ZZ Top à Forest. Brussels South will rise again !
Mardi 28 Juin 2016. Stetsons, lunettes solaires (bon marché ?) et mentons démesurément velus ; ZZ Top envahit Forest National et annexe (pour quelques heures) la grande salle du Sud de la capitale à la confédération des États Du Sud. Howdy Partner ? Non peut-être ! Note préliminaire : Les experts en art pictural auront la gentillesse de pardonner la piètre qualité me mes photos ‘smartphonées’. Ne bénéficiant pas aujourd’hui du butin digital de l’un de nos chasseurs d’images attitrés, j’ai estimé que ces clichés, mêmes médiocres, donneraient un peu de vie à ma prose monochrome.
19h30, Ring de Bruxelles. Le chantier qui squatte le viaduc d’Anderlecht m’offre l’opportunité de réviser, une fois encore, la discographie de ZZ Top. “Tres Ombres” calé dans le lecteur CD, je tambourine gaiement sur le volant en beuglant en duo avec Billy Gibbons les ‘Ho Ho Hos” de “La Grange”. À l’arrêt, sur la bande de circulation qui jouxte la mienne, quatre cinquantenaires, barbus, tatoués et joliment chapeautés font, eux aussi, vibrer les enceintes de leur Ford vintage au son du vénérable trio texan. 19h55. Ruisbroek est derrière moi et la circulation se fait fluide. J’atteins l’avenue Victor Rousseau en quelques minutes à peine. Pour notre sécurité, militaires, policiers et cerbères officiels ont transformé la périphérie de Forest National en camps retranché. Comme les autres, je suis soumis à une fouille en règle. Reste encore à récupérer mon invitation presse au souriant guichet de Gracia Live et j’entre enfin dans la fournaise. La salle est bien remplie, mais je n’ai aucun mal à me faufiler jusqu’au premier rang.
20h28. Le Ben Miller Band fait son entrée au son de ce qui me semble être la BO d’un antique Western. Bien que généralement allergique à toutes les déclinaisons de la musique Country, je goûte avec plaisir à cette divertissante mise en bouche.
Avec sa propension à faire preuve de joie de vivre et son look hétéroclite (NDR : iroquois et barbe pour Ben Miller, veste longue et chapeau haut de forme rouge pour Smiling Bob Lewis, chevelure kilométrique pour Rachel Ammons et chic paysan pour Scott Leeper), le groupe s’attire instantanément la sympathie du public forestois. Pour distiller leur entrainant mélange de Hillbilly, de Bluegras, de Folk, de Boogie et de Blues les quatre musiciens passent sans cesse d’un instrument à l’autre. Leeper, par example, débute le set armé d’une contrebassine (NDR : un étrange instrument confectionné à partir d’un manche de brosse, d’une ficelle et d’une bassine en tôle) avant de passer à la batterie. Smiling Bob passe, quant à lui, de la guitare à la planche à lessiver tandis que la jolie Rachel oscille entre le violon et la guitare électrique. Outre les vocaux, Miller se charge de la guitare, du banjo et de l’harmonica. Le voyage vers l’Amérique profonde est aussi instantané que jouissif et la demi-heure allouée au groupe passe à vitesse grand V. Avant de nous quitter, le quatuor se lance dans une reprise hallucinée et Ô combien décapante du classique “Black Betty” popularisé en son temps par Ram Jam. Bluffant ! Une véritable leçon de culture américaine. Notons pour les absents du jour que le Ben Miller Band donnera une séance de rattrapage le 19 septembre à l’AB de Bruxelles. À ne pas surtout pas manquer !
Il est 21h05. Autours de moi, la foule se fait de plus en plus compacte. Debout au deuxième rang depuis près d’une heure, j’ai un point de vue idéal sur la scène. Je prend donc la ferme résolution de camper sur ma position afin d’assister dans les meilleures conditions possibles à la prestation de ZZ Top.
21h30. Frank Beard n’attend pas l’extinction des feux pour prendre place derrière les futs. Avant de saisir ses baguettes, il prend encore le temps d’allumer une cigarette. La salle s’assombrit alors qu’une voix off annonce l’entrée de … ‘That Little Band from Texas’.
Le décor de scène est à la fois sobre et hétéroclite. Des amplis et des haut-parleurs aux couleurs roses et vert pomme du plus bel effet se détachent d’un fond de scène noir étoilé. Les pieds de micros constitués de néons colorés, la batterie tapageuse de Frank Beard et les claviers ‘robotiques’ de Dusty Hill rappellent le goût prononcé du trio pour tout ce qui touche au ‘Blink Blink’.
