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Une leçon d’Histoire signée Gruff Rhys

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Jamais à court d’inspiration, Gruff Rhys, le leader des Super Furry Animals, a décidé de se lancer dans un concept ambitieux, mettant à l’honneur un de ses lointains aïeux, l’explorateur gallois John Evans. Décliné en un album, un film, un livre et une application, “American Interior” a également droit à sa version concert dont la date belge était fixée à l’AB Club ce jeudi 16 octobre.

Un AB Club à l’allure encore plus intimiste que d’habitude puisqu’une quarantaine de chaises avaient été disposées devant la scène, alors que quelques tables hautes ornaient les environs du bar. Derrière une console rudimentaire et un porte-guitare se trouve un écran géant sur lequel sera diffusé un documentaire d’une dizaine de minutes servant à introduire le sujet après un bref speech de présentation de l’artiste.

Gruff Rhys apparaîtra tout d’abord vêtu d’un gilet de sauvetage et coiffé d’une tête de loup, qu’il laissera tomber dès le deuxième morceau. Il va donc raconter l’histoire de John Evans qui, à la fin du XVIIIe siècle, va se rendre en Amérique à la recherche des Madogwys, une supposée tribu locale parlant le gaélique, descendants du prince Madoc (celui qui aurait, selon la légende, découvert l’Amérique en 1170…). Pour ce faire, il remontera le Missouri, réalisant au passage la première cartographie du fleuve. Il finira par arriver dans le Dakota du Nord où, à défaut de compatriotes, il rencontrera les “Mandans”, un autre peuple amérindien. Il rentrera bredouille en Louisiane où il décèdera en 1799, âgé d’à peine 27 ans.

Si l’histoire est bien réelle, l’interprétation de l’artiste se veut toute personnelle et agrémentée de différentes photos prises lors d’un voyage aux Etats-Unis en 2012 pendant lequel Gruff Rhys reproduira l’itinéraire de son ancêtre. Ce dernier est représenté par une marionnette géante (présente au bord de la scène) que l’on retrouve sur les clichés en question avec de succulents anachronismes à la clé (on la voit notamment dans le métro de Londres, attablé dans un café ou encore menottes au poing sur une voiture de police).

Mais “American Interior” est surtout un excellent album (récemment nominé pour le Welsh Music Prize), qui prend une toute autre vision à l’écoute des délires du chanteur et de sa faculté à rendre l’histoire passionnante avec l’humour qui le caractérise. Evidemment, ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare vont perdre la moitié des subtilités, mais il va ironiquement penser à eux en s’amusant à brandir des pancartes pré-imprimées (“Applause”, “Louder”, “Thank You”,…) pendant le concert.

Même s’il parle abondamment, ce sont les chansons qui forment l’ossature du spectacle. Les compositions ainsi présentées vont prendre une direction dépouillée (il ne jouera que d’une guitare acoustique) à la limite du bricolage (une boîte à rythme à remonter, des orchestrations sur vinyle,…) car il est tout à fait seul sur scène.

Aux côtés d’“American Interior” (un tube en puissance magnifié par son timbre de voix chaleureux), les titres les plus réussis seront le délicat “Walk Into The Wilderness”, l’uptempo “Liberty (Is Where We’ll Be)” et le très pop “The Last Conquistador” (John Evans, rebaptisé Don Juan Evans, a été emprisonné par les Espagnols avant de collaborer avec eux). Mais ce sera le final “100 Unread Messages” qui va résumer à lui seul la soirée grâce à des paroles illustrant tout à fait le périple de l’explorateur. Pour le reste, on retrouvera bien entendu des bizarreries (Gruff Rhys ne se refait pas) comme “Iolo” et “Allweddellau Allweddol” alors que le plus ancien “Shark Ridden Waters” se glissera dans l’histoire comme un poisson dans l’eau.

Le bonhomme reviendra pour un rappel qui se concentrera sur son back catalogue avec notamment un do it yourself “Sensations In The Dark” à l’harmonica affûté et un “Honey All Over” très réussi. Si l’on hésite quant à la dénomination de l’événement (concert, performance ou spoken word improvisé ?), une chose est claire à nos yeux. Gruff Rhys reste un artiste au talent inversement proportionnel à sa popularité dans nos contrées…

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