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Audrey Horne : l’interview

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Audrey Horne était de passage au Muziekodroom à Hasselt le 28 novembre dernier pour la promotion de son nouvel opus «Pure Heavy» (voir notre chronique). Nous avons eu l’occasion d’interviewer Toschie, le frontmant du groupe norvégien venu de Bergen. Compte rendu de la rencontre. Music in Belgium: Je crois me rappeler que vous venez de Bergen en Norvège, c’est bien cela?

Audrey Horne: Espen (Lien), notre bassiste, Kjetil (Greve), notre batteur et moi-même sommes de Bergen. Ice Dale habite à deux heures de route et doit prendre le ferry pour se rendre à Bergen. Thomas (Tofthagen) habite à Oslo.

MiB: Lorsque le groupe a été créé il y a 12 ans, quelle était votre ambition?

Audrey Horne: Au tout début, je ne faisais pas encore partie du groupe. Ce sont Kjetil et Thomas qui l’ont fondé avec un gars appelé Tom (Tom Cato Visnes aussi surnommé King ov Hell ou tout simplement King) qui faisait partie de Gorgoroth. Tous jouaient une musique assez dure. Parallèlement à cela, ils avaient aussi envie d’écrire du hard rock plus mélodique. La première ambition du groupe fut donc d’écrire de la musique ensemble. Sans plus. De mon côté, mon passé musical se situait plutôt dans le hard rock à tendance hardcore et la pop «bruyante». Jamais je ne m’étais essayé au métal. J’officiais dans le groupe Sylvia Wane.

Après m’avoir vu sur scène, ils m’ont contacté en me disant qu’ils étaient à la recherche d’un chanteur possédant une voix plutôt mélodique. Ils m’ont donc proposé de commencer à chanter pour eux. À l’époque, je ne connaissais que Kjetil. Quand j’ai vu les quelques titres qu’ils avaient écrits, j’ai été frappé par leur qualité d’écriture. J’ai donc proposé quelques lignes de chant et ils ont aimé. Voilà comment les choses ont commencé.



MiB: Le groupe avait-il déjà sa forme actuelle?

Audrey Horne: Non. Quand nous avons commencé à travailler ensemble à l’écriture de nouveaux titres, les autres m’ont annoncé que le groupe allait accueillir un deuxième guitariste. Un gars appelé Arve Isdal. Pour l’anecdote, nous ne nous sommes pas rencontrés tout de suite. Le hasard veut que pendant plusieurs répétitions, je n’ai pas pu être présent quand il était là et vice-versa. On a en quelque sorte joué au jeu du chat et de la souris. Un jour, nous étions dans un bar et il était là. Je suis donc allé le saluer en disant : « Salut, moi c’est Toschie et je pense que nous jouons dans le même groupe ! ». Voilà comment a eu lieu notre première rencontre. Amusant.

MiB: Une fois le groupe créé, que s’est-il passé ensuite?

Audrey Horne: Nous avons commencé à donner quelques concerts avec les titres que nous avions. Au vu des réactions, nous nous sommes dit que nous devions enregistrer les morceaux.

MiB: Vous aviez déjà signé avec un label?

Audrey Horne: Non, nous avons commencé à enregistrer quelques morceaux et après 4 ou 5 concerts, le label Tuba Records nous a fait une offre. Pour nous, c’était le moyen de publier notre musique. Au départ, nous n’avions pas l’intention de devenir un groupe à plein temps. Au départ, nous voulions juste nous amuser en faisant de la musique.

MiB: Comment décririez-vous la musique d’Audrey Horne à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du groupe?

Audrey Horne: Je la qualifierais de hard rock classique. Nous ne sommes pas un groupe « rétro » comme certains groupes dont la production et toute l’image font clairement référence au passé. Je pense à des groupes comme Cadaver ou Graveyard. Ou encore le groupe 77s qui joue en avant-programme. Pour eux, tout est calqué sur la fin des années ’70. Quand Audrey Horne a démarré, on se considérait plutôt comme un groupe de hard rock alternatif inspiré par des modèles post-grunge comme Faith No More ou Alice In Chains. Après, nous avons évolué tout naturellement. C’est un peu comme construire une maison. La première fois qu’on en construit une, on essaie d’y arriver. Les fois suivantes, on peaufine chaque fois un autre aspect. Après 12 ans, nous savons à quoi nous voulons que notre maison ressemble…



MiB: Quelle a été la grande étape suivante?

