ArticlesConcerts

Motorama ou le retour de la guerre froide

0 Shares

Quoi qu’on en dise, les groupes russes qui tournent en Europe ne sont pas légion. Motorama est sans doute le seul qui soit parvenu à se faire un nom ces dernières années, à coup d’albums et de concerts répétés. Ils étaient ce mercredi 26 octobre à la Rotonde du Botanique. Mais il ne s’agissait pas de la seule bonne nouvelle de la soirée puisque la première partie était assurée par les Tubiziens de Billions Of Comrades qui sont de retour avec un nouvel album sous le bras, “Rondate” (à prononcer à l’italienne). Les vainqueurs du Concours Circuit 2012 peuvent se targuer d’avoir enregistré une plaque riche et sinueuse dans laquelle on risque de s’abandonner souvent ces prochaines semaines.

D’autant que sur scène, les nouveaux titres prennent une dimension supplémentaire en apparaissant plus rugueux que jamais. Si certaines intonations du leader Johnathan Manzitto renvoient à celle de Robert Smith, on ne se trouve pas dans le même environnement que celui présenté par The Cure. Moins sombres, plus nerveuses et parsemées de sons électro entêtants, les compositions du quatuor paraissent de prime abord déstructurées mais finissent pas couler de source. Mention à “Minor” dont la version d’une puissance rare ponctuera un set rondement mené.

C’est une évidence, on parle davantage de la Russie pour son actualité politique que pour celle de ses groupes de rock (encore que, avec Pussy Riot, les deux sujets cohabitaient). Motorama fait donc figure d’exception, eux qui ont participé au PacRock en avril dernier dans une température polaire qui sied parfaitement à leurs compositions glaciales.

Précisons toutefois qu’il n’y a pas que leurs compositions qui sont glaciales. Leur attitude de prisonniers condamnés à passer les deux prochaines années de leur vie dans une mine de sel de Sibérie l’est en effet tout autant. Pas un sourire, pas un mot, mais au final un concept austère qui leur convient à merveille. Vladislav Parshin porte un anorak qui ne le quittera pas de la soirée, au contraire de ses lunettes (il paraît beaucoup moins sévère sans ces dernières sur le nez). Quant à sa voix ténébreuse, elle impressionne en live car nettement plus brute que sur disque, bien que faussement désintéressée.

Les natifs de Rostov-on-Don viennent de sortir “Dialogues”, un quatrième album en six ans qu’ils vont présenter dans son intégralité ce soir. Un album qui les voit malgré tout arrondir les angles et adopter une direction plus mélodieuse grâce à des claviers aussi apaisants qu’efficaces (l’entêtant “By Your Side” d’entrée de jeu, le presque joyeux “Tell Me”, l’excellent “I See You”). On a même l’impression que le leader prend un malin plaisir à rendre les titres accessibles malgré une voix et une attitude pince-sans-rire délibérée (on le verra tout de même esquisser quelques sourires au stand merchandising après le concert où il écoulera un nombre impressionnant de vinyles).

Précisons tout de même que l’album précédent, “Poverty” (présenté en février 2015 dans cette même Rotonde), les voyait déjà se détacher quelque peu de leurs origines, à l’époque où on les comparait à Joy Division sans aucune autre forme de procès. Bien entendu, des réminiscences existent, comme cette ligne de basse sur “Someone Is Missed” et “Sign” (chanté avec un accent russe prononcé). En, parlant de basse, le leader échangera quasi systématiquement son instrument avec celui du guitariste.

Si cela est très bien joué, la set-list kilométrique ne va pas participer au dynamisme de la soirée, le groupe donnant l’impression de se reposer sur une formule (gagnante, certes, mais) qui a tendance à se répéter. Quelques éclairs de génie (“Corona”, “Rose In The Vase” et “Lottery” en tête) dynamiseront la Rotonde qui n’attendait que ceux-ci pour vibrer. À la limite, s’ils s’étaient contentés de la plage horaire initiale (soixante minutes) en concentrant leur énergie, leur set aurait été parfait.

Laisser un commentaire

Music In Belgium