L’apparition de Billy Gibbons et Dusty Hill déclanche une clameur immédiate. Sans plus de formalités, les ‘sharp dressed’ Redneks enchainent les deux perles de leur répertoire lucratif que sont “Got Me Under Pressure” et “Gimme All Your Lovin'” ; deux titres extraits de l’“Eliminator” multi-platine de 1983 (plus de dix millions d’albums vendus, rien qu’aux États-Unis, rappelons-le). Les yeux fermés (NDR : ils le resteront presque pendant toute la durée de la prestation), Frank Beard est encore plus carré que Bob L’éponge. Véritable métronome humain, le cogneur semble vivre dans un autre monde. En ce début de show, Dusty Hill ne quitte pas les claviers. Dès que la chanson le permet, Billy Gibbons abandonne son pied de micro pour aller le rejoindre et exécuter avec lui l’unes des chorégraphies jumelles qui font à la fois le charme et le ridicule de leurs prestations scéniques.
Nous faisons ensuite un bon de dix ans en arrière avec “Waitin’ For The Bus” et “Jesus Just Left Chicago” tirés du “Tres Ombres” de 1973. Pour interpréter les titres écrits avant l’ère ‘électronique’ de 1983, Dusty Hill délaisse son précieux clavier et retrouve la magie de sa quatre-cordes. Après les émotions de l’envoutant blues vintage, nous passons à la lourdeur du groove de “Pincushion”, le titre qui ouvrait l’album “Antenna” de 1994. Retour aux classiques avec un “I’m Bad, I’m Nationwide” des familles (NDR : tiré du “Degüello” de 1979) qui, étonnamment, semble rencontrer aujourd’hui un peu moins de succès qu’“I Gotsta Get Paid “, un tire beaucoup moins connu qui apparaissait sur le dernier album studio (“La Futura”) sorti de manière plutot confidentielle en 2012. Vient ensuite le racoleur “Rough Boy”. La jolie ballade, qui fut l’un des tout gros succès de l’album “Afterburner” (1985) est un peu trop ‘pop’ à mon goût, mais elle brille aujourd’hui grâce aux magnifiques interventions solitaires de la guitare de Billy Gibbons.
De guitares, il en est encore question, avec le titre suivant, puisqu’il s’agit d’une cover du “Foxy Lady” de Jimi Hendrix. Très apprécié par l’assistance, le classique voit son refrain repris à l’unisson par tout ce que Forest National compte de gorges déployées.
Nous enchainons avec une autre reprise. Cette fois, c’est Dusty Hill qui s’empare du micro pour recréer le monument du Delta Blues qu’est le “Catfish Blues” de Robert Petway. Nous repassons ensuite du “Degüello” de 1979 avec “Cheap Sunglasses” au “La Futura” de 2012 avec l’éthylique “Chartreuse” avant de replonger dans les gros succès de 1984 avec “Sharp Dressed Man” et “Legs”. Pour ce dernier titre, Gibbons et Hill troquent leurs instruments contre une guitare et un clavier recouverts d’une immonde fourrure blanche : la crème du du kitch made in Texas, probablement.
Un premier rappel fulgurant et jubilatoire enchaine le classique des classiques qu’est “La Grange” (1973) au tout aussi classique “Tush” (1975). C’est carrément le summum du bonheur pour les aficionados du ZZ Top vintage. Après nous avoir fait mariner dans notre jus durant quelques minutes, le trio réinvestit une dernière fois les planches de Forest pour nous balancer une cover ultra-plombée du célèbre hymne au travailleurs de la mine qu’est le “Sixteens Tons” du chanteur Country Merle Travis. Avant de quitter définitivement la scène, Gibbons, Hill et Beard jugent bon de nous infliger une reprise, un peu trop mollassonne à mon goût, du “Jailhouse Rock” d’Elvis Presley.
Malgré cette dernière note moins positive, cette soirée chez les Yankees fut un enchantement. Après 47 ans de carrière (NDR : le trio s’est constitué en 1969), ZZ Top surprend encore par la qualité de ses prestations. Les Texans, qui affichent pourtant un look de vieillard depuis les années 80, semblent avoir trouvé le secret de l’éternelle jeunesse.
23h15, je remonte lentement l’avenue en tentant de me souvenir de l’endroit où j’ai garé ma voiture. Alors que je me remémore cette formidable soirée passée à rêver de l’écrasant soleil des déserts du Texas, une drache bien de chez nous me ramène à notre douce réalité nationale. Quel été de merde !
Deux petites remarques: 1/ Black Betty n’est pas un titre de Ram Jam mais bien de Leadbelly (et encore, lui-même l’a probablement adapté d’un traditionnel) 2/ Billy et Dusty ne sont définitivement pas des rednecks, ils en sont même l’antithèse.