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Interview du groupe Irradiance

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Grâce à notre collaboration avec Hardlife Promotion, Music In Belgium a pu rencontrer le groupe français Irradiance, de passage à Maasmechelen dans le cadre du FemME Club Tour 2016 le 20 novembre dernier.



MIB: Bonjour Audrey, bonjour tout le monde. Voilà déjà un petit temps que votre album «Dissidence» est sorti. Quel est votre bilan jusqu’ici?
Audrey: Nous sommes plutôt contents. Les critiques de l’album sont assez positives. Les concerts se passent bien. Le public est réceptif. C’est vraiment chouette!

MIB: Avez-vous déjà eu des expériences positives qui vous ont marqué durant cette première vague de concerts? :

Stéphane: Nous avons connu l’ascenseur émotionnel dans tous les sens. Dans le positif, je retiens surtout le tremplin offert par le Female Metal Event (FemME Festival). Se retrouver dans les battles, c’était déjà formidable. Arriver en finale était encore plus inespéré! Quand on a vu les groupes auxquels nous devions nous mesurer, on s’est demandé ce qu’on faisait là. Nous étions un peu le Petit Poucet. Ce fut vraiment une surprise. Nous avons aussi eu d’excellents retours de la part du public et notamment de gens qui n’étaient pas venus spécialement pour voir Irradiance. Ce qui nous a fait beaucoup de bien, c’était de voir que face à des groupes beaucoup plus avancés, nous tenions malgré tout la route. L’accueil du public a été une très bonne expérience.

MIB: Certains de nos lecteurs ne vous connaissent peut-être pas. Si vous deviez « vendre » le produit « Irradiance », quels arguments invoqueriez-vous? Comment décririez-vous votre musique et votre univers?

Audrey: Tous les musiciens sont trop cools et je suis trop contente d’être avec eux (rit).



MIB: Plus sérieusement, votre projet se distingue par l’originalité de son propos et aussi par sa forme d’expression musicale. Comment le présenteriez-vous?

Audrey: L’ouverture et la diversité des styles et des influences est un premier élément qui peut intéresser le public et lui offrir une alternative qui sort vraiment des sentiers battus par rapport à ce que l’on entend habituellement dans le métal à chant féminin et le métal symphonique. Nous avons essayé de ne pas faire un album uniquement symphonique. Notre projet a été pensé plutôt comme une musique orchestrale, orchestrée même. Nous avons essayé aussi d’être libres par rapport aux influences extérieures en intégrant des apports de type music-hall, jazz, etc. La part de la section rythmique (guitare, basse, batterie) est en fait plus death mélo que franchement symphonique. Nos riffs s’inspirent plus de groupes comme Soilwork, Sybreed ou Evergrey. Les autres instruments ont un apport plus classique, plus symphonique. Au niveau de la voix, je chante en grande partie en lyrique, avec des incursions de chant clair ou des passages en voix mixte pour donner un petit côté cabaret.

Notre musique mélange vraiment beaucoup de sphères du métal et des styles extérieurs comme la musique classique. À cela s’ajoute l’apport des instruments comme le violon et le violoncelle (même si notre nouveau violoncelliste n’a pas pu être des nôtres aujourd’hui). Nous essayons d’aller vers un style où les instruments réels présents donnent aussi un petit côté musique de chambre. Notre démarche consiste à creuser vers des horizons musicaux qui nous plaisent et qui sont, au final, assez différents.

MIB: « Dissidence » était un album très thématique. Alors que les albums conceptuels étaient très à la mode dans les années ’70, certains groupes sont aujourd’hui radicalement opposés à cette approche. Avez-vous déjà une idée de ce que vous comptez faire dans le deuxième album que nous attendons impatiemment?

Audrey: Au début, nous avons posé les bases d’un univers autour duquel j’ai écrit des petits textes, des nouvelles, des paroles avec Stéphane. Pour la suite, on va creuse là-dedans. Le deuxième album va être un véritable album conceptuel qui se passe dans l’univers d’Irradiance qui est hyper défini. Nous avons même dessiné une carte géographique de cet univers. Notre démarche est un peu comparable à celle de certains auteurs de science-fiction qui ont écrit une saga dont l’action se situe dans un monde de leur invention.



Stéphane: Je viens d’ailleurs de relire toute l’œuvre de Frank Herbert…

Audrey: Nous avons créé un univers rétrofuturiste (dans lequel on retrouve des éléments anciens mélangés à des éléments franchement futuristes). Nous parlons de problèmes politiques et de plein de choses. Toutes les bases ont été posées et les personnages présentés dans le premier album et dans les nouvelles que j’ai écrites en parallèle. En fait, on va retrouver ces personnages dans une nouvelle histoire située dans cet univers. Je ne peux cependant pas vous révéler la trame de l’histoire, car il est encore trop tôt pour en dire plus.

MIB: Tu viens de dire que tu écris des textes, des nouvelles, des paroles. Cela m’amène à la question suivante. Comment fonctionne le processus créatif au sein d’Irradiance?

Lucas: J’ai ma théorie là-dessus. Ils écrivent d’abord quelque chose de sérieux. Au bout d’un moment, ça part en vrille et ensuite ils ne gardent que les moments où c’est parti en vrille…

Stéphane: En fait, c’est assez bien résumé. Au début, c’était un peu notre façon de travailler. Beaucoup de choses sont nées de délires et on a fini par se dire qu’on pouvait vraiment faire ça. Sérieusement. Plusieurs passages (jazz…) sont le résultat de gros craquages. Quand on ne trouvait pas un plan, on le jouait en version jazzy pour rigoler alors que le plan précédent était totalement différent et aurait pu figurer sur un album de brutal death… Et puis on se dit qu’on pourrait peut-être garder le résultat.

