Aimee MANN – Ancienne Belgique – 10 mars 2003
Soirée pleine de douceur et de charme que celle qui nous était offerte par Ron Sexsmith et Aimee Mann lundi 10 mars à Bruxelles. Vers 19h30, je retrouve comme prévu devant l’Ancienne Belgique ma complice de concerts, fraîchement rencontrée, Valérie. Et elle n’est pas venue les mains vides, la coquine ! Ce sont 2 bootlegs de Mister Bob Dylan qui m’attendent ! Du live de ’98 à Forest National ainsi qu’un soundboard de la tournée gospel de ’80. A peine arrivé et déjà une furieuse envie d’être chez moi
pour écouter ces merveilles. De véritables pépites, soit dit en passant. Merci Valérie.
Les lumières s’éteignent bien vite. Place est faite au canadien Ron Sexsmith. Il est venu ce soir avec sa seule guitare acoustique comme support. Tout comme il y a quelques mois d’ici alors qu’il ouvrait pour Elvis Costello. Et c’est parti pour un set d’une bonne demi-heure. Qui comprendra 3 ou 4 morceaux de son dernier né
Cobblestone Runway, dont le single “these days”. Sans oublier d’autres chansons de ses précédents disques. On écoute religieusement ses textes… c’est bien joli tout ça… mais, et après ? Sa légère timidité, sa voix fluette et son absence de
présence scénique ne nous aident pas à sortir d’un demi-sommeil. Ecouté au calme chez soi, cela doit sûrement être un plaisir. Mais live, en solo et surtout en tant que première partie, la mission
s’avère assez ingrate.
De toute manière, avec les singersongwriters, il n’y a pas de miracle. Soit la magie opère de façon magistrale, soit au contraire les vaches regardent passer les trains… Ici, la deuxième catégorie nous salue amicalement… La dernière fois que je suis vraiment resté scotché au plancher par la seule présence d’un type et de sa guitare, c’était lors du passage automnal de Chocolate Genius par ici. Depuis, rien vu de réellement transcendant dans ce milieu-là.
Ceci dit, Ron Sexsmith a promis de revenir un de ces quatre avec son band. On tient ça à l’oeil. Comme on dit dans ces cas-là: “il a du potentiel, le petit”.
Court intermède avant Aimee Mann. Une source fiable nous apprend que dès le lendemain, le concert de Neil Young sera annoncé et les places mises immédiatement en vente via internet.
Seul hic : le prix démentiel. De 72 à 125 euros. Ni plus ni moins. Pour le looner, en formule solo et acoustique. A la Ron Sexsmith, quoi…. Boycotter Neil Young, jamais je n’aurais osé le penser. Pourtant, à 125 euros la place, il n’y a pas 36 solutions. Même si l’envie de craquer est immense. Ca alors, deviendrait-on raisonnable ? … et – ô divine surprise – le concert fut sold-out en quelques heures. Ils pourraient encore demander le double, que cela ne changerait rien. Il y aura toujours des acheteurs (bouuhh !) et des boycotteurs (yeaaaaah !).
Les lumières s’éteignent à nouveau. It’s Aimee Mann time !
Musique du genre ‘la croisière s’amuse’, mais en plus classe. Ma voisine me dit “il n’y a que les femmes pour entrer en scène comme ça !”. Euh… oui, sans aucun doute ! Et bigre, qu’ils sont chics, tous. Du haut de sa quarantaine de printemps, Mademoiselle Mann est tout-à-fait charmante. Style new-yorkais. Chemise, cravate, gilet, jeans délavé. A croquer.
Aujourd’hui, c’est l’avant dernière date de la tournée européenne. Et étrangement, elle semble non pas stressée, mais on ne peut plus concentrée. Les quelques premiers morceaux sont joués avec application. Sur un ton très sérieux. Regards échangés entre musiciens. Complicité évidente sur scène. Par contre, juste un petit merci de temps à autre. Et sourires à peine forcés…
Mais la lumière vînt rapidement ! “We’re recording this night, people !”. Tout s’explique ! La tension du début s’estompera d’ailleurs bien rapidement.