Audrey Horne: Avec l’arrive d’Espen comme bassiste permanent, Audrey Horne est devenu un groupe permanent à partir du 3e album. Si notre musique a évolué pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui, ce n’est pas d’une manière planifiée. Cela s’est fait de manière naturelle. Nous faisons donc du hard rock classique, mais avec un son moderne.

MiB: Quelles sont vos principales influences musicales?

Audrey Horne: Chaque membre du groupe a des goûts assez différents. Thomas aime la musique old-school, les groupes de hard rock classique, mais c’est aussi un grand fan de David Bowie et des Beatles. Kjetil aime beaucoup la musique progressive tout en aimant lui aussi beaucoup les groupes old-school, comme Motley Crue, Kiss et Van Halen. Tous ces groupes sont notre commun dénominateur, comme aussi Whitesnake et Deep Purple. Quant à Espen, il aime plutôt la musique AOR avec des artistes comme Journey, Rick Springfield ou Foreigner. J’aime ça moi aussi. C’est sans doute moi qui ai les goûts musicaux les plus variés car j’écoute aussi bien de la musique country que du hardcore, en passant par la musique électronique ou encore la musique classique. Je ne me cantonne pas à un genre précis.

MiB: Comment se déroule l’écriture d’un album au sein d’Audrey Horne?

Audrey Horne: Avant, Icedale et Thomas enregistraient des démos et on se retrouvait tous ensemble pour écrire les parties chantées et peaufiner le tout. On commençait alors à enregistrer, couche par couche, d’abord la batterie, puis la basse, ensuite la guitare. Après notre 3e album, nous avons changé de méthode. Nous avions l’impression de devoir tenir compte de trop de paramètres dictés par l’extérieur. Nous nous sommes alors dit qu’il était temps de retrouver ce plaisir à écrire et à jouer. À partir de ce moment-là, nous avons commencé à tout écrire ensemble. On se réunit et chacun propose ses idées, que ce soit un riff de guitare ou un bout de mélodie. C’est la musique qui est composée en premier lieu. Les textes viennent après. En fait, nous faisons des jam sessions qui donnent naissance aux morceaux et l’écriture des textes vient par la suite. Le processus d’écriture dans notre local de répétition représente 80 à 90% du résultat final. J’écris ensuite les lignes mélodiques pour la partie chantée. Ensuite, je m’attèle à l’écriture des paroles proprement dites. Depuis que nous avons adopté ce nouveau processus d’écriture, nous n’enregistrons plus non plus les morceaux par couche. Nous jouons les morceaux en studio dans les conditions du direct. C’est ainsi que nous avons procédé pour les deux derniers albums. Nous avons installé les amplis comme pour un concert. Ensuite, nous avons joué les morceaux jusqu’à obtenir la prise qui nous satisfait. Cette prise n’est pas forcément la mieux jouée, mais c’est celle qui dégage la plus belle énergie. Et ensuite on ajoute éventuellement des overdubs. Pour «Youngblood», il n’y a quasiment eu aucun overdub. Cet album reflète exactement le son du groupe. Pour «Pure Heavy», nous avons eu recours à plus d’overdubs et d’échantillons comme des bruits de train, de cloche d’église, etc.

MiB: L’écriture est donc vraiment un travail collectif chez Audrey Horne?

Audrey Horne: Oui. Tout se fait ensemble. Nous sommes un groupe très démocratique : nous écrivons ensemble, nous prenons les décisions ensemble et nous partageons toutes les rentrées en cinq parts égales. Dans le passé, la part de chacun était fonction de son degré de participation à l’écriture. Puis on s’est dit que c’était trop compliqué et que si chacun s’investit dans le groupe, chacun doit avoir droit à la même chose. Cela a encore renforcé la cohésion et l’entente au sein du groupe. Nous sommes devenus des amis très proches.

MiB: À propos de la maison de disque qui faisait pression pour que vous écriviez un «hit», cette attitude reposait sans doute sur une approche commerciale de votre activité. Pour un groupe comme Audrey Horne, est-il possible de vivre de sa musique aujourd’hui?

Audrey Horne: Pas vraiment. Chacun des membres du groupe a un boulot à côté de sa carrière de musicien. Nous pourrions en vivre s’il n’y avait pas une maison à payer, la voiture, les enfants… Nous avons un métier qui nous plaît, pas seulement un gagne-pain. Pour prendre mon cas personnel, je suis tatoueur. Je m’occupe aussi d’artwork et donc de créer par exemple toutes sortes d’accessoires pour d’autres groupes, comme des T-shirts, etc. Thomas, notre guitariste, est architecte et il adore ce qu’il fait. Ice Dale est essentiellement musicien. Il joue aussi dans Enslaved et donne des cours dans une école de musique. Il initie ses élèves notamment aux techniques d’enregistrement. Kjetil, notre batteur, est infirmier psychiatrique. Il travaille dans un hôpital psychiatrique. Quant a Espen, il est ingénieur et conçoit des prothèses pour les personnes qui ont perdu une jambe ou un bras par exemple. Nous ne sommes donc pas musiciens à plein temps, même si notre musique nous rapporte un peu d’argent. Quand je suis en tournée, je ne gagne rien dans mon salon de tatouage. Mais je gagne de l’argent en jouant sur scène. Cela compense le manque à gagner, ce qui me permet de continuer à payer mes factures quand je rentre chez moi.

