Satan Vs. Bliksem au Magasin 4
Vendredi 8 avril 2016, le nouvel éclair du Thrash belge défie l’antique grand cornu du Métal britannique sur les planches enflammées du Magasin 4.
Note préliminaire : Je tiens à présenter mes excuses solennelles au syndicat des photographes de presse et à nos fidèles lecteurs pour les clichés minables qui illustrent ce compte-rendu. À tort, sans doute, j’ai estimé que quelques photos volées à l’arrache à l’aide d’un téléphone portable était préférables à ‘pas de photos du tout’.
Si l’année Métal belge 2015 a incontestablement été marquée par l’avènement des Evil Invaders et le retour aux affaires d’Ostrogoth, 2016 pourrait très bien se révéler être l’année Bliksem. Mené par la farouche Peggy Meeussen, le gang Thrash Metal anversois foulera cette année la plupart des scènes belges et européennes (NDR : outre les premières parties des tournées européennes d’Anacruisis, Sacred Reich et Metal Church, le
site officiel du groupe annonce des participations à une séries impressionnante de festivals comme, par exemple, le “Roadburn” de Tilburg (Hollande), le “Summerbreeze” de Dinkelsbühl (Allemagne), le “Dokk’em Open Air” de Dokkum (Hollande), le “Female Metal Event” d’Eindhoven (Hollande), le “Nord Open Air” d’Essen (Allemagne), ou encore, plus près de chez nous, le “Retie Rockt” de Retie et le “Kraken Rock & Metal Fest” de Soignies et, à moins de vous terrer dans vos chaumières, il vous sera vraiment difficile de ne pas succomber au ‘coup de foudre’ (NDR : ‘Bliksem’ signifie ‘éclair’ en néerlandais).
Il est 20h30 lorsque Bliksem investit bruyamment la place. En ce début de prestation, le public bruxellois hésite encore à s’approcher des planches. Peggy Meeussen ne ménage aucun effort pour changer cet état de fait. Pieds nus, la bouillonnante vocaliste arpente la scène en expectorant tout ce qu’elle a de trippes. Entre les titres, elle tente de briser ce qui reste de glace en s’exprimant en français (NDR : ce qui a franchement l’air d’énerver ses compagnons de route). Vêtements en charpie et tatouages barrant une poitrine généreusement décolletée, la ‘môme Meeussen’ n’a rien de l’une de ces sylphides Castafiores dont notre collègue Hugues Timmermans nous vante les mérites, mais, bon sang, qu’est-ce qu’elle nous envoie à la face ! Le show de Bliksem, cependant, ne repose pas uniquement sur la prestation furibarde de sa frontwoman et les musiciens (Jan Rammeloo à la basse, Jeroen De Vries et Toon Huet aux guitares et Rob Martin à la batterie) assurent eux aussi en délivrant avec hargne un Thrash Metal puissant et truffé de variations de tempo. Le style du groupe est résolument moderne tout en restant respectueux d’une certaine vieille école. Après une prestation aussi convaincante, un passage au stand merchandising s’impose. “Gruesome Masterpiece”, le dernier opus en date (NDR sorti l’été dernier sur le label allemand Iron Will) y est disponible dans une superbe version LP Gatefold. Indispensable !
De toutes les résurrections de formations cultes de la N.W.O.B.H.M. auxquelles nous avons assisté au cours des dernières années, celle de Satan, en 2012, fut sans doute la plus réussie. Pour quelqu’un qui, comme votre serviteur, considère l’album “Court In The Act” de 1983 de comme l’un des chefs d’œuvre ultimes du genre et qui désespérais de ne jamais avoir eu l’opportunité de voir le groupe sur scène à l’époque de sa sortie, ce retour aux affaires avec, qui plus est, l’immense Brian Ross derrière le micro tient du rêve éveillé. Depuis son retour, Satan s’évertue à nous faire oublier sa trop longue absence. Outre la publication de deux albums studio absolument indispensables “Life Sentence” (2013) et “Atom By Atom” (2015), le groupe s’est produit chaque année dans notre petit pays (NDR : au ‘Ages Of Metal’ en 2012, à ‘l’Alcatraz’ en 2013, au ‘Puntpop’ en 2014 et à Dendermonde en 2015).
Pour son premier passage à Bruxelles, Satan s’offre un auditoire conséquent. Au sein de la foule des headbangers lambda on reconnait quelques icones métalliques de la captitale comme par example, l’antique (mais toujours flamboyante) crinière rouge d’Anik du Hard Rock Market ou encore le non moins antique ‘as de pique’ clouté de Patchouli, le père spirituel de tous les chroniqueurs Metal de Belgique.