Le nouveau disque Lost In Space est allègrement passé en revue. On reconnaît avec délectation les singles qui passent en radio : “humpty dumpty”, “invisible ink” et autres perles. Parce qu’il s’agit bien de perles en fait ! Des chansons délicates, légères, intelligentes. Des textes non dénués de sens. Mis en musique de bien belle manière. Folk, parfois plus pop quand même, mais la carte de la facilité n’est jamais choisie.
Elle occupe le devant de la scène, avec sa guitare en bandoulière. Entourée par ses musiciens. Et une constatation s’impose : Aimee Mann est ravissante. Elle mène le navire d’un manière énergique, sans avoir besoin de beaucoup parler. James Brown dirigeait ses musiciens d’un geste de la main. Aimee le fait avec les yeux. Un seul regard suffit. Elle n’a pas l’air facile, ceci dit… Et c’est exactement ça qui est sidérant chez elle. Halala, les femmes de caractère…
Mais au fur et à mesure, l’ambiance deviendra plus bon enfant. Elle n’hésitera pas d’ailleurs à parler entre les morceaux. Comme lorsqu’elle évoque sa rencontre avec Oasis juste avant que leur premier Definitely Maybe ne sorte. Quand ils n’étaient pas encore les terribles frères Gallagher…
Bref, elle aura donc passé une bonne heure à mettre en évidence les principaux morceaux de son dernier disque ainsi que d’autres de ses précédents. L’album live – à moins que ça soit un cd bonus pour une future réédition… – est donc dans la poche. A présent, on sent qu’elle a envie de jouer plus pour le plaisir.
“What do you wanna hear now ?”…. “Any others requests ?” Il n’en fallait pas tant pour que quelques titres fusent de part et d’autres de la salle. Elle en chope un au hasard en promettant qu’elle le chantera tout à l’heure “quand elle fera semblant de quitter la scène mais qu’en fait tout le monde sait qu’elle reviendra”. Auto-dérision quand tu nous tiens !
Cette fois-ci, et contre toute attente, elle ne jouera pas de reprise des Beatles comme sur la bo de I am Sam (“two of us” avec son mari Michael Penn et “Lucy in the Sky with Diamonds”). Par contre, elle nous raconte le sourire aux lèvres qu’à la télévision anglaise (The Jools Holland Show ?) , on l’avait invitée à reprendre un titre de son choix. Elle comptait sur les bons soins de Steely Dan (“dirty works”) mais la miss avait été trop pointue sur ce coup-là… Pas assez passe-partout lui a-t-on dit… Elle se tourna alors vers la grosse artillerie Coldplay et son “the scientist”. Qu’elle interprète ce soir. Et le
moins que l’on puisse dire, c’est que c’est une sacrée bonne chanson !! Elle l’a reprise au millimètre près, mais avec une telle sensibilité, une telle douceur, mais aussi une telle détermination dans le message… “nobody said it was easy”…
Et cette voix aussi ! Aimee Mann est si frêle qu’on se demande justement d’où elle peut venir cette fameuse voix ! On pense parfois à Chrissie Hynde mais quand le physique suit (désolé, Chrissie…), ça prend une dimension supplémentaire et réellement surprenante.
Mais les aiguilles tournent. Voici le temps des tous derniers morceaux. Elle se plantera d’ailleurs à 2 reprises. “I’m so ***** tired, you’ve no idea !”. Je l’aime encore plus quand elle se goure ! Elle quittera la scène, toute guillerette. Avec un grand sourire. Communicatif, le sourire !
Mais ça ne vaut pas quand même Vanessa Paradis qui, il y a des mois au même endroit, m’avait littéralement déposé sur un petit nuage… Mais faut bien avouer que lorsque Aimee s’empare de la basse ou de sa guitare épiphone rouge, ça nous laisse rêveur aussi !
Bref, au final, une agréable sensation positive nous envahit. Nous avons assisté à un concert fort honorable. On est persuadé que le répertoire pourrait prendre encore davantage d’ampleur sur scène, mais ne soyons pas farouches, en cette heure et demie, Aimee Mann a fait ses preuves !
Applaudissements.
Aimee Mann – Bruxelles – 10 mars 2003