MiB: Vos disques se vendent-ils bien?

Audrey Horne: Les ventes de disques sont en baisse d’une manière générale. Elles ne rapportent donc pas énormément et en tout cas beaucoup moins que par le passé. Les artistes doivent donc se produire sur scène. Et comme les ventes de disques se portent mal pour tout le monde, tous les groupes et artistes partent en tournée, même ceux qui snobaient la scène dans le passé. La concurrence est donc rude, ce qui fait baisser le prix du billet d’entrée. C’est un cercle vicieux. Heureusement, l’argent n’a jamais été ce qui nous motive à faire de la musique. Nous prenons autant de plaisir à jouer devant 15 personnes que devant 500. Nous nous donnons autant dans un cas comme dans l’autre.

MiB: C’était un peu le cas à Hasselt où l’audience était assez clairsemée… Et pourtant quel concert!

Audrey Horne: Que la salle soit peu remplie ou que l’on joue à guichet fermé, les spectateurs présents ont tous payé le même prix. Ils ont donc le droit au même spectacle!

MiB: Vous croyez toujours au format « album » dans l’industrie musicale d’aujourd’hui?

Audrey Horne: Nous avons grandi en écoutant des albums. C’est la base de notre culture musicale. Certains artistes trouvent ce format dépassé, trop coûteux et plus vraiment utile. Ils préfèrent sortir des titres séparés. De notre côté, nous voulons avoir le vinyl (ou le cd) entre les mains. Nous continuerons donc toujours à sortir des albums. Le fait est qu’aujourd’hui, les groupes font des albums pour promouvoir leur tournée, car c’est en tournée qu’ils gagnent de l’argent.

MiB: Vous avez toujours des fans très accros qui vous suivent un peu partout?

Audrey Horne: Il y a des fans qui viennent à deux ou trois concerts sur une tournée, ce que je trouve vraiment super.

MiB: Quels contacts entretenez-vous avec vos fans?

Audrey Horne: Nous parlons souvent avec nos fans sur les réseaux sociaux. Certains groupes estiment qu’il faut garder une certaine distance par rapport aux fans. Ce n’est pas notre façon de voir les choses. La meilleur manière d’avoir des fans fidèles, c’est en les traitant avec respect et beaucoup de nos fans sont devenus des bons potes. On se parle assez souvent. Hier encore, quelqu’un m’a envoyé un message sur FaceBook en disant qu’il nous avait acheté un échantillon de très bonnes bières belges et qu’il allait nous les apporter au concert. Nous l’avons invité en backstage pour les déguster ensemble! Sur notre dernier album, vous trouverez d’ailleurs dans la liste des personnes que nous remercions, des fans fidèles que nous avons voulu mettre à l’honneur car leur enthousiasme contribue à la promotion de notre album. Ils nous font une publicité énorme sur internet. De cette manière, ils travaillent en quelque sorte pour nous, même s’ils le font de leur propre initiative et sans aucune forme de rémunération.



MiB: Comment vous situez-vous par rapport à votre image et à l’utilisation que les fans en font, par exemple au moyen de vidéos ou de photos prises lors des concerts?

Audrey Horne: Certains fans nous envoie les liens vers les vidéos qu’ils ont filmées. Nous sommes un groupe qui n’a rien d’artificiel ou de préfabriqué. De ce fait, nous n’avons pas une image à construire. Nous sommes sur scène comme dans la vie. Quand quelqu’un prend des photos de nous, cela ne pose donc aucun problème. Que la photo soit bonne ou moins bonne, c’est une façon d’être présents sur la toile. Et comme nous ne sommes pas parfaits, pourquoi essayer de faire croire que nous le sommes? Cela ne sert à rien. Tant que les personnes qui prennent des photos, y compris les photographes professionnels, ne nous courent pas dans les pieds, ils ne nous dérangent absolument pas, bien au contraire!

MiB: Savez-vous lequel de vos albums s’est le mieux vendu?

