The Districts, de prometteuses jeunes pousses
C’est une soirée rock ‘n’ roll découverte que le Botanique a mise sur pied ce jeudi 9 avril avec deux jeunes groupes qui risquent bien d’exploser dans les prochains mois. Hype ou pas, la Rotonde était en tout cas généreusement garnie pour la venue conjointe de The Districts et de Yung. Pour la plupart des gens, la scène musicale indépendante danoise se résume actuellement à un seul groupe, Iceage. Mais leurs compatriotes de Yung pourraient bien leur faire de l’ombre ou en tout cas les concurrencer rapidement. Le quatuor originaire d’Aarhus ne fait en effet aucune concession et va jouer pied au plancher à un volume sonore démentiel ce soir. Un résultat inattendu lorsque l’on sait que pendant cinq minutes et avant d’émettre la moindre note, ils se sont affairés à régler des problèmes techniques et finiront pas remplacer un câble récalcitrant.
Il semble d’ailleurs que ce contretemps les ait frustrés quelque peu car le début du set sera assez brouillon, mettant en avant l’énergie plutôt que la mélodie malgré des riffs de guitare incendiaires plein de distorsion, à l’instar de Metz par exemple. Mais au fur et à mesure de l’avancement du concert, leurs compositions se sont révélées et le groupe emmené par Mikkel Holm Silkjær a atteint son rythme de croisière. Toujours aussi rageuses, les influences des Foo Fighters et des Pixies (la basse) ont vu le jour. Quelque chose nous dit que l’on n’a pas fini d’entendre parler d’eux.
Formé en 2009 dans leur Pennsylvanie natale alors qu’ils étaient encore adolescents, The Districts ont sorti par leurs propres moyens un premier album, “Telephone”, en 2012. Depuis, les choses se sont précipitées grâce à un deal avec le label Fat Possum, un triomphe l’an dernier au festival SXSW et la publication récente d’un deuxième album, “A Flourish And A Spoil”, qui a été couronné “Album of the month” par le renommé magasin de disques Rough Trade en février.
Avec de telles références, il était donc essentiel de venir jeter une oreille à ce groupe dont les membres n’ont pas encore tous atteint la vingtaine et qui jouait son premier concert sur le sol belge. Débuté avec “Chlorine”, un des solides extraits de leur nouvelle plaque, on se retrouve par moments dans l’univers des débuts de Kings Of Leon, lorsque ces derniers arboraient un look de hippie et ne passaient pas encore à la radio. La voix nasillarde du chanteur Rob Grote, bébé joufflu aux cheveux bouclés et à la moustache naissante, y est pour beaucoup. En revanche, il est nettement plus dynamique que les frangins de Nashville. Il capte le regard et les autres membres du groupe (dont le nouveau guitariste Pat Cassidy) passent pour ainsi dire visuellement inaperçus.
Si “Rocking Chair” a des relents de Tokyo Police Club, ceux-ci ne sont que passagers car les compositions présentées sur scène ratissent bien plus large. On pense notamment à Neil Young (“Long Distance”) ou à Two Gallants (l’harmonica et les grands espaces du prenant “Funeral Beds”). Mais les extraits du nouvel album sont transcendés par le traitement qu’ils leur réservent sur scène. Prenons l’excellent “Hounds”, les habiles breaks qui jalonnent “Heavy Begs” et l’efficacité presque radiophonique de “Peaches”.
On pourrait peut-être leur reprocher de mettre un temps fou à réaccorder leurs instruments entre les morceaux car au lieu d’assommer les spectateurs en leur envoyant l’uppercut suivant en pleine figure, ils font retomber l’intensité. Même si cela ne porte pas à conséquence sur des titres comme “Silver Bullets” et “Suburban Smell”, interprétés dans une formule pseudo acoustique qui va comme un gant à la voix du chanteur.
La fin du set atteindra un sommet à la hauteur de leur récente réputation, grâce principalement au relevé “Bold” et à l’imparable “4th And Roebling”, le titre qui ouvre “A Flourish And A Spoil” et qui renvoie instantanément aux meilleurs moments des Strokes. Mais ils sont bien plus qu’un pastiche du groupe New Yorkais qui a remis les guitares sur le devant de la scène au début du millénaire. La preuve avec un époustouflant “Young Blood” en rappel pendant lequel le groupe canalisera son énergie débordante et qui se terminera avec un Rob Grote hurlant à même le sol avant de faire mine de démolir son ampli. L’avenir de l’indie rock est entre de bonnes mains.