oppressante chaleur, s’ajoute désormais l’odeur infecte de la sueur mélangée à la bière et même, celle du vomi que mon voisin de gauche, visiblement allergique à la combinaison ‘frites+pain saucisse+hectolitre de bière’ vient d’expulser de son estomac avec le sourire béat d’une tête-à-claque. Afin d’éviter la nausée et de soulager mes narines, je tente (sans succès) de plonger mon tarin délicat dans la crête fraichement enduite de gel parfumé du petit punk qui me fait face.

Juchés en haut de leur piédestal, le Capitaine Bowes et ses pirates ne semblent rien percevoir de l’enfer olfactif auquel nous sommes soumis. Le vocaliste, qui écluse de la Duvel au goulot, enchaine hit sur hit : “Over The Seas”, “Shipwrecked”, “Magnetic North “ (et son improbable solo de Keytar), “Back Through Time” (sur lequel Bowes esquisse un pas de dance amusant qui lui donne de petits airs de Mr Bean), “Nancy The Tavern Wench” (et son ambiance folklorique de bouge portuaire), “Midget Saw” (et son riff dévastateur), “Pirate Song”, “Surf Squid Warfare”, et le super-hit “Keelhauled” avec ses Yo-Ho-Ho qui résonnent encore dans ma tête trois jours après le concert. Car l’une des grandes forces d’Alestorm, c’est de savoir écrire des refrains binaires, tout en ‘héhéhé’ et en ‘hohoho’, que l’on peut chanter en chœur , même si l’on ne connait pas vraiment les paroles exactes des chansons. Et ce soir, la foule du Biebob ne se prive pas de ce privilège. Bowes est un amuseur né. Ses introductions et ses commentaires régalent une assistance qui se fend littéralement la poire à chacune de ses interventions. Comme par exemple lorsqu’il raconte qu’un jour, il était si bourré qu’il ne s’est pas rendu compte qu’il avait fait l’amour avec un cheval. Une histoire qui déclenche un fou-rire général, mais qui laisse manifestement Daniel Evans (guitare) éminemment perplexe… “Rumpelkombo”, “The Huntmaster” et “Wenches & Mead” clôturent énergiquement le set.

Mais la salle en veut encore et le ‘We Want More’ est unanime. Le groupe réinvestit les planches sur l’amusante intro ‘typée jeu électronique des années 80’ qui ouvre l’épique “1741 (The Battle Of Cartagena)”. Bowes s’adresse une nouvelle fois à la foule : ‘Vous êtes encore là ? Vous avez beaucoup plus de volonté que moi. Je suis allé voir Alestorm en concert un jour et j’en ai eu marre au bout de deux chansons’… Nous aurons encore droit au géniaux “Wolves Of The Sea” et “Captain Morgan’s Revenge” avant le final ultraburné de l’hymne ultime qu’est “Rum”. Bowes termine le set en plongeant dans une foule qui, au comble de la joie, le porte carrément jusqu’à la sortie.

Quelques longues minutes me sont nécessaires pour effecuter le même trajet, à pied, en tentant d’éviter les ivrognes et la boue de bière, de sueur et de vomi qui jonche le sol. Loin de jouer les Rock Stars inaccessibles Bowes déambule sur le trottoir qui fait face au Biebob et s’adonne gracieusement au jeu des selfies en compagnie d’une horde de fans émerveillés. Ahoy !

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