Audrey Horne: Je pense que c’est «Youngblood». Après un démarrage plus lent, le nouvel album «Pure Heavy» commence à rattraper «Youngblood». Comme la tournée vient de commencer, cela explique pourquoi les ventes sont en train de décoller. Quand les gens qui viennent au concert aiment ce qu’ils voient et entendent, ils achètent l’album…

MiB: Comment programmez-vous vos tournées? Attendez-vous systématiquement la sortie d’un nouvel album ou partez-vous en tournée juste pour le fun?

Audrey Horne: Pour « Youngblood », nous avons fait une tournée à la sortie de l’album. Mais seulement comme première partie de la tête d’affiche Long Distance Calling. Par la suite, nous avons fait une tournée comme co-headliner avec Karma To Burn et Gold, puis une autre avec Grand Magus et Zodiac. Et enfin, nous avons fait une petite tournée en Grande-Bretagne. Nous ne faisons pas de longues tournées de deux mois par exemple. Nous tournons pendant deux à trois semaines au maximum. Nous préférons faire plusieurs petites tournées plutôt qu’une grande. Cela nous permet aussi de concilier notre activité musicale avec notre vie de famille et notre vie sociale. Il ne faut pas oublier que nous avons aussi tous une activité professionnelle et qu’il ne serait pas possible de nous absenter de manière prolongée.

MiB: Quels sont vos projets pour l’avenir? Que va-t-il se passer avec Audrey Horne dans les mois ou les années à venir?

Audrey Horne: À la fin de cette tournée-ci, ce sera la période des fêtes de fin d’année. Au début de 2015, notre management aimerait que nous fassions une tournée comme première partie d’un grand groupe dans l’espoir de se faire connaître plus largement et de conquérir un nouveau public. On pourrait alors repartir en tournée comme headliner après l’été en espérant attirer plus de monde.

MiB: Quand on a vu Audrey Horne sur scène, on ne peut que rêver d’un cd/dvd/blu-ray live pour vous avoir chez soi, comme si c’était un concert privé. Envisagez-vous de sortir un live?

Audrey Horne: Nous en avons beaucoup parlé et nous avions même monté un projet. Nous avons récemment donné un gros concert chez nous à Bergen. C’était un concert fantastique, avec plus de moyens que pour la tournée. La salle et la scène étaient beaucoup plus grands. La production était très soignée, notamment au niveau de la décoration de la scène. Nous avions envisagé d’enregistrer ce concert, mais la société que nous avions contactée a annulé en dernière minute et nous n’avons plus eu le temps de trouver quelqu’un d’autre pour s’en occuper.



MiB: Cela ne pourrait-il pas se faire dans le cadre d’un projet de crowdfunding permettant aux internautes de participer au financement?

Audrey Horne: Pourquoi pas. Je trouve le concept très sympa. Cela s’inscrit d’ailleurs dans notre philosophie de la musique puisque nous essayons d’associer au maximum le public à la fête quand nous nous produisons sur scène. Un jour, nous avons joué à Freiburg en Allemagne dans une salle d’une capacité de 300 personnes. Ce soir-là, il n’y avait que 12 à 15 personnes. Alors, on s’est installés avec nos instruments dans le public et les gens étaient tout près de nous. Des années plus tard, quand nous jouons quelque part en Allemagne, il arrive qu’un fan vienne nous trouver en disant qu’il ou elle a assisté à ce fameux concert. Et malgré le peu de monde à l’époque, on a tous l’impression que c’était un des meilleurs concerts de notre vie. Certains groupes ne se souviendront que du côté négatif: être obligés de jouer devant presque personne. Mais quand on rencontre des gens qui y étaient, ce qui nous vient à l’esprit c’est: «Ah oui, quel super show. Qu’est-ce qu’on s’est bien marré!». Pour en revenir à la sortie d’un album live, il est clair que nous avons l’intention d’enregistrer un concert et de le sortir en DVD/Blu-ray, mais aucune date n’est encore fixée. J’ai vu un clip sympa d’un groupe hardcore pour lequel ce sont les fans qui sont filmés et pas le groupe. On aperçoit parfois un membre du groupe de dos, mais la caméra suit surtout le public pendant la prestation des artistes. Les gens adorent et je trouve que c’est une perspective très sympa. On va commencer à y penser.

MiB: Quels sont vos projets pour 2015?

Audrey Horne: Nous sommes toujours en train d’écrire des nouveaux morceaux. C’est un processus qui ne s’arrête jamais. Pour le prochain album, nous voudrions changer de producteur et de lieux d’enregistrement. Mais nous continuons aussi la promo de l’album « Pure Heavy ».

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