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Luca Turilli, Prométhée des temps modernes

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Le 10 février dernier, la modeste salle du Biebob accueillait le groupe Rhapsody de Luca Turilli en tournée pour promouvoir sa dernière œuvre en date intitulée «Prometheus, Symphonia Ignis Divinus». Vu le caractère ambitieux de cette production, la soirée s’annonce faste. À mon arrivée au Biebob, je découvre une salle à moitié remplie seulement. C’est une surprise vu la réputation de la tête d’affiche. Mais il est vrai que deux autres groupes sont à l’affiche et que tout le monde ne se précipite pas pour assister aux prestations des «support bands».


Le premier groupe de la soirée est Qantice, un groupe français de métal symphonique que j’avais eu l’occasion de découvrir au travers de son premier album «The Cosmocinesy» (2009), une espèce de conte futuriste en version métal prog symphonique. Un album incontournable. Dans l’intervalle, le groupe a sorti son second opus «The Phantonauts» (2014). Sur scène, Christine Lanusse à la basse, Yosh Otias au violon, Tony Beaufils (fondateur du groupe) à la guitare, Aurélien Joucla aux fûts et un chanteur invité pour la tournée européenne: David Åkesson (ex-Moonlight Agony).

Très logiquement, la setlist fait la part belle au dernier album en date: «Bygones/Epic Fail» (2014), «Hoverland» (2014), «Pirates» (2009), «Phantonaut» (2014), «The Question» (2009), «Slayers’ Jig» (2014), «Giant of Embers» (2014).

Malgré la qualité intrinsèque indéniable de la musique du la formation française, sa prestation globale me semble en-deçà de ce que l’on pouvait attendre. Est-ce moi ? Est-ce la qualité moyenne du son ? Est-ce le public? Quoi qu’il en soit, si le chanteur a incontestablement une très bonne voix, j’ai l’impression que les mélodies sophistiquées passent moins bien en live. Malgré toute ma sympathie pour la formation francilienne et malgré les efforts déployés par tous les protagonistes sur scène, ils n’arrivent pas vraiment à mettre l’ambiance dans ce Biebob rempli seulement à moitié. À la fin de ce premier set, je me sens donc un peu frustré et je n’ai qu’une hâte, c’est de revoir Qantice en live dans des conditions meilleures!


Le second groupe de la soirée est le groupe italien Temperance qui assure la promotion de son second album «Limitless» (2015) qui succède à «Temperance» (2014). Créé en 2013, le combo italien se compose de Chiara Tricarico (chant), Marco Pastorino (guitare et backing vocals), Sandro Capone (guitare rythmique), Luca Negro (basse) et Giulio Capone (batterie). Le groupe produit une musique comparable à celle d’Amaranthe, mélange de power metal et de métal mélodique/symphonique aux forts accents électro. Je suis très curieux de le voir à l’œuvre pour vérifier s’il est à la hauteur de sa réputation…

Sur la scène, trois micros dont un garni d’un motif floral, sans doute celui de la chanteuse. En début de set, Chiara a l’air moins à l’aise que les autres membres du groupe. Elle s’affranchit au fil des morceaux du set : «Oblivion» (2015), «Hero» (2014), «Amber & Fire» (2015), «Save Me» (2015), «Mr. White» (2015), «Me, Myself & I» (2015) et «Dejavu» (2014). Le public adhère et se manifeste enfin. Les compositions sont redoutables d’efficacité, sur disque comme en live. Le jeu de scène du chanteur guitariste et de la chanteuse fait mouche. Le set passe à une vitesse grand V. Très distrayant et pas désagréable du tout. Avec leur musique très accrocheuse et le charme de Chiara, j’ai la certitude qu’on entendra encore parler de la jeune et prometteuse formation italienne Temperance.