Le concert démarre sur des chapeaux de roues avec l’ultra speedé “Siege Mentality”, enchainé au plus mélodique “Incantations”, tous deux extrait de l’album “Life Sentence” de 2013. Si nous nous étions inquiétés en voyant Brian Ross traverser la salle le dos vouté et la mine déconfite peu avant la prestation de Bliksem, nous sommes désormais complètement rassurés. Impérial derrière ses éternelles lunettes noires, le vocaliste semble être au top de ses performances vocales dès qu’il s’empare du micro.
Vient ensuite “The Devil’s Infantry”, une véritable pièce d’artillerie sonique extraite de album “Atom By Atom”. Dédié aux victimes des attentats de Paris et de Bruxelles, le titre est salué par une salve d’applaudissements. C’est un titre rapide, presque Thrash, entrecoupé de superbes duels de guitares qui rappellent tout ce que la paire de bretteurs formée par Russ Tippins et Steve Ramsey doit à Judas Priest et à Thin Lizzy (NDR : Ramsey arbore d’ailleurs fièrement une chemise noire estampillée du logo du groupe de Phil Lynott). “Break Free”, qui marque le premier retour à l’album classique de 1983 est génère un mouvement de foule en direction des premiers rangs.
Avant d’aborder le titre suivant, Brian Ross rappelle aux plus jeunes d’entre nous que malgré son infernal patronyme Satan, n’a jamais été un groupe satanique. “Je ne suis pas un sataniste, je laisse ça à ma femme” dit il avec l’humour qui caractérise les Britanniques. Les thèmes de prédilection du groupe ont toujours été la justice, l’histoire et les problèmes de société. Avec “Atom By Atom”, le vocaliste nous fait part de ses inquiétudes concernant la vieillesse et plus particulièrement la maladie de Parkinson. “Je commence à me faire vieux et je crois que je préfèrerais mourir plutôt que de finir comme cela”, affirme t’il. Dans la foule quelqu’un lui lance “Mais quel âge as-tu” ? “Soixante deux ans” ! Répond-il avant de se mettre à headbanger comme s’il en avait quarante de moins. Respect !
“Oppression”, pour suivre, remonte aussi loin que possible dans le passé de Satan puisque le titre est extrait de la toute première cassette démo, enregistrée en 1981 (et rééditée de manière plutôt confidentielle en 2011 sur une compilation intitulée “The Early Demos”). Nous refaisons un bond de 34 ans en avant avec “My Own God”, un nouvel extrait du dernier album. “Si vous avez l’album, vous allez reconnaitre ce titre. Si vous ne l’avez pas, je n’ai qu’une question pour vous : “Pourquoi ?” dit-il avant de désigner du doigt le coin de la salle où se situe le stand de merchandising.
Les musiciens se retirent un court instant alors que résonne l’intro “Into The Fire” qui, comme sur le classique “Court In The Act” de ’83, est enchainée à “Trial By Fire” et à l’hymnique “Blades Of Steel”. Ce retour aux classiques de mon adolescence m’enchante au plus haut point et je ne suis manifestement pas le seul. Autours de moi, les poings se lèvent et les chevelures (épaisses ou dégarnies) s’agitent. Ross s’étonne de constater que certaines personnes, qui n’étaient manifestement pas encore nées à l’époque de sa sortie, apprécient autant ce disque. Le groupe enchaine ensuite quelques brûlots incontournables tirés de ses deux derniers opus : le bouillonnant “Farewell Evolution” sur lequel la basse de Graeme English ronfle comme une tronçonneuse, “Cenopath” et ses guitares jumelles dévastatrices, “Fallen Saviour”, plus eighties que nature et “Testimony” dont le riff halluciné repousse les limites de vitesse autorisées en matière de Heavy Metal classique. Le set s’achève avec “Alone In The Dock”, l’un des titre les plus sombres de “Court In The Act”.
Nous ne sommes, évidemment, pas encore rassasiés de riffs classiques, de vocaux puissants et de solos lumineux et, comme de vulgaires disciples du Malin, nous exigeons à corps et à cris le retour de Satan. Contrairement à celui des saintes écritures, notre Satan à nous est généreux et il ne se fait pas prier.
L’attente n’est donc pas très longue et le final qui nous est offert est carrément divin : “Time To Die” (NDR : le titre qui ouvrait la plaque de 2013) surpuissant suivi d’un dernier retour jouissif dans le passé single “Kiss Of Death” de 1982.
Le dernier décibel a résonné. Les lumières du Magasin 4 dévoilent une mer de visage conquis. Nous venons d’assister au sympathique triomphe de Satan. Ave Satanas !