Pour en revenir au processus créatif, globalement nous composons Audrey et moi tout l’aspect basique. Au niveau des textes, j’écrivais aussi un peu avant, mais j’ai décidé qu’Audrey faisait ça très bien et c’est à présent elle qui s’en charge.

Ensuite, il y a tout un gros travail de retouche qui va parfois jusqu’à une réécriture totale du morceau. Certains titres ont existé en 15 versions différentes… C’est un processus lent qui consiste à apporter sans cesse des améliorations.



MIB: Mais dans ces conditions comment décidez-vous qu’un morceau est « prêt » et que vous arrêtez de le modifier?

Audrey: Je l’oblige! (rit)
Stéphane: En fait, c’est quand on arrête la date à laquelle on doit envoyer les fichiers à l’ingé son. À partir de ce jour-là, il n’y a plus de modifications.

Audrey: Notre mode de composition et de création est aussi la raison pour laquelle nous n’avons pas pris un label. Nous n’avons pas démarché les labels parce que nous voulions vraiment avoir le temps et définir ce que nous voulions faire. Nous avions pourtant déjà des maquettes et des démos. Mais nous avons voulu garder un maximum de liberté. Et comme nous avions le temps, nous avons pu faire appel à beaucoup d’amis musiciens et artistes pour participer au projet.

Pour la compo à proprement parler, on fait des tests: on enregistre des choses, on fait vraiment plein d’essais avec Steph et généralement, je tranche en disant qu’il faut qu’on reste dans une certaine ligne pour assurer la cohésion de notre univers. Le risque à vouloir trop élargir les horizons est que cela se fasse au détriment de la cohérence. Comme notre univers a été pensé dans sa globalité, avant même de commencer le travail de composition, j’ai déjà toute la phase scénaristique qui est écrite.

MIB: Si je comprends bien, vous concevez votre album un peu comme on conçoit un film au cinéma, avec une espèce de storyboard

Audrey: Moi, je fais carrément des dessins. Donc oui, notre approche est similaire. Chaque élément narratif, je le détaille dans ma tête pour définir déjà les ambiances. Et c’est grâce à ces détails que je peux ensuite dire à Steph si je trouve qu’il faut ajouter par exemple des synthés d’ambiance qui font par exemple penser à des machines. Si tu n’as pas déjà une vision globale de ta narration, tu ne peux pas assurer la cohésion du récit.

MIB: Un scénario aussi fouillé, un monde aussi bien défini, cela veut-il dire que l’on peut s’attendre à un CD accompagné d’extras, un peu comme la version spéciale du Hobbit ou le livre qui complète le cd comme dans le projet Phantasma de Georg Neuhauser et Charlotte Wessels?

Audrey: C’est prévu! En fait, l’idée ce serait qu’il y ait un livre avec des illustrations. Il n’est donc pas impossible que la version « développée » de l’album soit carrément intégrée dans un livre. On veut faire la fusion entre les nouvelles et la musique.



MIB : Dans quel horizon de temps peut-on espérer découvrir ce second opus?

Stéphane: Sans doute pas avant 2018.

Audrey: Oui, sans doute 2018, car Steph et moi, nous fonctionnons de manière compulsive au niveau créatif. Pendant un mois, nous allons bosser comme des malades, puis nous ne faisons rien pendant deux mois… Ensuite, on s’y remet et ainsi de suite.

MIB: Dans l’intervalle, allez-vous continuer à donner des concerts?

Audrey: Nous sommes en train de chercher un booker qui pourrait nous décharger de la partie « organisation » qui est vraiment très chronophage.

Stéphane: Tout l’aspect non créatif engouffre 90% de notre temps et cela ralentit le travail de création. La configuration du groupe, sur le plan humain et au niveau du matériel, ne nous permet pas de jouer tout le temps. Nous devons nous concentrer sur quelques grosses dates, aussi pour une question de logistique.

Audrey: En plus, c’est épuisant et comme tous les membres du groupes ont un boulot à côté, participent à d’autres projets ou font beaucoup de choses, nous arrivons à un point où, pour pouvoir passer un cran au-dessus, il faut qu’on s’entoure de personnes capables de gérer cet aspect des choses.

Stéphane: Il nous faut une équipe support capable de nous épauler au niveau organisationnel et aussi un peu au niveau technique. Cela nous laissera davantage de temps à consacrer au créatif.



MIB: Les ventes de disques ne sont pas au top. Comment se portent les ventes de disques pour Irradiance?

Audrey: Nous avons pressé 1000 exemplaires du premier album, dont une centaine destinés à la promo. Au niveau des ventes, nous devons tourner autour des 400 exemplaires vendus. Mais il ne faut pas oublier que nous avons travaillé à l’envers par rapport à ce que font la plupart des groupes. Nous avons travaillé en sous-marin: pendant que nous préparions l’album, nous avons déjà fait de la scène. Nous sommes arrivés comme des inconnus, mais nous avions déjà de la matière alors que souvent les groupes tournent pendant deux ou trois ans pour se faire connaître avant d’enregistrer leur album.

Dans la mesure où nous n’étions pas connus puisque notre formation n’a que deux ans – ce qui n’est rien dans le métal – nous ne pouvons pas nous plaindre. Mais nous avons besoin d’une équipe pour la com, la promo, etc.

MIB: Merci à vous et à ce soir sur scène!

Audrey: Merci à Music In Belgium et à vos lecteurs.

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