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Dour Festival 2015 (Jour 3) : la fête nationale avant l’heure

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À l’instar de Greg Van Avermaet qui s’apprêtait à remporter l’étape du jour au Tour de France, la programmation de notre vendredi 17 juillet au Dour Festival allait majoritairement mettre en avant les couleurs nationales. Et cela a commencé tôt puisque l’on était déjà sous le Labo de bonne heure pour le début du set des Liégeois de It It Anita. Soit dit en passant, cette nouvelle scène, en plus d’être la plus petite et vraisemblablement la plus torride du site, sera le théâtre de quelques-uns des meilleurs concerts du festival (on aura l’occasion d’y revenir). It It Anita, donc, qui ont travaillé d’arrache-pied à la composition de leur futur premier album, encouragés par l’excellente réception de leur EP sorti l’an dernier. Et ce que l’on remarque, c’est qu’ils ont musclé leur son tout en accentuant la complexité de leurs compositions, sans les rendre indigestes pour autant. Que du contraire, ils ont fait de cette approche sinueuse un allié en y incorporant des breaks, de longs passages noisy (qui renvoient de temps à autre à Sonic Youth) et des parties chantées avec les tripes. Tout le monde s’y met, y compris le second guitariste à la jambe immobilisée le contraignant à jouer assis. Honest House tient son nouveau groupe fétiche.


Pendant que certains festivaliers recherchaient un coin d’ombre, d’autres, mieux avisés, sont venus se rafraîchir à la Petite Maison dans la Prairie au son de FùGù Mango. Ceux-ci prônent en effet une approche métissée dont les contours ont parfaitement complémenté la température caniculaire du jour.


D’autant que, comme lors des Nuits Botanique, ils étaient accompagnés de Binti, cinq choristes au physique aussi agréable que la chaleur de leurs voix. Celles-ci sont positionnées à l’arrière des quatre Bruxellois qui jouent de front et s’arment d’instruments tous plus exotiques les uns que les autres. Le résultat donne une pop intense et colorée au travers de laquelle Vincent Lontie s’épanouit nettement plus qu’au sein des Bikinians. Ajoutons que leur version de “Golden Brown” donne une nouvelle vision au classique des Stranglers.


Petit détour par le Labo où Alaska Gold Rush, le premier groupe assuré de figurer à l’affiche du festival suite à leur victoire au Concours Circuit en décembre dernier, entamait son set. Fervents défenseurs d’un blues rock ricain intense à l’instar de Two Gallants, les deux musiciens parfaitement complémentaires (un guitariste à la voix rauque et un batteur chevelu) mettent en avant une bande originale parfaite pour les grands espaces désertiques mais paradoxalement inadaptée à la chaleur suffocante du chapiteau cet après-midi.

Au même moment, le plus Scottish des groupes belges affolait la Cannibal Stage. The Black Tartan Clan, ce sont des Bruxellois qui sont tombés dans la marmite celtique lorsqu’ils étaient petits. Outre les deux drapeaux écossais qui ornent leurs amplis, ils portent un kilt (jusqu’au roadie caméraman) et leurs compositions tournent autour d’une cornemuse. Curieusement, l’esprit punk cher aux Pogues fait mouche (le chanteur torse nu tatoué y est pour beaucoup) et l’ambiance est à son comble parmi les spectateurs qui ne se sentiront plus lorsqu’ils entameront le “Blitzkrieg Bop” des Ramones version haggis.


La Last Arena baignée de soleil accueillait ensuite Drenge, les frangins Loveless qui, pour l’enregistrement de leur deuxième album (l’excellent Undertow) se sont adjoints les services d’un de leurs potes, Rob Graham, ex-Wet Nuns, pour assurer les parties de basse. Le désormais trio a pris une dimension supplémentaire et l’approche brute de leur première plaque a fait place à des titres superficiellement plus lisses mais au final tout aussi grunge dans la démarche. Le souci, c’est qu’autant on avait été impressionnés lors de leur visite dans une
Rotonde
généreusement garnie en avril dernier, autant la scène en plein air était bien trop grande pour eux cet après-midi. Un début en mode mineur, illuminé après une quinzaine de minutes par “We Can Do What We Want” suivi d’“I Wanna Break You In Half” retombera ensuite dans une moiteur relative. La canicule à Dour n’a pas toujours que des effets positifs.


On a donc été la contrer en allant boire un verre à la santé de la SABAM qui offrait un fût à l’espace presse en honneur des artistes belges à l’affiche. Mais pas trop longtemps car Zola Jesus débutait au Dance Hall à 17h30 précises (les horaires, à une grosse exception près le samedi, ont été scrupuleusement respectés) et les photographes n’avaient droit qu’à une seule chanson pour cadrer Nika Roza Danilova, la jolie américaine d’origine russe qui arborait un pantalon noir ample et une sorte de camisole en carton. Complètement frappadingue, celle-ci va entamer son set sur des rythmes tribaux avant de se lâcher et de vivre ses compositions mâtinées d’électro présentant par moments des pointes orientales et un certain mysticisme. Un univers bien à elle, qu’elle alimente en dansant tant et plus, en prenant des poses et en escaladant les murs d’amplis.


