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Dour Festival 2015 (Jour 4) : le Labo en folie

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Quatrième étape de notre pèlerinage annuel en territoire Dourois ce samedi 18 juillet avec une journée équilibrée qui allait se voir confronter un paquet de styles différents. Un esprit propre au Dour Festival depuis plus d’un quart de siècle.

Une journée qui allait débuter de bonne heure et en sueur sous la Cannibal Stage avec la fin du set de T.C.M.F.H. alias The Crazy Motherfucker From Hell dont le drapeau à l’arrière de la scène annonçait la couleur : Fuck You, we’re from Belgium… Hardcore, quand tu nous tiens… Dans le public, quelques acharnés chauffaient déjà le moshpit à l’heure du lunch.

Mais c’est sous le Labo que les choses sérieuses ont vraiment débuté. Toujours aussi torride, ce chapiteau allait encore nous réserver quelques surprises aujourd’hui et la première est venue de The Scrap Dealers, des excellents musiciens qui montent en puissance au moment de peaufiner les enregistrements de leur premier album. Une voix criarde et plaintive se heurte à un mur du son alimenté par trois guitares nerveuses, alors qu’un second vocaliste aussi dingue apporte un succulent délire noisy. Parallèlement, de longues parties instrumentales travaillées et des arrangements judicieux rendent l’ensemble étonnamment accessible. Une bonne claque d’entrée de jeu.


Au contraire de Kennedy’s Bridge qui ouvraient la Petite Maison dans la Prairie avec leur pop aseptisée. Si leurs compositions passent admirablement sur la bande FM, l’épreuve de la scène leur réussit beaucoup moins bien, malgré la fougue de ces jeunes liégeois emmenés par un chanteur black à la voix de fausset.

Retour au Labo pour le concert de Za!, deux espagnols complètement fous qui vont encore plus loin dans leurs délires que leurs compatriotes de Mujeres (dont le concert aux récentes Nuits du Bota avait été épique). Ils commencent leur prestation en traversant le public à partir de l’entrée du chapiteau en jouant de la trompette avant de monter sur scène et de se lancer dans un labyrinthe sonore expérimental qui doit beaucoup au math rock. Cela part dans tous les sens tout en respectant une ligne directrice en filigrane mais le tout fonctionne essentiellement grâce aux facultés de ces deux déjantés de ne pas se prendre au sérieux. Férus d’improvisation et de chorégraphies, ils errent parfois entre gym rock et space rock (Zark Vador, anyone ?). Quarante minutes qui ont marqué les esprits…


Qui se souvient de Late Of The Pier, le groupe électro-punk qui a sorti un unique album en 2008 (le furieux “Fantasy Black Channel”) ? On en a reparlé récemment avec le lancement du nouveau projet de Sam Potter (Black Out) mais aussi avec le décès inopiné du batteur Ross Dawson. Cet après-midi, c’est le leader de l’ex-groupe qui se produisait à Dour. Ceci dit, Samuel Eastgate alias LA Priest, paraissait un peu seul avec ses machines sur la scène de la Petite Maison dans la Prairie. Il s’en est toutefois admirablement sorti grâce à ses facultés de multi-instrumentiste (ses parties à la guitare valaient le déplacement) tandis que les influences expérimentales d’Aphex Twin hantaient les sons synthétiques. Un peu plus loin, d’autres liégeois, The K. (les anciens Kerbcrawlers) affolaient le Labo avec leur rock noisy hyper puissant mais pas lourdingue, malgré un chanteur aux hurlements affolants.


Notre va-et-vient entre cette scène et la Petite Maison s’est poursuivi avec la prestation de BRNS, les Bruxellois qui, à l’exception de l’an dernier, ont joué chaque année au Dour Festival depuis leur formation, et devant une foule de plus en plus nombreuse. Entre-temps, leur premier album, “Patine”, est sorti et le set de ce samedi après-midi lui sera entièrement consacré, à l’exception d’“Our Lights” qui donnera des frissons. Parmi les meilleurs moments, “My Head Is Into You” amené en puissance et “Any House” au final inspiré par Foals en version soft. Dommage ces soucis techniques récurrents qui ont empêché le guitariste Diego Leyder de se donner à fond avec pour conséquence un set moins percutant que la semaine dernière aux Ardentes. Ils restent tout de même un des meilleurs groupes belges sur scène actuels.


