Villagers au Bota : une soirée rassérénante
Bien que “Where Have You Been All My Life?” ne soit pas un nouvel album de Villagers dans le strict sens du terme, Conor O’Brien a tout de même perpétué la tradition en venant le présenter au Botanique, un endroit qu’il fréquente assidument depuis 2010. Ainsi, c’est dans une Orangerie pleine à craquer qu’il s’est produit ce lundi 15 février, à l’occasion du lancement de sa tournée européenne. Il s’agissait donc également d’une grande première pour Ye Vagabonds, le duo composé des frères Brian et Diarmuid Mac Gloinn, qu’il a invités sur les routes avec lui. Fiers de leurs origines dublinoises, ils vont défendre leurs compositions folk acoustiques issues pour la plupart de leur premier EP enregistré en octobre dernier.
Sur scène, leurs douces voix se complètent parfaitement et les instruments traditionnels se succèdent (banjo, violon, ukulélé) pour donner un cachet tantôt moribond tantôt festif à des titres qui n’auraient certainement pas dépareillé dans un pub irlandais rempli de fonctionnaires un vendredi soir, une Guinness à la main (leur cover du “Lowland Of Holland” en était un parfait exemple). Une entrée en matière convaincante et tout à fait pertinente.
La dernière fois que Conor O’Brien est passé dans le coin, c’était lors des Nuits du Bota l’an passé, en support de Patrick Watson au Cirque Royal. Ce jour-là, on avait toutefois privilégié Hot Chip sous le Chapiteau. Un choix délibéré mais qui nous a fait louper la découverte de “Darling Arithmetic”, le troisième album de Villagers sorti quelques semaines plus tôt. Depuis, il s’est enfermé avec son groupe pendant une journée dans les studios RAK à Londres, pour y réenregistrer quelques-unes de ses compositions. Le résultat se retrouve sur “Where Have You Been All My Life?”, sorti au tout début du mois de janvier chez Domino.
La question était de savoir quelle direction allait prendre la prestation du bonhomme : mettre en avant les nouveaux arrangements plus dépouillés ou balancer un set classique intense à la Villagers ? Si l’on excepte “Memoir”, le titre d’intro composé à l’époque pour Charlotte Gainsbourg, la balance allait plutôt pencher vers la seconde option, même s’il faudra y apporter quelques nuances.
Ainsi, une harpe entêtante (le magnifique “Dawning On Me” rehaussé de jeux de lumière opportuns, “The Soul Serene”), des cuivres subtils (“My Lighthouse”) et une contrebasse omniprésente (“Set The Tigers Free”) allaient apporter une vision inédite à des titres au demeurant émotionnellement chargés. Et que dire du piano magique sur “I Saw The Dead” ou “Everything I Am Is Yours”.
Ceci dit, tout cet environnement ne serait rien sans la voix claire et limpide de Conor O’Brien, qui n’a pas son pareil pour conter ses histoires en musique (“Twenty-Seven Strangers” au délicieux orgue à la Procol Harum, sera parfait). Il arbore ce soir une barbe impeccablement taillée et une chemise blanche stricte qui ajoutent une dose de sérieux à un artiste faussement timide. N’oublions pas de mentionner ses camarades de jeu qui, le contrebassiste mis à part, jonglent avec les instruments quand ils n’en jouent pas de deux à la fois. Mention à la claviériste harpiste dont les chœurs vont faire chavirer quelques compositions (“So Naive”, “Hot Scary Summer”).
Mais ce qui impressionne toujours autant lors d’un concert de Villagers, c’est cette facilité déconcertante qu’à l’ami Conor de captiver l’auditoire en un tournemain. Impossible en effet de rester de marbre au son du prenant et parfaitement construit “The Waves” ou du presqu’hypnotique “Occupy Your Mind” alors que “No-One To Blame” au piano mettra un terme au set principal en toute délicatesse.
Le groupe remontera sur scène pour un rappel de trois titres qui, à bien y réfléchir, ne va pas apporter grand-chose à une prestation quasi parfaite jusque-là. Les relativement faibles “Wichita Lineman” et “Courage” entoureront en effet une version big band de “That Day” qui aura toutefois le mérite de sortir de l’ordinaire. Ceci mis à part, un concert de Villagers reste un moment privilégié qu’il convient de savourer pleinement.
Photos © 2016 Denoual Coatleven