Le moment le plus attendu de la journée se passait sur la Last Arena avec la légende vivante de l’afrobeat qu’est le batteur Tony Allen sous le pseudo Tony Allen Review. Mais ce qui rendait sa visite immanquable était la présence de deux stars dans leur domaine. Damon Albarn, le chanteur de Blur d’un côté et Oxmo Puccino, le rappeur français de l’autre. Le premier nommé est monté sur scène au terme d’un titre d’intro instrumental exécuté par les six musiciens autour de Tony et s’est installé derrière un piano. De sa voix caractéristique, il a assuré les vocaux des trois titres suivants, souhaitant au passage un bon 75e anniversaire à l’ami Allen (avec trois jours d’avance). Il n’en fallait pas plus pour comprendre l’intérêt du projet Mali Music imaginé par la tête pensante de Gorillaz, sans doute le musicien le plus curieux et éclectique de sa génération. Puis Oxmo Puccino est arrivé et le set a pris une couleur différente. Damon, lui, a filé vers le Portugal où son groupe assurait la tête d’affiche du Super Bock Super Rock Festival à Lisbonne le soir même.

Les Liégeois de Roscoe ont ensuite installé leurs atmosphères sombres mais pas dépressives au Labo, un endroit particulièrement bien adapté à leur état d’esprit. Entamé avec “Marks”, leur set tout en crescendo sera similaire à celui qu’ils avaient joué la semaine précédente aux Ardentes. La voix caverneuse du chanteur y est pour beaucoup dans des compositions qui renvoient désormais davantage à The National qu’à Midlake (le groupe dont ils tirent leur nom), les discrets sons électro en plus. On est curieux de les voir à l’œuvre en février prochain à l’AB.

Pendant ce temps-là, des sons étranges provenant de la Petite Maison dans la Prairie perturbaient la quiétude de Roscoe. Sur scène, à peine visibles derrière d’épais nuages de fumigènes, la silhouette de trois moines. Pour les non-initiés, un concert de Sunn O))) ne se regarde pas, ne s’écoute pas, il se vit. Entre sacrifice, purification, mysticisme et adoration, il a un tel effet sur les spectateurs que ceux-ci deviennent des disciples subjugués par les incantations et les lignes de basse qui font vibrer le corps tout entier jusqu’à la chevelure, quand ils ne s’allongent tout simplement pas sur le sol, hypnotisés par le pouvoir des gourous musiciens. Et lorsqu’un de ceux-ci terminera le concert avec une sorte de couronne métallique à pointes, on se retrouve carrément dans une secte futuriste. Une sacrée expérience (pour ne pas dire une expérience sacrée).

Après une telle claque, le retour à la réalité sera brutal. Surtout que sur la Last Arena, les gentils Wombats présentaient leur pop formatée d’une simplicité affolante, et pas que dans les titres des chansons (“Techno Fan”, “Kill The Director”). Les trois gaillards, après quasi dix ans, se comportent toujours comme des ados et arrivera un moment où quelque chose va clocher (à l’instar des Subways par exemple). Laissons-leur tout de même le mérite d’avoir attiré un paquet de spectateurs au coucher du soleil.

Sur la Cannibal Stage, les légendes du rock industriel Fear Factory se produisaient pour la première fois de leur carrière à Dour, alors qu’ils ont déjà dix albums à leur actif. Ici aussi les bouchons étaient de rigueur (d’une manière générale, le volume sonore des différentes scènes flirtait avec le rouge). Hyper violent, leur son se base sur une rythmique infernale émise via une batterie surdimensionnée aux éléments qui claquent.


Mais nos tympans avaient surtout besoin d’un minimum de répit et c’est paradoxalement au Dance Hall que l’on a trouvé de quoi les chouchouter avec Glass Animals, un groupe dont on commence à parler abondamment. Adeptes d’une pop intelligente dans la lignée de The xx mais en beaucoup moins déprimant, ils vont réussir à maintenir l’attention pendant l’heure qui leur a été attribuée, sans bénéficier d’un matraquage radiophonique qui pourrait pourtant leur assurer un tube. En plus, les protagonistes ont de l’humour. Ils ont notamment imprimé sur la set-list des ananas à hauteur du dernier titre joué, Pools. A suivre en tout cas dès qu’ils repassent dans le coin.


Après toutes ces émotions, un moment de repos s’imposait. Et c’est au Bar du Petit Bois, un havre de paix au cœur du festival que notre soirée s’est terminée, une petite bière à la main en refaisant la journée en compagnie de passionnés. Au loin, les beats endiablés de C2C suivis de la prestation de DJ Fresh (qui, soit dit en passant, commence à avoir une belle collection de tubes). Elle n’est pas belle, la vie de festivalier ?

Photos © 2015 Olivier Bourgi

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