Au même endroit leur ont ensuite succédé Timber Timbre, des Canadiens largement inspirés par les grands espaces américains, emmenés par Taylor Kirk, un chanteur à la voix toute aussi désintéressée que chaleureuse. Leur americana prenante devient tout bonnement captivante lors d’envolées maîtrisées alors que certaines parties évoquent des atmosphères sombres chères à Madrugada. Du grand art…


Une des stars du week-end prolongé se nomme Carl Barât. Un type à l’agenda overbooké puisqu’à peine après avoir terminé l‘enregistrement du futur troisième album des Libertines (sortie prévue à la rentrée) en Thaïlande, le voici déjà vêtu de sa veste en cuir de bad boy et de son jeans troué pour une série de dates avec son projet parallèle en tant que leader des Jackals, trois musiciens aussi rock ‘n’ roll que lui. Si l’album sorti en début d’année (“Let It Reign”) tient la route et formera l’ossature de la set-list de ce soir avec des tubes en puissance tels les excellent “Summer In The Trenches” et surtout “March Of The Idle” qui initieront des pogos, les spectateurs, sans surprise, deviendront fous au son d’anciens titres. Ainsi, “Run With The Boys” (Carl Barât solo) ou “Bang Bang You’re Dead” (Dirty Pretty Things) vont faire grimper la température. Mais des versions acoustiques de “France” et de “The Ballad Of Grimaldi” façon Vaya Con Dios constitueront de surprenantes parenthèses. Une prestation nettement plus convaincante qu’à la Rotonde en février dernier.

Sur la Last Arena, les Courtraisiens de Goose effectuaient leur grand retour sur scène (leur dernier album, “Control Control Control”, date de 2012). Toujours aussi efficaces, leurs compositions dansantes à souhait ont une nouvelle fois fait sensation. Le seul hic, c’est qu’un concert de Goose en juillet à 21h (c’est-à-dire en plein jour) n’a qu’un intérêt limité, vu que les effets lumineux bien souvent époustouflants font partie intégrante du spectacle. Cela nous a tout de même inspiré quelques pas de danse et surtout ajouté encore un peu plus d’anticipation quant à leur retour officiel.


Arrêt au Labo avec Jessica93 qui, contrairement aux apparences n’est pas une demoiselle issue d’une quelconque émission de téléréalité mais un artiste français bien masculin armé d’une basse. L’environnement sonore, quelque part entre shoegaze, garage et post punk, tient la route mais le bonhomme est seul sur scène, ce qui a pour effet de décontenancer l’auditoire. On pense par moments à Johnny Hostile, le type qui avait ouvert pour Savages aux
Nuits du Bota
en 2013. En gros, il manque un petit quelque chose car cela devient vite lassant d’un point de vue visuel.


En parlant de visuel barbant, on allait en avoir pour notre argent à la Petite Maison dans la Prairie avec The Drums. Oui, les New Yorkais sont toujours bel et bien là, malgré de nombreux changements de personnel. Ils ont même sorti un troisième album l’année dernière (“Encyclopedia”) qui martèle toujours le même clou. Si leur surf pop en tant que telle n’est pas trop dérangeante (encore que, on comprend de moins en moins son intérêt), le comportement maniéré de leur insupportable chanteur Jonathan Pierce, lui, tape vraiment sur le système. Même leur hit “Let’s Go Surfing” n’a plus aucune saveur. Et dire que l’on avait craqué sur “Down By The Water” à l’époque, un titre qui ne ressemble plus à grand-chose aujourd’hui. Mais où est donc passé le groupe qui a sorti “Summertime”, leur impeccable EP en 2009 ?

On allait continuer dans le pathétique avec le comportement détestable de Lauryn Hill. Pardon, Ms. Lauryn Hill… La diva (qui n’a tout de même sorti qu’un seul album solo en…1998 en plus de celui avec les Fugees) allait monter sur scène avec trente minutes de retard. Et encore, ce n’était que pour s’asseoir sur une chaise, guitare à la main et en pestant sur ses musiciens dans un environnement lumineux bleu absolument hideux (les photographes ne lui disent pas merci mais on se demande si ce n’était pas délibéré au final…).


Soit, il ne nous a pas fallu plus de trois chansons avant d’aller voir ailleurs et de tomber sur une des meilleures prestations de la journée, voire du festival, au Labo (oui, encore…). Moon Duo, c’est le projet parallèle de Ripley Johnson, le leader à la longue barbe blanche de Wooden Shjips et de Sanae Yamada. Pour leur dernier album (l’excellent “Shadow Of The Sun”), ils ont pour la première fois remplacé les boîtes à rythme par un vrai batteur, John Jeffrey, qui les accompagne également sur scène. Délicieusement psychées, leur compositions longues et travaillées prennent vie à la vision des projections lumineuses et criardes pendant que des guitares grunge en avant et des pointes de synthé poppy juste ce qu’il faut ne les illuminent. Une conséquence positive de leur récent déménagement à Portland dans l’Oregon ?

C’est en sortant du Labo que l’on s’est rendu compte qu’il avait commencé à pleuvoir. Les premières gouttes du week-end qui allaient se transformer en véritable déluge pendant la nuit. Il était temps de rejoindre nos pénates. Pendant ce temps, sur la Last Arena, Lauryn Hill chantait ses tubes et une cover de Bob Marley. Dans l’indifférence générale en ce qui nous concerne…

Photos © 2015 Olivier Bourgi

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