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Dour Festival 2015 (Jour 2) : un jeudi au soleil

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Au lendemain d’une première soirée bonus qui a tenu toutes ses promesses, la vingt-septième édition du Dour Festival pouvait sérieusement prendre son envol. Une édition qui allait battre tous les records d’affluence avec pas loin de 228.000 spectateurs sur l’ensemble de l’événement, dont 48.000 rien que pour la journée de ce jeudi 16 juillet.
Ceci dit, lors de notre arrivée, la plupart des festivaliers traînaient toujours au camping ou profitaient du soleil généreux qui inondait le site. L’occasion de faire le tour du propriétaire et de repérer les améliorations de l’année. La plus évidente a trait à l’installation d’écrans géants de part et d’autre de la Last Arena (la grande scène en plein air). Dour n’a désormais plus rien à envier aux autres grands festivals européens.

La seconde nous concerne plus particulièrement puisque les trois scènes dédiées majoritairement au rock sont désormais installées dans le même périmètre : la Petite Maison dans la Prairie (capacité de 8.500 spectateurs), la Cannibal Stage (6.500) et une petite nouvelle, le Labo (2.000). Signalons également le lancement du Doureuuuh!, le mini bulletin d’information distribué gratuitement et qui remplace le No Bullshit. Ce cri de guerre orne désormais le merchandising du festival, jusqu’aux bracelets. Sans oublier qu’une attention a été accordée aux festivaliers gourmets grâce à des food trucks de qualité (on pense notamment aux délicieux hamburgers saisis à point sous vos yeux, et accompagnés d’une succulente sauce maison).


Mais avant de passer à table, direction la Petite Maison dans la Prairie pour le set des Recorders qui, en plus de présenter officiellement leur nouveau claviériste, ont balancé deux nouvelles compositions lors des vingt minutes initiales. Deux titres dont la vibe uptempo fait parfois penser à Foals (à moins que ce ne soit le look du leader arborant une barbe à la Yannis Philippakis) et qui ont aisément rattrapé la semi-déception liée à leur passage pseudo acoustique lors des récentes Nuits Botanique.


Notre première visite à la Cannibal Stage se fera au son de Krokodil, un supergroupe hardcore comprenant en son sein Laurent Barnard, le guitariste de Gallows (qui avaient d’ailleurs joué un de leurs derniers shows avec leur ancien chanteur Frank Carter ici à Dour en 2011), mais également le guitariste de Bloodhound Gang et le bassiste de Slipknot. Autant dire qu’ils ne font pas dans la dentelle, malgré une voix noyée dans un mur du son initié par trois guitares lourdes. Le public, quoique clairsemé, ne se fait pas prier pour initier des pogos dont cette tente a le secret, encouragé par un chanteur généreusement tatoué et un tantinet vulgaire…


Changement radical de style au Dance Hall (un nom à ne pas prendre au premier degré avant le début de la soirée) avec Songhoy Blues, des Maliens qui débuteront au son d’un blues traditionnel avant de complètement prendre le chapiteau à contre-pied via des influences métissées agrémentées de danses tribales, le tout exécuté avec un large sourire communicatif de la part de musiciens clairement heureux d’être là (on n’ose pas écrire qu’ils avaient la banane). Doureur Café, en quelque sorte…

Une autre découverte sera au programme de notre après-midi ensoleillée. Isaac Delusion, un type à la voix oscillant entre celle de Jimmy Somerville et d’Antony Hegarty, était en effet en train d’affoler la Petite Maison dans la Prairie. Axé autour de claviers, ses compositions prennent une toute autre saveur lorsqu’il attrape une guitare et qu’une basse disco ronflante l’accompagne. On se retrouve alors dans un environnement instrumental digne des meilleurs maxis des Pet Shop Boys dans les années 80. Il devrait faire un malheur dans les clubs New Yorkais…