Pour rappel, après avoir quitté en 2011 le groupe de métal symphonique italien Rhapsody, Luca Turilli fonde son propre groupe qu’il nomme Luca Turilli’s Rhapsody. Partagent cette aventure avec lui le guitariste Dominique Leurquin, le bassiste Patrice Guers, le batteur Alex Holzwarth (remplacé aujourd’hui par Alex Landenburg) et le chanteur Alessandro Conti. Rapidement, le groupe signe chez Nuclear Blast et sort son premier album «Ascending To Infinity» en 2012. Trois ans plus tard, Luca Turilli remet le couvert avec une œuvre majeure intitulée «Prometheus, Symphonia Ignis Divinus» sortie en 2015. Œuvre majeure car d’une envergure encore jamais vue auparavant : sept mois de travail de composition, trois mois de production, plus de 50 jours de mixage, deux choeurs, des invités illustres comme Ralf Scheepers (Primal Fear), Dan Lucas (Karo) and David Readman (Pink Cream 69). Le résultat: 70 minutes of de musique à caractère clairement épique, cinématique, bombastique et clairement dramatique. Un voyage qui vous emmène dans des dimensions parallèles retrouver des mythes et des légendes et à la découverte de vérités cosmiques, de secrets ancestraux et de révélations spirituelles.

Avec un projet aussi ambitieux, les attentes du public sont élevées. La salle du Biebob est désormais remplie aux trois quarts pour accueillir la Prometheus Cinematic Tour 2016. Près de la table de mixage, un projecteur qui va visiblement assurer l’animation en toile de fond, ce qui est plutôt rare dans la salle limbourgeoise. Quelques invités de marque sont aussi présents sur scène en plus de l’équipe habituelle: Vannick Eymery (Broken Mirrors) aux claviers, le ténor Riccardo Cecchi et la soprano Emilie Ragni. Tout est en place pour avoir un spectacle de très haut niveau.

La setlist est somptueuse: l’intro «Nova genesis (Ad splendorem angeli triumphantis)» (2015), «Knightrider of Doom» (de l’album «Power of the Dragonflame» de Rhapsody de 2002), «Rosenkreuz (The Rose and the Cross)» (2015), «Land of Immortals» (de l’album «Legendary Tales» de Rhapsody de 1997, l’interlude «Aenigma» suivie de «War of the Universe» (extraits tous deux de l’album solo «Prophet of the Last Eclipse» de Luca Turilli de 2002), «The Dark Secret – Ira Divina» et «Unholy Warcry» (extraits tous deux de l’album «Symphony of Enchanted Lands II – The Dark Secret» de Rhapsody de 2004), «Son of Pain» (de l’album «Triumph or Agony» de Rhapsody Of Fire de 2006), «Prometheus» (2015), «Il cigno nero» (2015), «The Pride of the Tyrant» (2002), «Tormento E Passione» (2012), «Demonheart» (2002), «Dark Fate of Atlantis» (2015), «Of Michael the Archangel and Lucifer’s Fall» (2015), «Dawn of Victory» (de l’album «Dawn of Victory» de Rhapsody de 2000). En rappel: «Quantum X» et «Ascending to Infinity» (2012), «Emerald Sword» (de l’album «Symphony of Enchanted Lands» de Rhapsody de 1998).

Cette setlist caractérisée par un puissant souffle épique est ponctuée de trois solos: guitare, batterie et enfin basse. La virtuosité musicale présente sur scène est hors norme, tant chez les instrumentistes que chez les chanteurs. J’ai noté un recours assez fréquent à des éléments enregistrés (chœurs, etc.). Vu la taille de la scène, les artistes sont par moment dans le faisceau du projecteur, provoquant des ombres dans la partie cinématographique. La fumée assez abondante n’est pas idéale non plus pour la projection. Sans doute la scène du Biebob est-elle un peu trop juste pour ce type de présentation. Nous assistons à des morceaux d’une rare intensité, avec chœurs épiques et chants lyriques, mais aussi d’une extrême virtuosité. Le génie a-t-il un prix? Luca Turilli est-il voué, comme son personnage Prométhée, à payer le prix de son génie? Ses compositions seraient-elles d’une trop grande complexité pour pouvoir s’exprimer dans toutes leurs nuances lors d’un concert? Le public en tout cas n’a pas l’air de se poser trop de questions et profite à fond de cette communion musicale.

À la fin de la soirée, je me sens donc à la fois frustré et heureux d’avoir eu l’occasion d’assister à un concert de cette tournée et je me réjouis à l’avance de réécouter les albums de Rhapsody sur mon installation hi-fi, confortablement installé dans mon canapé.

Photos © 2016 Hugues Timmermans

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