Au même endroit, les Néo-Zélandais d’Unknown Mortal Orchestra allaient quant à eux initier une suite de journée en relative demi-teinte. Pourtant, leur troisième album (“Multi-Love”) récolte des critiques positives à la pelle et leur récent concert à l’AB Club s’est retrouvé sold out en moins de deux (ils reviennent d’ailleurs un étage plus bas en novembre). Si l’on fouille dans nos archives, on se rappelle d’une prestation en support de Foster The People à l’Orangerie du Botanique en 2011 et on comprend pourquoi. Le quatuor dévoile une pop sans grand relief, à peine sauvée par des envolées de guitare prétendument nerveuses. Dans le même registre, on préfère encore Two Door Cinema Club


Direction sans attendre la Cannibal Stage où Blues Pills communiaient à coup de sons psychédéliques enrobés de la solide voix d’Elin Larsson, une petite blonde nourrie au son du blues rock analogique de la fin des sixties. Un style que les Californiens de Rival Sons cultivent à merveille également. Ils viennent d’assurer la première partie d’AC/DC à Dessel même si la fin de leur set nous fera plutôt penser à Eric Clapton version classic rock.

Les Ecossais de Young Fathers vont quant à eux nous ramener vers des sonorités actuelles avec une fusion de styles basée sur des percussions (le batteur joue debout, pour l’anecdote). Les lauréats du Mercury Music Prize l’an dernier avec leur premier album (“Dead”) ont battu le fer tant qu’il était chaud en sortant déjà son successeur, “White Men Are Black Men Too”. Mais il semble qu’ils n’ont justement pas pris le temps de le peaufiner, avec au final une réception mitigée. Sur scène, si les beats entrouvrent des possibilités intéressantes, les contours apparaissent trop conventionnels que pour pouvoir être pleinement exploités. Et le peu de monde présent dans la Petite Maison n’a pas aidé.


Les New Yorkais d’A Place To Bury Strangers rencontreront le même problème sous la Cannibal Stage. Une audience clairsemée ne mettra pas en valeur les compositions noisy du trio qui fera honneur à son rang. Des guitares glaciales, une basse lancinante, une voix caverneuse noyée sous les décibels, un volume sonore démentiel et des effets stroboscopiques agressifs en auront rebuté plus d’un. Eux aussi promotionnent une nouvelle plaque (“Transfixiation”) dont les deux titres d’intro empruntent une vision plus post punk mais cela ne se remarque pas sur scène. Pris dans son trip, au beau milieu du set, le bassiste se lancera dans un stage diving qui se terminera aux environs de la table de mixage. Quelques instants plus tard, ses deux compères le rejoindront pour une fin de concert atypique, au beau milieu du public. Mais ils nous avaient habitués à mieux.


On a laissé la gentille Yelle et les revenants Starflam se débattre dans leurs chapiteaux respectifs pour en ramasser une nouvelle fois plein les oreilles avec Kvelertak, des Norvégiens aux têtes de Vikings pour qui la culture métal n’est pas un vain mot. Malgré des soucis avec leur matos en provenance de leur pays natal, ils vont montrer de quel bois ils se chauffent avec un chanteur à la voix criarde proche de celle de Bruce Dickinson (qui se retrouvera rapidement torse nu et qui parviendra même à se cracher dessus) alors qu’une rythmique infernale et des solos de guitare speedés balisent un son à apprécier les oreilles bien protégées. Ce n’est pas pour rien qu’ils vont assurer l’avant-programme de la soirée réunissant Slayer et Anthrax à l’AB en novembre prochain. Quelque chose nous dit qu’ils ne feront pas que de la figuration.


Notre soirée se terminera au son du DJ set de Mark Ronson qui, malgré trois platines et une technique bien moins au point que celle des 2manydjs, parviendra à faire danser la plaine de la machine à feu. Un rien narcissique (il passera deux fois son hit “Uptown Funk” et nombre de ses productions pour notamment Amy Winehouse), il se fait tout de même accompagner par deux rappeurs black sur scène qui confèrent à l’ensemble un semblant de prestation live malgré tout. C’est alors que le monde de la nuit a pris le relais, nous invitant au repos pour se préparer à un troisième jour qui s’annonçait chargé.

Photos © 2015 Olivier Bourgi

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